Era était certes impressionnante, et, elle était considérée à bien des égards comme la capitale « Spirituelle » de Fiore, car le Conseil de la magie y siégeait. Crocus la battait cependant. En grandeur comme en affluence touristique, la véritable capitale était maîtresse, et aucune ville ne pouvait concurrencer son commerce. En cette cité était vendu cinquante pour cent des bénéfices annuelles de Fiore. C’était ici que les grands patrons se réunissaient pour parler affaires dans de grands salons. C’était ici que les monarques étrangers venaient baver sur le modèle économique Fiorien. C’était ici que Yäwé était en « vacance ». Revenu de sa précédente mission, il avait expérimenté le train pour se rendre à Crocus. Il adorait. La sensation de balancement enivrante, la mélodie du bruit des roues sur les rails, au tempo rapide mais doux… En gros, il s’était complètement endormi au bout de trois minutes de route et avait failli rater son arrêt à Crocus. Fort heureusement pour lui, une vieille dame l’avait réveillé Et maintenant, la tête blonde et les yeux marins du F.Libri, et le reste de son corps, se baladait dans les rues éclairées, donc multicolores, de la capitale du Royaume.

La nuit tombait lentement sur le monde, ce qui donnait l’apparence globale à la ville d’une grosse luciole. La nuit, La ville de Crocus est encore plus active. La nuit, les magasins ne ferment pas, ils ouvrent. La nuit, Yäwé se prend des affiches dans la figure. Oui. Tout cela arrive la nuit. Le mage prit l’affiche que le vent lui avait transmis et, curieux, profita du fait qu’elle est échoué sur son visage pour la lire : un restaurant à la mode, du moins à en juger par les tarifs qu’il pratiquait, recherchait des mages, musiciens ou autres jongleurs afin de distraire ses invitées (Et par la même justifier ces tarifs… Exorbitant.), en échange le patron s’engageait à offrir un repas lorsque les derniers clients seraient partis. Vu le prix des menus… On pouvait espérer que la qualité soit au rendez-vous. Yäwé n’avait, il le constata cruellement en sentant sa poche vide, de toute façon pas de quoi payer le moindre repas ; il avait tous dépensé avec le train. Comme quoi, on ne changeait jamais l’habitude. Le légendaire syndrome « Filia Libri » était de retour, à savoir l’incapacité de faire des économies et de prévoir. Il revenait juste d’une « mission » (De rang D certes, mais une mission tous de même !) et avait déjà tous dépensé ses gains. Il était possible qu’il se soit payé un thé, une pomme et même toutes les options disponibles dans le train, mais on aurait pu penser que le jeune garçon aurait prévu de quoi subsister lorsqu’il arriverait à Crocus ! Non. Erreur.

Comme de nombreux lecteurs l’auront compris, Yäwé allait répondre à la requête. Il n’aimait pas spécialement jouer en publique mais l’appel du ventre peut triompher de tous principes. Il se rendit donc à l’adresse, donné au verso de l’annonce. Crocus la nuit, cela donne une ville vraiment extraordinaire, illuminé, comparable à une fourmilière tant par l’activité qui n’y cesse jamais que par le nombre de touriste s’y trouvant après que le soleil se soit couché. Le F.Libri contourna un vendeur de lampion pour finalement arriver devant une grande enseigne diffusant une lumière douce, bordé par deux plantes en pot. Il y entra, le service n’avait de toute évidence pas encore commencé, les gens flânait d’abord et mangeait ensuite. Yäwé se présenta donc en tant que mage et ce fut le patron qui l’accueillit avec sourire. Sourire que lui renvoya le flûtiste.

Ce patron n’était pas bête car une démonstration vaut mieux que de simples mots. Yäwé inclina la tête pour faire signe qu’il était d’accord et sortant sa flûte de son étui, commença à jouer un air entrainant. Hypnoting Song était toujours aussi efficace. Le patron tomba immédiatement sous le charme et commença à battre la mesure avec ses mains. Mais le musicien n’avait pas terminé. Il fallait juste laisser le temps à sa magie de faire effet et bientôt, des milliers de papillons, multicolores, certains censé avoir disparu depuis longtemps à une heure pareille mais tous, répondant à l’appel de la flûte du mage du Conseil. Il leur fit décrire quelques arabesques colorées avant de cesser de jouer et de leur faire regagner la liberté et le noir de la nuit. Un grand sourire saturait maintenant le visage de Damian qui serra avec vigueur la main de Yäwé.

Il éclata d’un grand rire et installa le F. Libri sur une petite estrade, à l’intérieur du Restaurant. Les premiers clients arrivèrent quelques instants plus tard et très vite, on dû refuser de prendre d’avantage de personnes, faute de place. La soirée se déroulait bien, les serveurs étaient polis, discrets et rapides, les conversations allaient à bon train, l’ambiance était détendu et Yäwé avait commencé à jouer son premier morceau, aussitôt suivi d’applaudissements à l’entrée des papillons. Tout allait pour le mieux. Malheureusement, dans les films comme dans les livres, il arrive un moment où l’histoire est perturbée par les tristement célèbres « méchants ». Cette soirée n’échappa pas à cette terrible règle. Trois individus, louches au premier coût d’œil, faisant fi des vigiles, firent irruptions alors que l’on apportait le plat principale. Yäwé, amusé, changea sa musique pour quelques choses de plus… Vibrants. Celui qui semblait être le chef de la bande brandit un pistolet et se mit à parler.

Il tira dans le plafond pour illustrer ses propos. Personne ne réagit, Yäwé jouait toujours, sauf une grosse dame qui tomba dans les pommes, ce qui suscita d’ailleurs des rires du côté des voleurs. Cela faisait déjà une minute depuis l’entrée des « méchants », une minute que le F.Libri jouait un air… Magique ? Les clients les plus observateurs avaient d’ailleurs remarqué la disparition des papillons voltigeurs depuis le changement, radical, de musique..

Le chef s’avança et brandissant son pistolets vers le mage… Suspendit son geste. Lui, et ses deux acolytes ne bougeaient plus, le visage souvent figé dans des grimaces grotesques.

Yäwé cessa de jouer. Il appela les vigiles, toujours à l’entrée du restaurant..

Le patron le remercia longuement et lorsqu’il demanda ce qu’il pouvait lui offrir en remerciement, le F.Libri sourit. Son ventre gargouillait.