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Solis feuilletait un petit dictionnaire d'herbologie dans la charette. Il tournait les pages rapidement, cherchant la plante qui ferait son bonheur. Une fleur. Une jolie fleur ne poussant que sur les plus hautes cimes. La fleur des neiges.

Il était partit tôt de la guilde ce matin là. Pendant la nuit, un vieil homme avait frappé à la porte de la guilde, affirmant qu'il avait besoin des services d'un mage compétent pour une mission urgente. Une jeune femme souffrait d'une maladie rare et se mourrait d'heure en heure. Il était lui même médecin et fabricant de potions, mais il lui manquait un élément crucial pour la réalisation du philtre qui sauverait sa patiente. Cinq fleurs de glace, une plante peu commune qui ne poussait qu'en altitude, et sous basse température. Le maître de guilde avait donc envoyé son meilleur mage sur l'affaire. Ou plutôt, le seul qui puisse l'accomplir et qui soit dans la région. A savoir Solis, qui venait juste de rentrer d'une sombre affaire de prise d'otage. Solis était donc partit le plus tôt possible. Le maître de Lamia Scale lui avait toutefois conseillé de se méfier, car des Balkans hantaient les cavernes de la seule montagne où il pouvait espérer trouver ces fleurs, c'est à dire le mont Yakobe.

*Les urgences sont les urgences...*
Il s'étira dans la charette. Le mont Yakobe n'étant pas dans la région, il avait dû d'abord louer un véhicule jusqu'à Magnolia, puis un autre qui le mènerait au mont Yakobe. Il avait acheté au passage un recueil d'herbes locales. Crater lui avait appris à en reconnaître certaines, mais il n'avait jamais vu de fleur des neiges. Il trouva enfin la page consacrée au végétal, lui fournissant ainsi une description et une illustration.
*La Ficoïde Glaciale, ou fleur des neiges.... coloration du cambium et de l'assise phellodermique... présence de sève élaborée dans des alvéoles de xylème... ça ne veut rien dire!*
Abandonnant le texte, il contempla l'image. Une jolie fleur, fine avec une tige courte, et pourvue de sept pétales bleu pâle légèrement chiffonés et d'un pistil très long.
*Au pire, Crater devrait pouvoir en trouver...C'est qu'elle a du flair pour ce genre de choses...*

Une petite secousse le sortit de sa rêverie. La charette s'était arrêtée. Il descendit du véhicule... Et plongea dans trentes centimètres de neige.
"Navré! Je ne peux pas vous emmener plus loin!" lui lança le cocher
"Ce n'est pas grave!"
Solis lui paya son dû. Le cocher promit de repasser dans la soirée à 18 heure. Solis n'avait plus qu'à accomplir sa mission dans les temps.

Solis enfila un épais manteau qu'il avait emprunté à la guilde. Il fut aussitôt submergé par un fort parfum de lilas et de framboise.
*Le manteau d'une femme je suppose*
Malgré la protection qu'offrait le manteau, Solis sentait le froid glacial lui pénétrer les os. Ses longs cheveux fouettaient son visage sous les assauts furieux du blizzard.
*La différence de température qu'il y a entre ici et en bas... Il ne me reste plus qu'à trouver les fleurs je suppose...*
Solis commença à avancer. La neige et le vent violent ne facilitaient pas son avancée, jusqu'à ce qu'il ne voit presque plus rien. Il contourna une masse sombre devant lui.
"Femme?"
Solis reçut un coup violent derrière la tête. Il s'effondra.
*Je savais bien que ce serait trop facile*

Lorsqu'il reprit ses esprits, il gisait sur un sol froid mais dur.
*C'est froid, donc déjà, je suis vivant*
Il tenta de relever la tête. Il abandonna devant la douleur aigüe et la nausée qu'il ressentit. Il préféra attendre un peu. Lorsqu'il commença à sentir ses forces revenir, il leva légèrement la tête. Il ne put s'en empècher.
"Ouik!"
Quatres Balkans dansaient une folle sarabande autour de lui. Ils avaient l'air très fier d'eux, et tambourrinaient leur torse en poussant des cris de joie. L'un d'eux remarqua soudain que Solis le regardait. Il courut droit sur le pauvre mage à terre, et le souleva par le col du manteau. Il se mit à le renifler ardemment.
"Femme!"
*C'est le manteau! C'est le fioutu parfum du fioutu manteau! Et mes cheveux ont pas dû aider...*
Le chimpanzé eut toutefois une réaction surprenante. Il tendit à Solis un petit bouquet de fleurs.
*Les fleurs des neiges!*
Solis s'empara donc du bouquet, qu'il fourra dans sa sacoche. Si sa rencontre avec les Balkans commençait bien, les intentions du primate, rejoint par ses camarades, étaient suffisemment claires pour que Solis sache que rester à leur petite fête compromettrait sa santé. Il se laissa couler hors du manteau.
"Navré mon gros!"
Solis se plaqua au bord opposé de la caverne.
"Femme?"
Le gorille parut soudain confus. Puis il devint rouge écarlate.
"Pas femme!"
Ses camarades se mirent à hurler de rage. Ils foncèrent vers Solis.
*Aquila ne s'est pas encore remit de la dernière mission... *
"Ouvres toi! Porte du palais du bélier! Aries!"
L'esprit apparut. Les singes stoppèrent net leur course.
"Femme!"
Solis soupira.
"Que.. que se passe t'il?"
"Rien... Il faut juste qu'on s'en débarasse... Ne fais pas attention à ce qu'ils babillent..."
Solis sortit ses doubles lames. Puisqu'il n'avait plus le manteau, il commençait à geler. Un peu d'exercice serait parfait. Il chargea le premier Balkan qui dansait en rond et lui lacéra le torse. La créature poussa un hurlement déchirant. Solis lança un nouvel assaut, infligeant deux nouvelles plaies sanglantes au babouin des neiges. Puisque ces créatures avaient une peau épaisse, Solis forçait un peu dans ses tranches, si bien que les blessures étaient plus profondes, et plus douleureuses aussi. Son adversaire simiesque s'enfuit en couinant. De son côté, Aries en avait déjà envoyé un par une "fenètre" primitive de la caverne, et s'acharnait sur le second, qui semblait avoir compris que "Femme!" était au final, pas si sympa que ça.

Solis cessa de respirer. Où était le quatrième Balkan? Il sentit soudain un froid glacial l'envahir. Il tourna lentement la tête, et tomba nez à museau avec un balkan, dont la moitié du bras s'enfonçait dans l'épaule du mage. Solis avait l'impression que la vie quittait lentement son bras. Il se souvint des paroles du maître: "Les balkans peuvent prendre possession des corps. Prends garde!". Solis hurla, tentant de résister à la possession. Le Balkan enfonça son deuxième bras dans l'épaule du contellationniste. Ses deux lames tombèrent à terre, inutiles. Solis avait perdu l'usage de ses bras. Il sentit le froid remonter lentement, rampant vers son coeur.
"Non!"
Aries arriva tel un éclair, et enfonça son talon dans le nez de l'ignoble monstre. Celui fut brutalement arraché de Solis, qui s'effondra. Aries expulsa le dernier primate par une nouvelle ouverture qu'elle venait de concevoir pour lui. Elle rejoignit Solis.
"Tout va bien?"
"Non..."
Solis ne pouvait toujours pas bouger les bras. Il sentait le froid refluer, mais il n'avait pas encore repris le contrôle.
"Je suis désolée..."
Solis n'eut pas le temps de soupirer, qu'un troupeau de Balkans débarqua dans la caverne. Un peu plus d'une dizaine de primates les observait. Solis se releva. Il fit marcher chaque articulation. Le froid était toujours là, mais au moins il pouvait bouger.
"Tu n'as pas une idée pour que ça n'arrive plus?"
L'esprit réfléchit.
"Tournez. Oh, pardon. Tournes. Tournes sur toi même avec les lames. Leur style de maintien te permettra de former une ligne de frappe, un cercle pour éviter les attaques en traître."
Solis saisit maladroitement les lames à terre.
"Heureusement que j'utilise mes poignets pour les manier! Une arme ayant besoin de doigts n'aurait été utilisable"
Il s'élança aux côtés d'Aries. Il fit alors comme elle lui avait conseillé, tournant tel un patineur sur le sol glacé de la caverne. La jeune fille ne le quitta cependant pas des yeux, le couvant tout en affrontant les monstres.

Lorsqu'enfin chaque Balkan eut son compte de coupures et de coups, Solis se laissa tomber à genoux.
"Enfin! Je n'y croyait plus..."
Aries s'assit à ses côtés.
"Je resterais à vos... tes côtés jusqu'à ce que ce que nous soyons en bas de la montagne."
"Merci Aries"
La jeune fille rosit. Solis sortit de son sac le bouquet offert par son "admirateur". Il fit la grimace. Une bonne partie des fleurs avait été broyée, probablement lors de son chute après sa quasi possession. Il n'en restait plus que quatre.
"Zut! Il m'en fallait cinq!"
Aries lui tendit alors une petite fleur.
"C'est ça que vous voulez? J'en ai trouvé sur le sol de la caverne..."
Solis faillit sauter au cou de l'esprit.
*Sachant comme elle est émotive, vaut mieux pas*
Il saisit la fleur.
"Merci"
Tout deux ressortirent de la grotte. La tempête était passée, laissant place à un soleil vif qui se réfléchissait sur la neige fraiche. Solis avisa une nouvelle fleur des neiges à l'entrée. Il la tendit à Aries.
"Tiens, ça te fera un souvenir!"
Aries se saisit de la fleur en souriant timidement, puis l'accrocha dans ses cheveux.

Ensemble, ils se hâtèrent de redescendre, rejoignant de justesse le cocher. Aries se dissipa alors, toujours souriante. Le cocher ayant compris l'importance de la livraison, il parcourut la distance entre Magnolia et les monts Yakobe en un temps record. De là, Solis prit un train qui le ramènerait directement à côté de la guilde. Solis sortit d'une pochette l'adresse de l'alchimiste. Il courut jusqu'à la demeure du vieil homme, priant pour qu'il ne soit pas trop tard.
Lorsqu'il pénétra dans la demeure du mage, il fut assaillit par le parfum caractéristique des concoctions. Un vieil homme caché derrière d'énormes lunettes apparut au détour d'un couloir.
"C'est vous le mage? Z'avez les fleurs?"
"Oui! Cela n'aura pas été sans mal"
Solis donna le bouquet à l'alchimiste. Celui ci courut les rajouter dans une énorme marmite, à l'intérieur de laquelle macérait une épaisse mixture noire. Aussitôt que les fleurs entrèrent en contact avec la potion, celle ci tourna au vert pomme.
"Ce sera bientôt prêt. La jeune demoiselle sera guérie sous peu, grâce à vous!"
Le vieil homme tendit à Solis une récompense, qui venait à la fois de sa part et de la famille de la souffrante. Solis refusa. Malgré toutes les difficultés de cette mission, il ne pouvait faire payer à quelqu'un sa vie.

Il rentra alors tranquillement à la guilde, serein et heureux. Il le fut beaucoup moins lorsqu'en passant la porte de la guilde, une voix haut perchée l'apostropha.
"Tiens Solis! Tu sais où est mon manteau hors de prix?"

Loin de là, au sommet d'une montagne, dans une grotte gelée, un Balkan pleure son amour déçu, en reniflant un morceau de tissu, au parfum de lilas et de framboise.

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