La guerre et la musique

La jeune femme se saisit de la mission à demi effacée sur le panneau. Elle en parcouru brièvement les ordres. Une demande pour déterminer les propriétés d’une armure. Henning, enroulé autour de son cou, posa les yeux sur la requête puis les laissa dériver vers sa maitresse avant de repartir vers le papier puis à nouveau vers sa maitresse. L’adolescente éluda sa question d’un hochement de tête.

Oui, nous y allons.
Vu l’état du papier, elle doit trainer ici depuis un sacré bout de temps.
Tu devrais la reposer. Il manque une grosse partie des informations.
L’adresse est à la frontière d’Iceberg.
Qu’importe. Tout ira bien.

Misto fit signe au barman et se dirigea vers la sortie. Il préviendrait Nywell en cas de pépin. Elle s’empara de son manteau et salua les deux trois membres qu’elle croisa franchissant les portes du Nid. Le petit écureuil blanc qui dormait dans le creux de son cou s’étira lascivement et troqua sa fourrure de petit mammifère contre les plumes du hibou. Il s’envola alors que la nouvelle seconde d’Eagle’s descendait les montagnes de fer pour prendre la route. Elle s’embarqua dans la gare la plus proche et pris le premier train pour Iceberg qu’elle trouva. Assise sur le banc, son regard se fixa sur le paysage qui défilait alors que les âmes qu’elle transportait avec elle entamait une sempiternelle dispute sur la manière d’aborder cette nouvelle mission. La brunette soupira. Le temps allait lui paraitre bien long.

L’allée enneigée laissait aisément la lourde bâtisse grise et boisée se détacher du blanc immaculé. Les lieux, écrasant de par leur hauteur, laissèrent la jeune femme muette. Elle vérifia l’adresse une bonne dizaine de fois, jetant des coups d’yeux nerveux aux ruines alentours, avant de s’avancer vers le battant de la porte qu’elle crut deviner être en chêne. Elle y toqua une fois, deux fois avant que celui-ci ne s’ouvre.

- Oh … J’ai pourtant cru entendre frapper…
- Monsieur …
- Et voilà que j’entends des voix …
- Monsieur …
- Je crois qu’il faut que j’arrête de faire des recherches avec du café et sans sommeil …
- Monsieur !

L’homme baissa enfin les yeux vers elle.

-Ooooh je peux vous aider ?

Elle lui tendit son ordre de mission, ne cherchant pas plus à s’exprimer. Henning, qui se tenait sur son épaule, observa l’historien d’un œil critique voir même dédaigneux alors qu’il les invitait à entrer.

- Je n’aurais jamais pensé que vous seriez autant à répondre !
- Autant ?
- Oui, il y a déjà quelqu’un dans le salon. Elle doit être en train d’équiper l’armure je pense.
- Où se trouve le salon ?
- Par là, fit-il en désignant une porte ouverte au fond du couloir. Si vous voulez bien m’excuser je…

Il ne prit pas la peine de terminer sa phrase. Misto était déjà sur le seuil de la pièce en train de regarder la jeune femme qui se tenait fièrement dans une armure frappée au blason de Fairy Tail. Les cheveux roux accompagnaient le coup d’épée connaisseur de la guerrière de fée, alors que son pied glissait pour suivre l’élan et équilibrer l’attaque. Un sourire se dessina sur le visage de la brune alors qu’elle s’installait dans un coin pour observer la danse martiale de celle qu’on appelait la Reine des fées. Souplesse, finesse. Une tendresse concentrée sur cette lame effilée. Ses yeux brillaient d’admiration alors que la jeune femme se retournait et l’apercevait. Elle applaudit, le sourire aux lèvres alors qu’Henning s’envolait pour se poser sur le sol. L’adolescente s’approcha, mi intimidé par cette présence allure mi enchantée à l’idée de ne pas être seule pour cette mission dont elle ignorait les trois quart sinon l’essentiel.

- Excusez-moi, je ne voulais pas vous déranger pendant que vous vous entrainiez. Je m’appelle Misto Shida. Je serais votre coéquipière pendant les jours à venir. Et voici…

Le hibou blanc troqua son apparence sage pour redevenir le loup qu’il était à l’origine. Ce dernier vint s’assoir près de sa jeune maitresse avant de se baisser dans un simulacre de courbette cérémonieuse.

- Henning, enchantés de vous rencontrer.

La guerre et la musique

Misto s’étira dans son siège. Sa tasse de thé posée sur les genoux, et les yeux plongé dans le feu. La lueur tremblotante dessinait des ombres fugaces sur son visage juvénile tout en flambant ses prunelles rouges. Un doux sourire étira ses lèvres alors que la question de la Dame Scarlet fusait.

« Plutôt intriguant ta chouette qui se transforme en loup. Est-ce là ta magie? Changer à volonté la forme d'un animal? Es-tu toi-même take over?
- C’est bien plus compliqué que cela. Henning n’est pas seul. »

Une seconde silhouette se lova sur les genoux de la Reine des fées. Une troisième se posa sur l’accoudoir près le sa jeune maitresse. Une quatrième grimpa sur sa tête avant de s’y coucher. Un cinquième se posa simplement devant la cheminée. Un sixième se plaça dans le dos de la jeune demoiselle avec une apparence humaine qui lui ressemblait trait pour trait. Le septième et dernier s’étala sur le sol en bois, les quatre fers en l’air pour espérer être caressé. Huit paires d’yeux différents sur la curieuse présente dans la maisonnée. Gris, brun, noir, vert sombre, roux, borgne et fauve contrastant avec le premier qui était d’un blanc omniprésent. Les sept autres âmes disparurent, murmure irréel d’une scène animalière peu commune.

« Huit âmes. Elles vont et viennent comme elles le souhaitent. Elles imitent ce qu’elles croisent. »

Le loup blanc releva la tête quand son confrère roux apparu devant le feu. Son ombre se brouilla pour masquer la transformation progressive de l’âme en une copie rousse d’Erza. Asulf lui sourit malgré son regard surpris qui le toisait alors qu’il finissait de remplir la tasse de café chaud.

« De l’invocation et de la musique si l’on veut être précis, expliqua-t-il en posant le récipient dans ses mains. Nous imitons les vivants, elle joue les cœurs présents. Mais toi, quelle est ta magie ?»

Il s’inclina respectueusement avant de disparaitre, laissant plus de questions derrière lui que de réponses. Misto haussa les épaules devant le regard interloqué de son ainée. Elle avait parfois tendance à oublier à quel point cela pouvait être déroutant d’avoir autant de changement en si peu de temps. Un sourire gêné se glissa sur ses traits alors que sa main passait derrière sa tête.

« Désolée. Ce n’est jamais évident au début. Surtout quand ils n’en font qu’à leur tête pour apparaitre et disparaitre. Cela dit Asulf semble vous apprécier. Il est moins serviable d’habitude avec les étrangers.
- A-t-il seulement une fois été serviable avec autrui ?
- Surement. Je n’ai jamais prêté attention à ce menu détail. »

L’écureuil noir s’étira sur la tête de sa maitresse avant de se lisser la queue avec application. Il adressa un petit coucou, secouant avec prudence sa minuscule menotte. Misto souleva sa tasse pour réchauffer sa gorge sèche. Ce retour dans son pays natal lui faisait comme une boule au ventre. La nostalgie omniprésente, les rares souvenirs qu’elle en conservait… Sa main chassa le tout d’un revers alors que ses doigts saisissaient doucement la deuxième âme présente.

« Runi, fit-elle en le tournant vers Erza en souriant, il est un peu froid mais ce n’est qu’une façade.
- Lâche moi. »

Le petit animal se débattit en foudroyant l’aigle du regard. Celle-ci éclata de rire et lui posa un baiser sur le crâne avant de le poser sur le sol. Celui-ci s’élança vers le siège de la Fée, grimpa sur l’accoudoir et se pencha pour observer le contenu de la tasse avant de fixer les prunelles marrons de sa détentrice. Il resta un instant immobile, le regard indéchiffrable avant de tourner le dos pour sauter de son perchoir.

« Et si on regardait cette armure de plus près ?
- Tu es pressé Runi ? »

Le son de la coupelle rencontrant la table en bois troubla le calme de la pièce. L’adolescente se leva, réprimant en bâillement et s’étira à nouveau. Elle observa l’esprit qui avait pris ses traits et qui maniait l’épée antique avec précaution. Son doigt caressant le tranchant de l’arme alors qu’il s’approchait d’une barre métallique soutenue par deux tréteaux.

« Dremora a vraiment pensé à tout, fit-il avec un grognement appréciateur lorsqu’il soupesa l’arme. »

Il hocha la tête comme s’il répondait à une question qui leur échappait et trancha l’air d’un mouvement vif. Il laissa échapper un soupir satisfait en ne sentant aucune résistance dans le métal immobile. A peine fut-il retourné que le son des deux bouts sectionnés glissant sur le sol meubla le silence. Il la reposa sur son présentoir avec un sourire satisfait.

« Je voulais voir ça de mes propre yeux. Une arme qui peut trancher à peu près n’importe quoi sans aide. Je pensais que la dernière avait été perdue il y a bien longtemps …
- Tu aimes trop les contes de fées mon vieux.
- N’en vit-on pas un Blanche Neige ?
- Rappel moi de me pincer si je vois de la poudre de perlimpinpin.
- J’essaierais d’y penser. Pour le moment j’ai une question.
- Oh ? Tu deviens curieux ?
- Oui. Je me demande si on peut avoir une démonstration de la part de notre amie. Le rééquipement n’est pas ce qu’on peut appeler une magie courante et je m’en voudrais de rater une occasion pareille…
- Oh oui c’est juste. »

Les regards convergèrent vers la Reine des Fées. Misto, discrète, souriait avec bienveillance tout en gardant un semblant de surveillance sur les deux loups qui se promenaient dans la pièce. Tout ce dont elle devait s’assurer, c’est qu’aucun des deux ne s’essaie à la curiosité mal placée. Sinon, elle ne donnait pas cher de sa peau.

La guerre et la musique

Hésitante. Des doigts fugueurs sur un clavier mal maitrisé. Un don musical qu’elle n’a pas perfectionné sur l’instrument proposé. Simple jeu sans piquant qu’elle prend garde à tisser pour son auditoire. Enfant étrange que la musique guide et que son propre pouvoir oblige à rester étrange. La dernière sonna le glas d’un massacre musical qu’elle trouvait odieux mais qu’elle n’avait guère rien de mieux. Décision s’accompagnant alors d’une nouvelle volonté : celle d’apprendre à jouer sur tous les instruments qu’elle pourrait un jour croiser.

« C'était très jolie. Tu joues depuis longtemps?
- Depuis l’âge de cinq ans. Je ne maitrise pas bien le piano, seulement le luth, le violoncelle et l’ocarina bien sûr.»

Misto referma doucement le clapet qui protégeait le clavier. L’instrument était vieux, usé jusqu’à la corde. L’adolescente aurait pu en libérer les milliers de fragments d’âmes qui s’y terraient mais elle n’en fit rien. Ils ne le souhaitaient pas. Elle n’avait donc pas le besoin de le faire. La voix d’Erza la tira de ses pensées.

«  Tu sembles avoir bien des cordes à ton arc… A tout hasard, tu ne t'y connaîtrais pas en histoire d'Iceberg? »

L’histoire d’Iceberg …

Ce serait mentir de dire qu’elle ne la connait pas. Et que dire des loups qui l’accompagnaient ? Chacun d’entre eux y avait joué un rôle, plus ou moins important, plus ou moins oublié. Oui, elle la connaissait. De la moindre légende qui court dans les foires à la plus complexe des chansons à boire. N’est pas ménestrel qui veut dirait son maitre s’il le pouvait encore.

« Oui en effet, elle en connait beaucoup. Mais toujours moins que moi.
- Henning …
- Tu n’es pas vraiment fiable si tu veux mon avis, jeunot. »

Le pelage gris de l’albatros étincela sous la lune pleine. Osulf. Misto retint un sourire devant la tête outrée d’Henning. En effet, sa mémoire était bien plus jeune que celle de l’Hasardeuse. Comment pourrait lutter un esprit âgé de trois à quatre siècle face à un de plusieurs millénaire ?

« Tu es sûre qu’avec tous tes siècles tu n’as pas attrapé Alzheimer ?
- Non seulement je suis sûre mais en plus je peux affirmer que ton combat contre le roi était absolument minable. Une vraie foutaise de cour. Même les petites batailles entre clan de mon temps avaient plus fière allure que ça.
- Tsss… »

Malin mouché. Point pour Osulf. L’esprit reporta son attention sur Erza, plongeant ses yeux bleus glaciers dans ceux de la jeune femme. Elle finit par hocher la tête après un long moment resté immobile.

« Tu ne devrais pas laisser ton passé te hanter jeune fille. Enfin, là n’est pas le sujet. Misto, veux-tu bien jouer Saga du Walhalla ? Je suis sûre que tu trouveras dedans ce qui intéresse tant cette fée. »

L’adolescente resta immobile, le temps de trouver l’énergie pour hocher la tête. Délaissant le piano dans son coin et ses ocarinas, elle marcha tranquillement vers le luth qui ornait la cheminée. Elle le décrocha avec une délicatesse exagérée avant de s’assoir par terre.  Les notes envahirent lentement le silence alors que toute la concentration de la brune était tournée vers l’instrument qu’elle accordait. Elle finit par relever la tête après avoir tourné la dernière cheville du manche. Elle invita Erza à prendre une place plus confortable puis, une fois prête, gratta la première corde.

Le do sonna étrangement dans la pièce, accompagnant la voix aux accents chauds de la musicienne, qui commença lentement à évoquer tour à tour, chacun des objets de la mission.

« Lentement,
Toi dont le cœur pulsant se vide sur le champ de bataille,
Tendrement,
Toi qui sagement attends les Dises qui ont frappées dans tes failles,

Mourant,
Le jeune homme qui regarde désespérément
Les guerrières dans leur sinistre manteau de cygne blanc.

Brunehilde veille de loin l’inconscient
Hildr qui attend son le trépas pour lui redonner un aspect vivant
Sigrdrifa la vaillante pleure l’homme a qui elle à apprit à tenir une épée.

Trois Dises qui mèneront bientôt cette créature damnée
Vers le hall de gloire des esprits défunts,
Où il soupera en riant avec notre maitre Odin.

Sigrun parcourt les landes de sang,
Frappant quiconque la croisant de la rune du conquérant.
Svafa distribue derrière elle,
Le sommeil éternel accordé aux vaincus de cette douloureuse ritournelle.

Mais que fera Thrùd ?
Elle volera la puissance que renferment ses milliers de cœurs atones.
Et cette femme vêtue d'une armure s'envole.
Mais que dira Ölrùn ?
En tapant nerveusement sa lance contre le sol,
Elle désapprouvera la folie des hommes...»

La guerre et la musique

L’adolescente veilla tranquillement sur le sommeil de sa coéquipière avant de finalement y succomber quelques heures plus tard. Les loups se turent aussi, veillant à leur place sur cet étrange lieu qui semblait avoir bien des choses à cacher. Des secrets. Toujours des secrets. Un murmure silencieux que la nuit saura conserver. Un cauchemar qu’elle refait encore et toujours. Sans doute à jamais. Puis l’aube la force à se lever.

La jeune femme se leva pour errer dans la pièce avant de réveiller sa compagne. Elle avait remis le luth à sa place pendant qu’Erza émergeait à son rythme. Elle quitta la pièce pour s’aventurer dans la cuisine du petit manoir. Juste le temps de se tenir prête avec un bon thé brulant. Elle revint tranquillement dans la pièce. Sans qu’aucun loup n’est pointé le bout de son nez. L’adolescente s’assit en lotus dans un coin pour laisser Scarlet en paix, se perdant dans une contemplation muette du mur face à elle.

L’aigle sursauta quand Dremora entra dans la salle. Elle ne comprit qu’un peu tard qu’elle s’était légèrement rendormie. Elle se leva pour répondre aux questions de leur hôte avant d’hocher la tête et d’emboiter le pas à la fée. Elle ne tressaille pas dans le froid malgré sa tenue légère. Elle observa attentivement son ainée user de magie pour prendre ses aises par ce climat … particulier.

« Pour aller un peu plus vite, je te propose que nous nous séparions, je prends cette moitié du village, toi celle-là. On se retrouve plus tard. »

L’adolescente lui fit signe qu’elle avait compris et siffla brièvement alors qu’Erza désertait les lieux. Quatre des huit esprits apparurent. Un luxe étant donné qu’elle préférait recourir à seulement trois d’habitude. Quand elle était seule. La meute se sépara, envoyant rapidement Henning sur les pas de la réequipementiste pour se disperser dans l’autre partie du village en cendre. Misto avance à pas lent parmi les ruines, le regard dérivant le long des allées où se dressait les charpentes noircies et où l’air était encore imprégné par la fumée. La neige craquait sous ses pas mesurés, traçant son passage dans les décombres d’un village qui avait été vivant quelques jours auparavant. Avant. Son visage fermé respirait la déception devant la multitude de son qu’elle entendait. Des âmes par milliers qui pleuraient ou simplement vivaient. Certaines cherchaient un sens, d’autre regardaient les restes de leurs chez eux sans savoir quoi penser. Les mélodies s’étiolait lentement, tous juste encore perceptible avant leur disparition. Dans un an et un jour.

La main de la jeune femme caressa son baudrier avant d’en libérer l’un de ses instruments. Trop de monde autour d’elle. Trop d’âmes en peine pour sa pauvre cervelle. Trop de vengeur hurlant pour ses nerfs. Aucune information dans le flot ininterrompu des morts abattus. Les loups s’arrêtèrent net quand les premiers accords s’envolèrent.

« Tous n’est pas perdu,
Pour vous qui n’êtes plus.
Tout n’est pas fini,
Suivre la musique il vous suffit.
Extravagante, Entrainante,
Attention à cette route branlante.
C’est entre vous et moi,
Peuplade effrayante qui danse sur la sérénade du pont de bois. »

Les âmes réceptives aux alentours se volatilisèrent sans demander leur reste. Quelques autres s’approchèrent de la demoiselle, oiseau d’augure incertaine ou de vengeance hautaine. Autant de fantôme que la musique emporta loin, très loin de là. Autant de sons et de mélodies qui se turent sans un cri. D’autres l’observaient, lui montraient, lui racontaient le peu qu’ils savaient. L’aigle continua à avancer, pleurant silencieusement en écoutant les dizaines de voix autour d’elle. Ce qui faisait mal, ce n’était pas de les entendre, non. C’était de ne pas pouvoir leur offrir le repos. Parce que seul un Uta complet aurait pu le faire. Et qu’autour d’elle gisait des fragments de ce que ses fantômes avaient été.

Ne pleure pas Misto. Tu en as déjà vu bien pire.

Elle secoua la tête et bifurqua dans une petite rue. La brune continua ainsi à errer, les yeux perdus dans le vague et sans aucune idée de ce qu’elle cherchait. Elle passa à la limite du périmètre d’Erza sans remarquer les glyphes runiques sur la porte à demi consumée d’une bâtisse totalement ravagée. Si elle s’était arrêtée elle aurait pu y voir la phrase. Si elle s’était arrêtée, elle aurait pu penser à retourner avec la fée mal à l’aise dans le frimas d’aujourd’hui. Seulement elle ne s’est pas arrêtée. Déboussolée, elle a continué ailleurs à chercher. Les yeux toujours embrouillés par des sons qui n’étaient pas les siens. Pas plus que ceux qu’elle possédait déjà.

La guerre et la musique

La jeune femme ferma les yeux et inspira profondément en sentant se rapprocher. Elle rassembla les quatre coins de son esprit pour reprendre le dessus sur le désespoir de tout ce village d’âme. Elle tressaille à peine en écoutant la voix d’Erza alors que Runolf tente de la détourner d’elle pour lui donner le temps de se ressaisir. Et, alors qu’elle lui emboite le pas en silence, elle retrouve enfin un minimum d’elle-même. La distance semble l’aider.

« Ne t’inquiètes pas, ce n’est rien. Sur tout un village, tous sont resté sur place à chercher la cause de leur mort. Du coup, quand j’ai joué, je me suis faite submergée par leur désespoir. C’est aussi simple que ça. »

Elle ne lui dirait pas que cela lui rappelait douloureusement l’histoire de sa famille pas plus qu’elle ne formulerait l’hypothèse que Wyvern y était peut-être pour quelque chose dans cette histoire. Elle réfuta cette idée en se remémorant un détail notable. Dans la propriété, il n’y avait plus rien. Pas même une âme qui vive. Sauf elle. Et si elle croyait son ancien elle-même, c’était un coup de veine. Un sacré coup de veine. L’adolescente ouvrit la porte et interpella Dremora pour lui faire part des découvertes de la fée. L’historien s’empara des notes et disparut dans sa bibliothèque sans demander son reste, laissant les deux jeunes femmes seules.

« Ce type est vraiment étrange… Tu crois qu’il trouvera quelque chose dans ses bouquins ?
- Que je sois changé en pierre s’il n’est pas capable de lire une pauvre phrase en runique antique, soupira Runolf.
- Erza, aurais-tu une armure pour ça ? Les livres sur le sujet sont d’une rareté …
- PAR TOUTES LES PLUMES DES CORBEAUX D’ODIN »

L’homme émergea dans le couloir et leur tendit la feuille traduite avant de commencer à poser des questions sur le village. Les quatre esprits de Misto se regardèrent interloqués avant de produire une description fidèle de la zone. L’historien repartit en sens inverse avant de revenir avec un épais volume en cuir relié. Il pointa les lignes du doigt, les yeux grands ouverts et terriblement affolés.

« Le … la… Légende… elle… elle… elle…
- Au fin fond des ténèbres, alors que régnait la folie des hommes, seules les Walkyries garantissaient l’équilibre du monde. Bénissant les méritants et tuant les pêcheurs, elles avançaient toutes côtes à côtes sur les champs de bataille…
- Quel rapport avec la traduction ?
- Le sceau. Regarde la feuille Misto. »

Les yeux de la jeune femme s’attardèrent sur l’image alors que Radulf lui transmettait ce qu’il savait. Elle ferma les yeux et inspira profondément, réfléchissant à toute vitesse à cette énigme sans queue ni tête. Des Walkyries qui sortent de nulle part pour reproduire une vieille légende poussiéreuse qui dormait dans une bibliothèque. Un village réduit en cendre. Et pour l’accompagner, une mystérieuse phrase qui traverse les âges.

« Le Walhalla guérira vos blessures, guerriers tombés aux combats et Odin vous accueillera, vous ses fils valeureux qui avez perdu la vie en combattant. »

L’aigle s’adossa au mur en cherchant un sens à tout cela sans le trouver. Quand elle rouvrit les yeux, elle remarqua le regard du commanditaire et de sa coéquipière. Les loups avaient pris la poudre d’escampette. Elle se redressa et haussa les épaules en signe apparent d’ignorance. Puis elle remarqua les cernes d’Erza et décida de s’en servir pour gagner du temps.

« Je propose que nous voyons ça demain. Nous sommes tous épuisé et les armes ne se sont pas envoler contrairement à ce que vous pensez. Et vous connaissez le dicton. La nuit porte conseil. »