Vous avez dit entrainement ?

Un jour comme les autres. Une ville simple et prospère installée sur le croisement de deux rivières. Les gens qui marchaient doucement malgré leur nombre restreint et le soleil qui se levait doucement. La silhouette de Misto s’étirait doucement sur le sol devant la porte du dortoir des gardes en même temps que son sourire à la perspective des évènements à venir. Elle avait rencontré l’intendant du poste à la tombée de la nuit. Ses instructions avaient été très claires et très spécifique. La bande de tir au flanc qu’il avait sous son commandement avait besoin d’un entrainement pour défendre Paldora plus efficacement mais le souci, c’est qu’ils n’avaient non seulement aucune expérience mais que la plupart préférait draguer de la minette plutôt que de manier l’épée.

Le pied de Misto heurta le battant de bois. Une fois. Deux fois. La troisième fois celui-ci céda, la laissant apercevoir l’endroit plus en détail. La porcherie qui servait vraisemblablement de dortoir aux soldats. Ses loups n’étaient pas sortis par soucis de discrétion. La jeune fille avait même veillé à être entièrement dissimulée par sa cape. Elle fit signe à son complice d’officier. Celui-ci avec un grand sourire, déclencha l’alarme générale. L’escadron endormi sursauta dans son lit. Une bonne partie chuta du lit mezzanine ou ils se reposaient quelques secondes plutôt. Une plainte unique sortie de dizaines de bouches différentes s’éleva dans le dortoir. Misto baissa la tête et, alors que l’officier s’élançait vers elle, se faufila dans la chambre commune.

- ATTRAPEZ-LA ! rugit l’intendant devant ses soldats à moitié endormis.

L’aigle parcourut encore une vingtaine de mètre avant que l’un d’entre ne se réveille. Il se plaça sur sa trajectoire pour l’arrêter. Un sourire apparut alors que la lame de Runi sortait de son fourreau. Le militaire avait oublié le plus important dans une confrontation imprévue : Son arme. Le pommeau le frappa au creux de l’estomac alors que les autres la rejoignaient déjà. Un bon point pour eux, s’ils avaient pensé à tous attraper l’épée rouillée qui leur servait de moyens de dissuasion.

Misto fit volteface et assomma l’un d’eux. Son but n’était pas de les blesser mais de les faire réagir et de tenir le plus longtemps possible à l’intérieur du dortoir. En résumé, elle devait simplement attendre de se faire repousser. Elle attrapa la garde d’une des lames qui dépassait de son coffre et tira sèchement pour la dégainer. Elle se mit en position face à eux alors qu’ils étaient encore ahuris et bras ballant. La brune s’aperçut que sa capuche était tombée et hocha les épaules. Ça n’avait aucune importance. Elle plante l’arme dans le planché tout en rengainant la sienne. Les hommes se ruèrent à l’unisson sur le demoiselle alors qu’elle prenait son élan.

Ses pieds quittèrent le sol et marchèrent sur le visage d’un premier soldat, l’envoyant au tapis. Prenant un minuscule appui sur l’homme hors de combat, elle passa au suivant. Une main l’arrêta en plein vol, serrant sa cheville sans pitié. Misto profita de l’aubaine pour sortir son fleuret. Runi se posa sur la gorge de son « ravisseur » pour lui chatouiller la peau. La jeune femme espérait gagner un peu de temps et l’intendant n’était pas loin.

- ROMPEZ ! entendit la jeune fille.

Elle ne bougea pas d’un pouce alors que l’officier ordonnait à son subordonné de la lâcher. Celui-ci s’exécuta après une longue répétition suivit d’une insulte.

C’est d’une élégance suprème.
Tu sais ce qu’on dit sur les unités d’intelligence non ?
Comme quoi le militaire est le plus petit ?
Affirmatif.
C’est sûr que quand tu regardes certains …
Pourquoi je me sens visé ?
Parce que tu l’es surement andouille.

Misto s’épousseta en se relevant alors que son employeur expliquait la situation à ses soldats.

- ALORS BANDE DE CRETIN ? IL VOUS A FALLUT DIX MINUTES POUR REAGIR ! ELLE AURAIT EU LARGEMENT LE TEMPS DE TOUS VOUS TUER BORDEL DE NOM D’UN CHIEN.
- Monsieur …
- C’EST LAMENTABLE !
- Monsieur.
- ESPECE DE LARVE ! MEME UN GAMIN SERAIT PLUS EFFICACE QUE VOUS !
- MONSIEUR L’INTENDANT, hurla l’aigle, agacée. Ce n’est pas en vous époumonant après eux qu’ils progresseront.

Il se stoppa net alors que ses troupes pouffaient. Cependant, l’adolescente n’en avait pas terminé. Ils la regardèrent tous, cette jeune fille qui agissait ainsi que l’ombre discrète qui apparaissait dans son dos. Ombre qui se divisa pour l’entourer. La demoiselle farouche devint brusquement la chef de meute avec ses trois loups présents. Elle avait rangé son fleuret et se tenait campée sur ses deux pieds face à l’officier.

- Quand à vous messieurs, vous feriez mieux de vous vêtir décemment si vous ne voulez pas que je vous fasse comprendre toute l’ampleur du froid polaire.

Elle sortit et attendit tranquillement qu’ils se mettent en rang. Les trois loups les détaillèrent un par un avant de regarder leur maitresse. Celle-ci soupira. Ça lui rappelait un peu son enfance tout ça. L’armée, les batailles …

C’est quoi le plan ?
Osulf, tu leur apprends à réagir à l’imprévu
Ok
Asulf, Course de vitesse et affrontement multiple.
Compte sur moi.
Henning, tu l’aideras pendant que je me charge de leur apprendre à tenir une épée.
Chef oui chef.
- Messieurs, vous allez vous scinder en trois groupes. Un avec Osulf, fit-elle en la désignant avant de se tourner vers Blanche neige et Rookie, un autre avec Asulf et Henning et pour finir un avec moi. Exécution.


- Fehu Uruz Jera

Une racine sortit d’entre la rangée compacte des adversaires d’entrainement d’Osulf. La louve, magnanime, fit passer son sort dans les gardes imparfaites et enchaina les moins prudents avant de se concentrer sur les quelques un qui réussissaient à passer à travers la première maille du filet.

- Corrigez moi ses gardes bon dieu ! On dirait des enfants qui chahutent, pas des adultes qui tiennent une arme.

Elle sauta hors de portée du premier assaillant parvenu à elle. Assaillant trop pressé qui laissa entrevoir un boulevard dans sa position d’attaque. Il finit enraciné alors que l’esprit se tournait vers le suivant. Soupirant, elle les attacha l’un après l’autre pour la énième fois. Seulement, la louve n’avait pas deviné que, agacés par leur échec successif, les soldats restants l’attaqueraient à l’unisson. Un sourire carnassier s’étira sur son museau alors qu’elle se préparait à réagir. L’esprit n’en bloquerait que deux. Elle le savait. Mais elle avait ce qui l’intéressait par-dessus tout. Qu’ils apprennent le travail d’équipe de façon instinctive. Le pelage gris étincela à la lumière.

- Fehu Uruz Jera


Misto se baissa pour passer sous la lame de bois de l’épéiste et sauta hors de portée. Elle se replaça, l’enjoignant de recommencer son mouvement. La jeune femme était contente. Malgré l’ampleur des travaux, ils apprenaient vite. Si bien que leur garde maladroite était devenu beaucoup plus sûre, tout comme leur prise sur les armes. L’adolescente chargea son adversaire avant de croiser brièvement le fer avec lui. Elle le regarda dans le blanc des yeux et y lut sa fatigue grandissante. Misto feinta et lui faucha les jambes.

- Suivant.

Epais et deux fois plus large qu’elle. Voilà comment fut le soldat. La demoiselle, après tous ses combats enchainés sans pause, commençait un peu à fatiguer. L’afflux de magie qu’elle utilisait n’arrangeait rien non plus. Ils croisèrent brièvement le fer, reculant toujours plus vers le mur. L’aigle, pour compenser son handicap, devint plus sournoise. Elle multiplia les feintes et les esquives plutôt que de jouer dans la force brute. La jeune fille parvint bientôt à déstabiliser suffisamment le colosse pour pouvoir repasser à l’attaque. Le premier coup le plia en deux, le second le repoussa sur quelques mètres. Il s’assit les fesses dans le sable alors que Misto l’imitait. Au-dessus d’eux, le soleil de midi brillait comme jamais. La membre d’Eagle’s Claw se rendit alors compte de son état et de celui de ses apprentis du jour.

- Pause déjeuné les gars ! fit-elle en allant chercher l’épéiste.


- Hé mon vieux ! On ne t’a jamais dit que t’étais aussi beau qu’une gargouille ?

Henning sauta par-dessus le soldat outré et se posa tranquillement sur son dos. Il l’utilisa comme trampoline et l’envoya à Asulf. Le roux, ravi, reproduit la même manœuvre en riant à gorge déployée. L’homme commença alors à faire des aller-retour devant le nez de ses camarades ébahis.

- Si ce n’était pas un soldat, ce serait une balle de Ping pong.
- Surement. C’était peut-être sa vie précédente qui sait ?
- On verra ça plus tard. Misto va nous tirer les oreilles si on ne les entraine pas ses petits.
- Juste, fit Henning en renvoyant une énième fois leur victime vers son camarade. Bon mes petits bonhommes, aujourd’hui vous allez apprendre le travail d’équipe ! Ce n’est pas compliqué donc ça rentre vite dans vos caboches de militaire non ? Ou alors vous êtes simple d’esprit et vous voulez me faire suer ? Non minus, range ce couteau, on est à l’entrainement. En-Trai-Ne-Ment.
- Tu n’as pas sauté une syllabe ?
- On s’en moque. Le premier qui attrape un loup à un rencard avec Misto, exécution !

L’esprit partit sur les chapeaux de roue alors qu’Asulf restait là, ébahis. Soudain, il sentit les regards dans son dos. Il se tourna lentement, très lentement avant de prendre ses jambes à son cou, la totalité de leur petite troupe aux trousses.

- Attrapez-le !
- KYYAAAAAAAAAAAAAAAAH


La fin de la journée se profilait. Le soleil commençait sa douce course vers l’est, la lumière déclinant délicatement à l’horizon. Le ciel se teinta lentement de couleur mordorée et sanglante. Le poste de garde résonnait des halètements doucereux de ses dizaines d’occupants, fatigués de la journée qui venait de s’achever. La mage et ses apprentis prenaient enfin congés. Misto était couverte de bleu et d’égratignure suite à ses nombreuses passe d’arme. Elle devait bien avoir une centaine de crampes dans un bon millier de muscles dont elle ignorait l’existence. Laissant les gardes finirent leur entrainement à la course avec les trois loups, elle discutait tranquillement avec l’intendant au sujet des progrès de la troupe. Il était satisfait, tout comme Misto elle-même d’ailleurs. Ils discutaient tout deux tranquillement assis sur un muret qui délimitait le terrain d’entrainement autour duquel tournaient les loups. Osulf s’était volatilisée, complètement vannée par son travail alors qu’Henning et Asulf semblait encore avoir de l’énergie à revendre.

On ne se demande pas pourquoi tiens.

La jeune fille avala avidement l’eau de sa gourde alors qu’elle entendait les pas des soldats se rapprocher. Elle finit sa gorgée avant d’observer le groupe qui lui ramenait ses deux esprits. Les loups disparurent sans demander leur reste alors qu’elle présentait ses salutations à tous. Il était temps pour elle d’aller trouver une auberge ou dormir. L’adolescente marcha tranquillement jusqu’à la porte quand elle sentit les présences des autres. Elle fit volteface et les regarda, interloquée.

- Un soucis messieurs ?
- Vous nous devez un rencard.
- Pardon ?
- Un rendez-vous quoi.
- Je n’ai jamais parlé de …, commença la jeune femme avant de soupirer devant leurs têtes dépitées. Allez, je vous invite pour le diner.
Asulf, Henning … ça va barder.
Oups. On est mal.