Misto soupira en apercevant la ville. Elle espérait pouvoir recueillir plus d’informations dans celle-ci parce que, dans les précédentes, la pêche avait été passablement … Mauvaise. On lui avait confié la lourde tâche de questionné les habitant du littoral à propos d’un fameux groupe de sirène qui pillerait les bateaux des riches. Sur le coup, la jeune fille avait voulu refuser et prendre une autre mission sur le panneau mais ils avaient tellement insisté … C’était l’occasion de se faire bien voir par l’armada de nobliaux pleureurs. Un petit coup de pub pour Eagle’s quoi. Et puis il n’y avait personne d’autre pour la faire apparemment.

Errant au hasard des rues, la brunette se dirigea vers les quais sans trop vraiment savoir par où elle allait commencer. Elle crût alors ce souvenir que l’apothicaire qui l’employait était du coin. Elle devait certainement avoir des choses à raconter. L’adolescente opta donc pour une petite visite à cette célèbre dame. Elle interpella un passant pour lui demander sa direction quand une voix la fit sursauter.

- C’EST VOUS LE FAMEUX MAGE QUI DOIT M’AIDER ?? HEY OH !!

Elle délaissa le brave matelot qui lui venait en aide en murmurant un bref « Désolé du dérangement Monsieur », pour courir vers l’origine du bruit.

Sacré aubaine, je n’aurais même pas à la chercher.

Elle courut jusqu’à apercevoir un homme couché sous un arbre, a demi réveillé, et la fameuse employeuse. Arrivée près d’eux, elle reprit son souffle en demandant :

- Dites madame, c’est bien vous l’instigatrice de cette histoire de sirène ? J’ai quelques questions à vous poser.
- Mais enfin mademoiselle ! Vous ne voyez pas que je discute avec un mage ?!
- Oh toutes mes excuses, j’en oublie de me présenter.

Elle se releva pour faire face à cette apothicaire un peu trop hautaine et lui montra le symbole sur son omoplate.

- Je suis Misto Shida, mage d’Eagle’s Claw. Enchantée de faire affaire avec vous.
- Vous pouvez partir, j’ai déjà quelqu’un sur cette affaire.
- Madame, si je puis me permettre, vous être en train de secouer un pauvre civil qui faisait une sieste…
- Ah ? Vous croyez ?
- J’en ai bien peur malheureusement. Cela vous ennuierait de répondre à mes questions en laissant ce pauvre monsieur se rendormir ?
- Bien sûr, je vous écoute.

Misto apprit bientôt que sa cliente en avait après un groupe de femme qui jouait de divers instruments. Malheureusement, l’apothicaire n’en savait pas plus sur ceux-ci. La Kashu en déduisit donc la possibilité d’avoir affaire à un groupe de mage sonique mais les paroles des matelots du village précédent entrait en conflit avec cette hypothèse. Comment pouvait-on à la fois charmer et se transformer ? Le mystère restait tout entier. Elle remercia donc la gentille bonne femme en lui disant qu’elle allait interroger les autres habitants. Son regard revint alors au jeune homme étendu sous son arbre. Il savait peut être quelques choses d’intéressant et puis ça lui permettrait de demander son chemin. Elle s’approcha donc et se pencha vers lui, faisant tinter la clochette autour de son cou.

- Excusez-moi de vous dérangez pour la seconde fois de la journée mais j’aimerais vous demandez quelque chose. Des gens se plaignent d’un groupe de sirène voleuse qui sévit dans les environs, est-ce que vous sauriez m’en parler de façon plus précise ?

La Kashu souriait, voulant mettre son interlocuteur dans de bonne disposition avant de s’assoir juste à sa gauche pour l’écouter s’il lui répondait.

- Mmh ? Non, je m’en bats les reins de tout ça. Suffit de les trouver, je m’occupe d’elles et t’auras toutes les réponses que tu veux.

Bon. Ça c’était une réponse claire, nette et précise. Misto remarqua alors l’insigne du jeune homme.

- Hé ben, je crois que je vais me racheter une vue…

La brunette le regarda se lever et lui emboita le pas. Il longeait les quais avec une application étrange. Son regard sombre, focalisé sur les falaises. Ainsi ils allaient commencer par-là ?

- Dites-moi, comment c’est là-bas, au Conseil ?

La jeune femme essayait de meubler le silence de leur marche. Les loups discutaient tranquillement dans l’esprit de la demoiselle, illustrant le je-m’en-foutisme du mage qu’elle accompagnait.

Moi qui croyais que le Conseil Magique était une utopie.
Hé non. Il existe bel et bien.
Il ne ressemble pas vraiment à un type de l’armée. On dirait plutôt un voyou et encore.
Pour le moment, on ne fait pas de jugement hâtif.
Je me demande ce qu’il vaut.
On jugera ça en combat.

L’ascension était plutôt rapide. Ils n’avaient croisé personne. Pas une âme qui vive sur un chemin de cambrousse alors que c’était remplis de petit village côtier et que la zone paraissait propice à une balade en amoureux. Mais où était-il donc passé ? Une petite voix pernicieuse lui soufflait qu’ils avaient d’autres choses à faire. Bien plus intéressante. Les alentours étaient calmes. Les falaises surplombait la mer alors que le soleil laissait ses rayons doré l’herbe tendre. Misto restait immobile pour contempler le spectacle quand un mouvement attira son attention. Dans le dos de l’inconnu qui l’accompagnait.

- J’ai bien peur qu’on ait de la compagnie, remarqua-t-elle en dégaina son premier fleuret.

Elle se mit instantanément en garde et attrapa un de ses ocarinas. L’instrument rougeâtre quitta son étui alors que l’âme du loup roux trépignait. Cela faisait un moment qu’il voulait sortir à l’air libre. C’était d’ailleurs étonnant qu’il ne l’ait pas fait de sa propre initiative. Enfin. Là n’était pas le moment de penser à de telles futilités. La jeune femme posa ses lèvres sur l’embouchure de l’instrument et joua doucement les premiers accords en surveillant attentivement les alentours. La silhouette éthérée d’Asulf s’étira alors qu’il profitait de sa demi-visibilité pour courir partout. Et là, ce fut le drame.

- Hé ho !? DU BÂTEAU ?! Sortez de là ou j’vous expédie dans l’eau !
Pitié … Tuez le …

Prenant toute la texture normale d’un canidé, il trottina vers le bord de la falaise. Misto rangea son ocarina et saisit la garde de son second fleuret à pleine main.

- Montre-toi. Je sais que tu es seul mon p’tit chou, continua le clown à quatre patte.

Assis face à un buisson, il souriait comme un idiot en montrant sa trouvaille. La Kashu s’approcha doucement et pointa son arme sur la personne dissimulée.

- Ton identité ou ta fin.

La vue de la disgracieuse créature tira une certaine surprise à Asulf. Il siffla en regardant l’envergure de la bestiole. Ses sirènes, elles n’étaient pas censées être … belle ? Misto ne compris pas réellement ce qui se produisait mais recula d’instinct vers Nox. Elle conserva sa garde et attendit immobile une attaque à venir. Sur les trois assaillantes, il n’y en avait qu’une de visible. Ce qui, par déduction, n’annonçait rien de bon. La jeune fille s’adressa à son compagnon, soucieuse de savoir s’il pouvait sentir quelque chose qui lui aurait échappé.

- Je ne pense pas qu’elle se pointerait si elle n’avait pas de soutien.

La Kashu se mit devant son camarade en position de défense et rappela Asulf à ses côtés. Elle rengaina vivement ses deux fleurets pour attraper l’ocarina d’Henning. Sa vue brouillée se stabilisa alors que le loup roux attaquait la sirène. Celle-ci se contenta de dévier l’élan de l’esprit qui alla s’écraser un peu plus loin. Se focalisa sur la petite mage brune, elle appela les forces du vent. Misto, qui venait à peine d’entamer le premier accord d’invocation, se retrouva poussée sur son coéquipier. Elle atterrit dans ses bras, gênant sans doute une quelconque manœuvre de sa part alors que la sirène riait de la situation. Soudain la musique de la Kashu se retrouva perturbée par le son d’une harpe puis d’un violon. Le désaccord entre les deux mélodies rompit l’appel d’Henning au grand dam de Misto. Elle retira ses lèvres de l’instrument et posa la main sur la garde de son fleuret.

Le chant de la troisième sirène se mêla au son. Envoutante, la musique libéra ses effets hypnotiques.

Regarde-le.

La jeune Kashu s’arrêta net, la lame à demi-sortie de son fourreau. Sa tête se leva contre sa volonté et elle considéra le mage du Conseil. Elle tenta de résister alors que leur regard se portait l’un sur l’autre.

Il est mignon n’est-ce pas ?

Misto n’entendait pas ses loups jurer comme des damnés en espérant la sortir de sa transe. Elle admit mentalement qu’il n’était pas laid alors que le chant l’encourageait à être honnête sur des sentiments qu’elle n’avait pas. La jeune femme sentit que son coéquipier resserrait son étreinte autour d’elle, sans méchanceté.

Laisse-toi porter petite.

Les visages des deux mages s’approchèrent, lentement, alors qu’ils luttaient tous les deux. Les muscles tendus à l’extrême de Misto la faisaient souffrir alors qu’elle s’échinait à reprendre le contrôle de son corps par sa propre volonté. Non. Elle n’irait pas dans ce sens-là. La main dans son dos lui fit prendre conscience de leur proximité. Depuis combien de temps s’approchaient-ils ainsi sous le coup du sort des trois sirènes ? Elle regarda brièvement son coéquipier et remarqua qu’il avait tiré le fleuret de Runi de son fourreau. Encore un ordre des sirènes ? La vue de Misto s’obscurcit. Son sixième sens capta immédiatement l’âme de Nox alors qu’elle cherchait désespérément un moyen de s’extraire de la future situation embarrassante dans laquelle ils n’allaient pas tardé à se trouver. Une idée germa alors dans l’esprit de la jeune fille alors que l’ordre impérieux de la sirène chantante poussait la mage plus près de son coéquipier.

Embrasse-le.

Rah les saletés ! La Kashu ressembla sa volonté. Aussi bien pour se remettre de ce baiser inévitable et non désiré que pour laisser l’âme du jeune homme prendre le pas sur le reste de ses sens. Ses lèvres effleurèrent celle de Nox quand elle réussit enfin à en percevoir le début de mélodie.

Maintenant mon petit, montre lui que l’amour est le plus beau cadeau avant la mort.

Elle sentit la pointe de Runi entre ses omoplates alors que l’autre main du mage du Conseil la resserrait davantage contre lui. Il allait les transpercer tous les deux si elle ne se dépêchait pas de sortir de ce guêpier. L'âme du jeune homme résonna dans ses oreilles mais ne parvint pas à chasser la mélodie qui subsistait dans un recoin de son esprit. Le rouge monta aux joue de la Kashu lorsque les deux visages se mêlèrent. Elle comprit qu'elle n'avait qu'une chance : celle qu'il sorte de la transe par un moyen X ou Y. Parce que, dans le cas contraire, ils finirait embrochés tout les deux.

Misto sentit la douleur dans son dos. Elle serra les dents alors qu’un hurlement rompait le sort. Elle se laissa couler sur le sol en soupirant de soulagement malgré son aveuglement. Ignorant le sang qui coulait, elle se leva et chercha son ami à tâtons, gênée par le handicap de Runi. Asulf la rejoint rapidement pour lui servir de guide. Elle s’approcha de Nox avec son aide, soucieuse de sa santé. Elle posa une main sur son épaule, empathique au possible, alors qu’une surprise les attendait.

- Bravo, vous avez réussi à sortir de l’hypnose et à vous débarrasser de la plus faible d’entre nous… Je suis impressionnée.

Le loup quitta aussitôt la jambe de sa maitresse pour faire volteface en grognant. Ses yeux de fauves se posèrent sur la jeune femme qui venait d’apparaitre. Ailée, blonde et généreuse, elle les observait de sa position en hauteur, digne et fière. La sirène, que nous appellerons numéros deux, était jeune. Très jeune. Elle semblait avoir le même âge que la demoiselle Shida seulement, quelque chose clochait dans sa façon d’agir. Comme si son langage corporel ne s’accordait pas avec son apparence. Misto recula instinctivement et dégaina Rolf. Asulf passa du simple grognement d’avertissement au murmure de menace. La demoiselle rit aux éclats en se posant sur le bord de la falaise.

- Tu me défies gamine ? N’as-tu jamais entendu la légende ? Celle qui raconte la décadence des navires et notre soif de sang ?
- Tu veux parler de celle qui raconte votre exil après deux navires ratés ? Pas mal pas mal. Mais il faudra trouver mieux tu ne crois pas ?
- Tu ne veux donc pas entendre une prophétie d’Hades ?
- Pas la peine de te donner cette peine. Franchement, on s’en fout.
- Laisse-moi tout de même t’emmener dans son monde ma petite chérie …

Ses doigts grattèrent sa harpe portative et ses yeux se vissèrent sur eux. Qu’est-ce que ça allait être encore cette fois ? Le son qui s’en éleva lui mit immédiatement la puce à l’oreille. Un sort d’illusion. Misto sourit vaguement. Mauvaise pioche petite sirène. Le handicap de Runi avait ses avantages finalement. Elle s’avança en aveugle vers la source du son. La sirène s’en amusa beaucoup, la faisant tourner en bourrique en se déplaçant par ci par là. La Kashu, confuse et désorientée, finit par s’immobiliser et simplement écouter. Une dizaine d’étoile de mer émergèrent d’un buisson et s’envolèrent dans un ensemble parfaitement orchestré vers Misto. La jeune femme réagit au quart de tour et se jeta à terre. Elle évita de peu de finir cribler mais ses vêtements ne purent pas en dire autant.

Il y avait des trous partout. Dans le débardeur, dans la jupe – heureusement qu’elle a un short moulant en dessous -. Fort heureusement ce n’était pas trop dévoilant, ce qui rassura la mage. Avec l’aide d’Asulf, elle commença à tourner autour de sa cible, consciencieuse. Elle devait a tout prix en mettre une hors service et plonger dans l’eau si elle voulait que son camarade de mésaventure puisse récupérer un peu de magie. Le loup roux attaqua de front la harpiste alors que Misto frappait dans le même mouvement. La sirène recula en se tenant le ventre et en grommelant.

- Mes reins … Bande de sale gamin ! Je viens tout juste de me remettre de mon lumbago … ! fit la belle dame d’une voix chevrotante.

Asulf saisit enfin ce qui l’avait dérangé plus tôt. La belle et plantureuse sirène n’était qu’une imitation. Il soupira et se ramassa sur lui-même.

Prête ?
Quand tu veux.
Tout droit comme si tu défonçais une porte.
On plonge dans la foulée ?
TU plonges pour invoquer Osulf.
Je vois.

Dans un élan coordonné, les deux complices se ruèrent sur la vieille. La brune déséquilibra la sirène et Asulf acheva de la poussé dans le vide. Misto s’accrocha à la jeune femme redevenu vieille mégère et plongea dans l’eau fraiche du bord de mer. Elle retourna à la surface le plus vite possible et attrapa l’ocarina d’Osulf pour commencer sa chanson. La louve se matérialisa dans le liquide en pestant tout ce qu’elle savait.

- On n’a pas le temps ma vieille, fit la Kashu en nageant vers le rivage. Il est resté là-haut et il ne va pas s’en sortir seul.
- Il… Il… Il… Tu veux parler de celui qui .. ?
- Non ne va pas plus loin et oui c’est lui.
- Je vois je vois.

La jeune femme et la louve se dépêchèrent d’arriver au rivage. Pourtant, la louve grise tiqua sur le chemin, s’arrêtant les pattes dans l’eau. Elle leva la truffe en l’air alors que Misto, désorientée, attendait ses instructions. Là-haut, Asulf parait les attaques pour protéger Nox du mieux qu’il pouvait mais il savait très bien qu’il ne tiendrait pas éternellement. Elle jappa joyeusement avant de se secouer.

- Ansuz Gebo Ehwaz

L’eau de la mer se souleva, s’enroula goutte à goutte autour de la louve avant de former un petit nuage d’eau assemblée à la va vite. La Kashu sentit une bonne partie de sa magie s’évaporer alors que le cumulus s’élevait vers le haut de la falaise. La nuée rasa le sol avant de monter s’enrouler autour de Nox. L’eau qui était devenue vapeur se liquéfia, trempa le jeune homme jusqu’aux os. Mais c’est un mal pour un bien. La magie prélevée à Misto s’insinua dans l’organisme du mage grâce au contact du liquide et de sa peau. Osulf grimpa illico se joindre à Asulf et lui, les crocs bien en avant. Les deux loups, d’un commun accord, se réglèrent sur Nox pour les attaques. Rechargé, protégé et aidé, c’était maintenant lui qui menait la dance. La Kashu, s’aidant de son fleuret comme d’un bâton d’aveugle remontait tranquillement, au cas où. Les deux esprits se tournèrent vers le jeune homme.

- A toi l’honneur.