Je venais de me débarrasser du mal qui me nuisait depuis tant d’années. Je ne pouvais pas me faire à l’idée que j’avais réussi à succomber à la tentation de cette malédiction plutôt que de m’ouvrir par les voies naturelles à la magie. J’aurais pu apprendre d’un maître généreux, mais à ce moment-là, j’avais décidé d’accélérer les choses et de me transformer moi-même en statue de marbre, devenant par ce fait, une marionnette de cette magie à mon tour. La magie elle-même a jugé que j’étais inapte à recevoir ces dons, alors elle m’a abandonnée de son plein gré… et aujourd’hui, je suis comme je suis. J’ai passé outre ces quêtes ce magie et de pouvoir pour avoir mes propres buts, mes propres valeurs et ma propre magie…

J’avais quitté Clover pour me retrouver à Silver Fang. Toujours aussi vide… Très peu de bonnes nouvelles à présager et toujours pas de nouvelles de Bastian… Tant pis. Je me dirigeais vers le tableau des missions où les mêmes affiches étaient présentes. La même routine, toujours le même sentiment… Je soupirais. Qu’est-ce que je faisais ici? Tiens, pourquoi pas une dernière. J’allais voir si mon instinct me disait les bonnes choses concernant cette Guilde… Il me fallait saccager une boutique sans me faire voir pour éviter que le nom de Silver Fang soit révélé. Tiens donc… et si c’était le cas? Qu’arriverait-il?

Je quittais la Guilde en direction d’Hosenka en train. Pas que j’en avais assez de voir que je travaillais pour un désert, mais que l’offre de Black Jack m’était beaucoup plus alléchante que cela. D’ailleurs, où était-il, qu’était-il devenu après que nous nous soyons débarrassés des fugitifs? J’haussais les épaules et attendis que le train s’immobilise à la station désirée. Je descendis du wagon en me mélangeant à la foule. Habillé de mon long manteau noir et coiffé d’aussi longs cheveux blond-blanc, c’était difficile de m’ignorer. Enfin, je n’en avais pas vraiment quelque chose à faire de ce qu’ils pouvaient penser de ma personne. J’avais passé outre les jugements et les paroles, le narcissisme n’avait plus trop sa place, la faiblesse non plus…

J’avais l’adresse de la boutique en mains et déjà, je ne me sentais pas fébrile, pas concentré ni motivé par cette mission. J’allais la faire parce que je m’étais dit que j’allais le faire. C’était ma dernière, la dernière fois que j’allais opérer pour eux. Depuis l’événement avec le jeune démon, la Guilde s’est séparée, le maître est encore plus absent que jamais. Je ne me sentais pas à ma place. Ma vengeance avait été concluante, mais Silver Fang n’avait pas à se venger de quoi que ce soit… J’attendais que le temps passe, posté sur un toit. Il restait quelques heures à patienter avant que la boutique ne ferme ses portes. Je me contentais de méditer sans bruit, à l’écart de tous les regards.

Le temps vint, j’entendis le son des clochettes de la porte d’entrée de la boutique, c’était le moment de frapper. La ruelle derrière était vide à première vue, bien. Je m’y jetais silencieusement, ouvrit la porte en la forçant comme un voleur, puis, me voilà à l’intérieur. C’était une boutique souvenirs, certaines choses valaient chères, d’autres, ne valaient rien. J’invoquais mon arme magique qui me semblait parfaite pour un travail de saccages :

Le fil barbelé se mit à danser dans la grande pièce, causant un vacarme important qui avait des chances de se propager à l’extérieur. Tant pis… La porte d’entrée se déverrouilla à nouveau, une ombre pénétra la pièce clés en mains. Le propriétaire refaisait surface dans sa boutique. L’air sur son visage montrait qu’il avait oublié quelque chose… La valise, juste-là. Puis, son expression changea en panique, alors qu’il allait crier dehors qu’il avait besoin d’aide, mon fil alla l’atteindre à la gorge et le tira dans la boutique brutalement. Le sang coulait, mais il était encore vivant. Plaqué au sol de force, il me rappela que j’étais affamé. Je lui souris, il était effrayé. Le fil le maintenait encore plus serré et je me servis d’abord de ses tripes en ouvrant la chaire de mes longs ongles noirs. Il tenta de crier, mais un barbelé avait percé ses cordes vocales. Le sang coulait, c’était appétissant.

Tiens donc, un passant qui n’avait pas su se mêler de ses affaires. Il avait sûrement mis son nez à l’intérieur de la boutique pour voir ce qui se passait. Je devais déguerpir rapidement avant que la garde ne survienne. Mon fil barbelé se dispersa dans l’air pour disparaître et je me repartis en laissant ma victime pour morte après ce qui venait de se passer. En tournant un coin, un garde m’attendait de pied ferme, armé de sa lance qu’il tenta de m’enfoncer. J’esquivais. De mes deux mains, je fis poursuivre l’élan de l’attaque, désarmant mon adversaire par la surprise et lui enfonça à son tour la lance dans la gorge. Je repris ensuite ma course vers des lieux plus sûrs. On m’avait vu, mais qui pouvait vraiment me relier à Silver Fang? En tuant le propriétaire, je pouvais être n’importe quel assassin du coin, n’importe quel voleur à la recherche de quelque chose d’important… C’est ainsi que je m’isolais jusqu’à ce que la poussière retombe pour quitter cet endroit qui ne faisait que me rappeler de mauvais souvenirs…