▬ Regardez, master. J’avoue que je ne sais même pas si j’ai quoique ce soit avoir avec ce phénomène… Mais j’ai un trou de mémoire. De quelques secondes seulement, mais c’est justement après ce laps de temps que les armes sont devenues comme ça.

Elle allait continuer sur sa lancée, mais elle préféra passer sous silence le fait qu’elle se sentait encore fièvreuse depuis Bellum. Après tout, même si elle n’avait jamais été malade jusque-là, cette mission avait été plutôt éprouvante psychiquement. C’était plus certainement lié à ça qu’à autre chose.

Le maître regardait fixement le fusil plié en deux, pensif. Puis il leva les yeux vers la fée.

▬ Seiren. Tu viens de l’Empire de Sin, c’est exact ? Tu n’en parles pas beaucoup ou pour ainsi dire jamais. Mais ce phénomène t’est forcément dû. Tu étais la seule mage présente. Et toute évolution de la magie est liée à son origine. As-tu déjà fait un tour dans notre bibliothèque ? Il y a de vieux grimoires qui pourraient peut-être t’en apprendre plus sur ta magie. Fouilles.

Il se tut un instant avant de reprendre.

▬ Quand il t’a ammené à la guilde pour la première fois, Natsu a dit que tu avais certainement un lourd passé, mais que tu ne pouvais pas en parler. Pas encore. Mais depuis que tu es parmi nous, tu t’es certes un peu plus ouverte mais tu ne t’es pas non plus confiée, je me trompe ? Toujours aussi solitaire et sauvage. Seulement… Si tu persistes à laisser tes peurs là où elles sont, tu n’avanceras plus. La guilde est une famille, les joies comme les peines se partagent, ne l’oublies pas.

Il se leva du haut de son petit mètre et commença à quitter la pièce.

▬ Maaa ! Si tu veux juste rester comme tu es, pas de souci non plus. On aura une nouvelle jolie servante au bar. Il faudra juste montrer ton sourire Sei-chan !

* Le saligaud ! Ils finissent un peu tous par tout tourner à la blague. Même si c’était pour me détendre, quand même… Mes origines, hein ? *

La jeune femme passa dans la pièce d’à côté : la bibliothèque.

Fouille et refouille. Descendant et remontant sur les échelles. La situation lui rappela le Mont Yakobe, Jerenn et la souris. Elle jeta un œil au-dessus du meuble : rien à signaler. Un soupire de soulagement s’échappa. Puis elle reprit ses recherches avec acharnement jusqu’à trouver un livre sur l’histoire de Sin et quelques unes de ses légendes.
Seiren ne vit pas que la nuit s’était écoulée. Non elle le remarqua uniquement lorsqu’elle referma le livre.
Les histoires qui y étaient contées semblaient irréelles et n’avaient apportées que de nouvelles questions. Mais une chose avait été découverte : le berceau de la famille royale, situé sur une petite île en face de Sin.

Seiren se releva et étira ses jambes engourdies. Elle observa le livre qu’elle tenait fermement dans ses mains. Et bien qu’elle aurait souhaité ne jamais revenir dans ce pays, elle n’avait plus le choix. Pour trouver des réponses et éviter d’apporter des problèmes à Fairy Tail, elle devait y aller !


Quasiment plus de deux jours et un bateau plus tard, et encore sans sa magie de déplacement, cela aurait été plus long, Seiren débarquait sur l’île d’origine.

Selon le grimoire, la famille royale y serait née et y aurait fait grandir ses premières générations. À l’abri de tous dangers. Possédant une grande appétence pour l’occulte, certains de ses ancêtres auraient passés un pacte avec la divinité en laquelle il croyait le plus : Gaïa. Liant la famille par le sang à sa force naturelle. Mais des transgressions et des désirs odieux transformèrent le pacte sacré en malédiction. Une malédiction qui sembla arranger une branche de la famille qui s’assurait de sa transmission aux générations suivantes.

Les détails historiques distillés parmi ces pages semblaient venir de l’imagination d’un enfant tellement c’était ridicule. Du moins, c’est ce dont Seiren se persuadait, alors qu’elle avait elle-même subi une partie de ce qu’ils racontaient.

La fée se tenait debout sur une île qui lui semblait vierge de toute civilisation depuis des décennies. Il lui fallut une heure de marche pour atteindre les premières ruines. La végétation avait bien évidemment repris ses droits, mais étrangement, entre les illustrations du livre et le décor, certaines similitudes et croisements étaient faisables. Et si on se fiait à ces écrits, tout se jouait dans les sous-terrains de l’île.

Après une déambulation d’une nouvelle heure dans les ruines, Seiren finit par tomber sur une ouverture entre un restant de mur et le sol en pierre. Seule interstice qu’elle repéra, elle décida de s’y engouffrer sans attendre.

Et bien évidemment, sous-terre égal sans lumière. Mais étant donné que depuis peu, elle avait pris la mauvaise habitude de détourner la fonction première de sa technique de déplacement, cette obscurité ne lui posa pas problème bien longtemps. Et elle comprit bien vite qu’elle parcourait un couloir qui semblait sans fin.

Pièges ? Monstres ? Seiren était prête à tout affronter si il le fallait. C’était même évident que sa route ne serait pas simple. Et le départ des festivités fut donné lorsque le sol s’effrondra devant elle et jusqu’à la première pièce.


Seiren passa cette première embuche sans encombre en glissant sur ces ondes.

De l’entrée de la première salle, elle pouvait apercevoir la deuxième. Étrangement, le fait que ça ne soit pas un labyrinthe rassura la jeune femme, bien connue pour son sens si particulier de l’orientation. En y réfléchissant pour la première fois, elle se rendit compte que c’était totalement contradictoire avec sa magie. Les champs électromagnétiques influant la rotation de la terre et servant même de guide pour les oiseaux, elle devrait a contrario n’avoir besoin d’aucune carte.

* Plutôt pathétique…*

Seiren posa un pied puis deux dans la pièce et rien. Alors elle continua sur sa lancée, mais au milieu du trajet, elle actionna un mécannisme dans le sol et des aiguilles en métal jaillirent des murs par milliers. Elle activa son Hiketsu et laissa actif le temps de sa traversée. Lorsque la jeune mage atteignit la seconde sale, une porte se referma sur son passage, mais aussi de l’autre côté.

Et une sensation de déjà vu se fit sentir lorsque les murs, le plafond et le sol se mirent en mouvement. Autant ne pas trainer, Seiren perça l’un des murs avec ses dagues boomerang. Son avancée se poursuivit ainsi sur près d’une dizaine de salles aux embuscades plutôt simplistes . Boulet, innondation et j’en passe se mirent sur sa route.

Mais quand le sol s’abaissa brusquement comme un tabbogan, Seiren fut contrainte et force de suivre le mouvement.


Elle dégringola et termina sa course dans un roulé-boulé qui lui sembla interminable. Seiren avait encore les genoux au sol qu’un pic en métal sortit de nulle part ou plutôt du sol lui transperça l’épaule pour se retirer immédiatement.

▬ Navré Hime. Votre sang devait être vérifié. Seule la famille royale est autorisée à pénétrer ce sanctuaire.

L’illusion d’un jeune homme aux cheveux d’argent et borgne apparut. Il lui tendit une main pour l’aider à se relever mais Seiren refusa de la saisir.
* Depuis quand on accueille la famille royale en la poignardant ? *

▬ Il y a des secrets que personne ne doit connaître à part la famille. Les autres peuvent bien périr si ils tentent quoique ce soit pour nous nuire.

Seiren fronça les sourcils. Il lisait dans les pensées et ça ne lui plaisait pas.

▬ Si vous passez cette épreuve, vous aurez vos réponses et nous verrons votre destin s’accomplir comme il se doit.

Seiren se stoppa et voulut le transpercer de son Raitei, mais l’homme se désagrégea pour réapparaître à quelques pas de là, tout sourire.

▬ Par ici je vous prie, Hime.

Elle pénétra bien malgré dans la salle indiquée et reconnut immédiatement la salle de bal du château de Sin. Seiren se figea sur place. Elle ne comprenait pas ce qu’il se passait, mais cela ne pouvait être que l’oeuvre d’une illusion. Et cette pensée se confirma lorsqu’elle vit apparaître Leira que l’on guidait vers son siège habituel, sur lequel elles étaient enchainées lors des soirées où montrer ses armes de prédilection devenait nécessaire. À l’apparition du Roi dans la pièce, l’illusion permute vers le cachot, le sien.

Seiren petite était debout devant elle. Une fois encore elle tirait de toute ses forces sur la chaine à sa cheville quitte à se la tordre encore. Elle voulait juste pouvoir grimper sur la chaise qui la narguait de part sa position, sous la seule fenêtre existante et de laquelle on voyait la tour où Leira était retenue. Quand le “crac” retentit, ce fut comme si elle revivait cet instant… La première fois où elle se brisa un os de son propre chef. Elle avait tout juste six ans.

Seiren se replia sur elle-même, touchant cette cheville redevenue douloureuse, alors que la petite s’efforçait de tenir debout sur la chaise, criant le nom de sa soeur au lieu de pleurer sa douleur.

Nouveau changement de décor. La galerie aux mille miroirs. Le Roi et les deux jumelles. Seiren couvrant du mieux que possible Leira.

▬ Jamais, vous m’entendez ! Jamais vous ne partirez ! Votre existence est une ignominie. Mais pour le royaume, vous resterez en vie ! Peu importe comment et peu importe combien vous êtes haïes, vous n’avez pas le choix !

Tandis que le Roi déversait sa rage sur Seiren, Leira se vidait de son sang. Elle avait sept ans et c’était la première fois que Leira tentait de metre fin à sa vie.

La fée ne put se retenir de vomir en revoyant la scène. Alors que le claquement du ceinturon ravivait ses brûlures dans le dos.

Et le ballet des illusions continua pendant de longues heures qui se transforma en une journée. Isaya s’enlisait dans ses souvenirs et lors de ces réminescences, elle ressentait parfois d’étranges pressions autour de son cou et ses jambes.
Mais trop absorbée par son passé, elle ne prêtait plus attention à ces sensations… Du moins jusqu’à ce que son pire souvenir ne réapparaisse. La découverte du corps inanimé de Leira.

Et pour la première fois, l’illusion devint réelle. Ou bien était-ce la puissance de sa douleur qui l’atteingnit à nouveau ? La Seiren d’aujourd’hui fut projetée en arrière au même titre que les mages qui étaient intervenus dans la guilde illégale. Et le choc contre le mur lui fit ouvrir les yeux.


Seiren était enchaînée depuis le début. Prisonnière et psychiquement et physiquement. La torture psychologique infligée grâce à ces visions du passé avait finalement durer 1 journée entière. Les larmes avaient réellement coulées, elle en sentait les traces sur ses joues. Les bras et les jambes en croix maintenus par des chaînes, mais que. Son cou et sa taille aussi.
Tout de suite, la jeune femme chercha à s’en défaire, activant chacune de ses techniques, mais rien ne fonctionnait.

▬ Hime, vous avez remarqué, n’est-ce pas ? Sinon, vous ne vous seriez pas réveillée. Ce n’était pas votre Hiketsu.
▬ Ma seconde force ?
▬ Mais vous êtes incapable de l’utiliser à ce niveau-là. Et même à aucun niveau. Sinon, vous seriez déjà libre.

Tsk. Seiren serra les dents de colère et entreprit à nouveau de se défaire de ses chaines, elle se débattait et s’agitait pour rien.

▬ Qu’est-ce que vous comptez faire ? Brisez chacun de vos os ?
▬ Pourquoi pas ?
La jeune femme souriait, alors que celui de l’homme aux cheveux argentés disparut.

▬ Vous croyez que j’aime revoir le passé ? Revoir les souffrances qu’ils ont fait subir à Leira ou même sa mort ne mènent à rien. Qui est-ce que vous cherchez à déstabiliser avec ces visions ? Moi ? Et bien parfait, vous avez gagné. Vous vouliez me faire croire que je pourrais à nouveau vivre à ses côtés. C’est bien le but de tout ceci. Que je choisisse de rester coincer ici. Mais pour moi, ces souvenirs… Ce sont du vu et du revu. Je sais comment ça finit pour l’avoir vécu et pour le revivre chaque nuit. Alors arrêtez ça !Vous êtes en train de souiller la mémoire de Leira !

À chacun de ses mots, Seiren libérait sa colère un peu plus et sans s’en rendre compte, son esprit prenait les commandes de ses entraves, desserrant ses chaines. C’est quand elle tombèrent au sol que la jeune femme comprit. Elle le ressentait plus fort qu’avant… ce métal.

▬ Avec cette capacité qui se réveille, vous allez être complète, Hime. Et les chasseurs vont reprendre du service.
▬ Les chasseurs ?
▬ Parce que vos ancêtres ont desiré l’impossible, vous en payerez le prix. Ils veulent récupérer le pouvoir. Et les lois de la nature ne peuvent être contre-balancés temporairement que grâce votre pouvoir. Ils vont avoir besoin de votre sacrifice pour que le pacte continue d’opérer.
▬ De quoi vous parlez ?
▬ Ramener les morts à la vie est interdit. Le prix est trop lourd. Même si ce n’est qu’un désir, jouer avec ces règles a créé ta malédiction, mais a aussi assuré la position des Isaya au pouvoir pendant des siècles. Perdre les jumelles était inattendu pour la famille. Mais si l’une des deux est complète, tout est encore possible…
▬ Je ne comprends rien. En quoi ça me concerne ? Les morts ne reviennent pas à la vie !

Sur cette dernière phrase, Seiren fonça consciemment vers l’illusion de cet homme avec une aura des plus menaçante. En guise de réponse, toutes les lames dissimulées dans les murs rejaillirent, comme si le sanctuaire entier voulait l’attaquer.
D’abord en lévitation, les lames immobiles se déplacèrent toutes en même temps avec une seule cible, Seiren qui ne bougeait plus.

Au centre de la pièce, les yeux clos, la fée se concentrait.

▬ Ce que j’ai voulu dès que tu es arrivée, ils viendront le chercher, Hime.
▬ Ne m’appelle pas Hime !

Seiren avait réussi à stopper chacune des lames dans leur course. Et bien qu’elle ne sentait pas très à l’aise car encore sous le poids de leur menace, d’un geste de la main, les lames firent demi-tour et se plantèrent dans les murs.

▬ Je vais détruire cet endroit pour que personne ne puisse jamais y remettre les pieds. SHIROGANE NO YOKUSEI !

https://youtu.be/Uw5TArZ56sA

Maintenant qu’elle le pouvait le repérer, elle savait que chacune des statues n’étaient pas faites de pierre. Ce n’était qu’un manteau. Dessous, le métal forge existait et pour celle qui en découvrait la maîtrise, le commander était difficile.

Mais pour la première fois depuis longtemps, Seiren était confiante. Elle pouvait compter sur magie principale. Et quant à celle-ci… L’exercice commençait tout de suite ! Les statues valdinguaient, créant un passage dans les murs des sous-terrains. Les plateaux d’offrandes étaient manipulés pour se positionner comme boucliers quand les projectiles n’étaient pas déviés instantannément.

La fée continuait de progresser vers la surface bien que la fatigue se faisait sentir… Quand deux énormes chiens avec des queux semblables à des massues se postèrent sur sa route. Et c’était sans compter sur les quatre rangées de dents chacun…

Seiren déglutit et voulut utiliser sa nouvelle magie, mais sans succès. Pourtant leur collier aurait pu suffir à être commander. Mais non, l’épuisement était trop présent. Et la massue s’abbatut sur la jeune mage.

Elle la retint de justesse avec son Hiketsu, avant de décider de renvoyer les chiens dans leurs niches.

▬ HIKETSU !

La technique opera sur son rayon maximal : soixante mètres. Offrant ainsi une porte de sortie à Seiren qui dû tout de même s’y trainer. Un dernier pique était sorti du sol et se planta dans sa cuisse au moment où le chien l’avait attaquée.

Après tout, revenir indemne d’une telle excursion était impossible. Et quand elle rejoignit enfin le bateau, la dernière chose que Seiren prononça avant de s'effondrer fut Ramenez-moi à Fairy Tail….