Solis se traîna jusqu'à l'entrée de la ville. Puisqu'il avait dû investir toutes ses économies dans un logement, il avait été obligé de faire le trajet à pied depuis la guilde.
*Encore une nouvelle ville... Que me réserve t elle?*
Solis aimait voyager. Et c'était l'un des avantages qu'il y avait à appartenir à une guilde. Il leva les yeux au ciel. Le soleil était encore bas. Il serait cette fois à l'heure, puisque constatant qu'il n'y avait pas de photo sur l'annonce (ce qui le privait d'une utilisation fructueuse des talents de Pyxis), il s'était arrangé pour que le rendez vous ait lieu à L'EXTERIEUR de la ville. Il ne risquait donc pas de se perdre encore une fois. La mission consistait cette fois en un entraînement pour des soldats.
*Rien de tel qu'entraîner pour s'entraîner soi même!*
Puisqu'il avait du temps devant lui, il en profita pour regarder les boutiques, à l'entrée de la ville, tout en gardant la porte dans son champ de vision. Il en profita notemment pour regarder des vêtements. Maintenant qu'il était sédentaire, il pouvait enfin se livrer à la joie d'avoir des tenues pour des grandes occasions.
Lorsque le soleil se rapprocha de son zénith, Solis se dirigea tranquilement vers la sortie de la ville. Il s'arrêta devant une armurerie. Malgré le fait qu'il n'ait pas un joyaux, Solis aurait apprécié acheter une arme.
*Si je viens à manquer de puissance magique, ou si je dois appuyer un de mes esprits, il me faudrait quelque chose...*
Il avait d'abord pensé à un fouet. Une arme simple, avec une portée efficace, ayant la possibilité de blesser, sans verser de sang. Il avait toutefois eu vent d'une jeune fille blonde constellationniste qui se battait avec un fouet dans une autre guilde.
*ça ferait plagia... Dommage!*
Il testa diverses armes, de la hache à la lance, sans en trouver une à son goût. Quand il sortit enfin de l'armurerie, Solis constata qu'il était en retard. Encore. Il s'élança vers la sortie de la ville, se dirigeant vers le champs prévu pour l'entraînement. Il fut toutefois légèrement surpris lorsque, en arrivant, il ne trouva pas les sept guerriers en manque d'expérience promis, mais un seul homme dans une armure mal ajustée.
"Hum... Excusez moi.. Feriez vous partie du peloton 12?"
"Ouaip! Moi c'est Roger!"
"Enchanté... Roger. Mais où sont les autres? On m'avait annoncé qu'il y aurait sept personnes..."
"Ils sont à la taverne!"
"Ah... la taverne..."
"Juste là à l'entrée!"
Cela changeait tout! S'ils étaient à l'entrée, même lui parviendrait à les trouver! Solis se dirigea donc vers la taverne que lui avait indiqué "Roger", le "Petit Dragon des Collines". Une braserie miteuse vue de l'extérieur. Et pire à l'intérieur. Solis se déhancha pour passer entre les nombreux poivrots. Il trouva enfin l'équipe de guerriers, qui encourageait une des serveuses qui dansait sur une table. Solis eut le plus grand mal à les arracher à leur "distraction" et à les amener dans le champs, où les attendait "Roger". Ils avaient piteuse allure. Complètement ivres, ils tenaient à peine debout dans leurs cuirasses mal bouclées.
*On m'avait promis un groupe de guerriers... pas une troupe de débutants ivrognes...*
Il fallait déjà régler le problème d'alcool. Solis se saisit d'une clé d'argent.
"Que s'ouvre la voie de la coupe sacrée! Crater!"
La vieille dame se matérialisa devant lui dans un son de cloche. La démonstration fut accueillie par un "ooooooooooh" unanime des ivrognes. Crater se retourna et les foudroya du regard.
"Dis moi que tu m'as appelé pour ça"
"Euh... oui?"
"Tant mieux"
Crater l'envoya chercher quelques racines et fleurs dans les champs alentours. Lorsqu'il revint, elle s'empara prestement des végétaux, et commença à les faire bouillir dans un chaudron qu'elle avait fait apparaitre.
"Pourquoi tu as une coupe, si tu utilises un chaudron?"
"Parce que faire un feu sous une coupe en bois est une idée particulièrement stupide, et qu'une coupe ne suffira certainement pas à les dégriser."
Elle rajouta une poigne de racines.
"Je vais y mettre la dose. Il vont en voir de toutes les couleurs!"
"Vas y doucement. Il me les faut entiers pour la mission"
Solis vit le dénommé "Bob" s'écrouler dans la boue en ronflant.
"Quoi que... Rajoutes en."
Une demi heure après ingestion de l'excellent breuvage de Crater, les hommes, bien que barbouillés, étaient sobres, et maugréaient tous en choeur contre les méthodes "abusives" des guildes contre "la bonne rigolade avec les copains". Solis, bien que n'étant pas guerrier lui même, tenta d'abord de leur faire exécuter des attaques simples, et leur posa des questions d'ordre tactique. Après que Bob eut failli décapiter Maurice en visant Roger, et que Bernard proposa lors de la simulation de brûler la grange où le monstre était avec les villageois, Solis ordonna une pause.
*Je vais jamais y arriver... Il me faudrait un vrai maître d'arme...*
Il saisit une autre de ses clés.
"Que s'ouvre la voie de l'aigle impérial! Aquila!"
Aquila se matérialisa sous le regard ébahi de soldats. Homme grand, pourvu d'ailes, un torse nu dévoilant une musculature fine et efficace, Aquila imposait le respect, surtout comparé au bedon tremblotant de Maurice.
"Aquila, crois tu que tu pourrais les initier au maniement des armes? Après tout, c'est ton rayon..."
Aquila prit une pose héroïque.
"J'accomplierai ma mission, même si je dois y laisser la vie."
"Tu crois pas si bien dire... Attend d'avoir vu comment Roger tir à l'arc..."
Aquila mit ainsi en place des ateliers simples, efficaces. S'il était impossible de transformer en si peu de temps ces hommes en redoutables bretteurs et archers, Aquila les entraina de manière à ce qu'ils puissent se servir au moins efficacement de leurs armes. De son côté, Solis tenta de leur inculquer les rudiments de la stratégie, leur apprenant des combinaisons simples pour se débarasser efficacement des bandits, souvent mal organisés.
Pour conclure l'entrainement, Solis recouvrit les armes de chaque soldat d'une épaisse couche de mousse colorée en rose.
"Maintenant, le dernier exercice. Vous devrez réussir à toucher mon esprit. Mais celui ci peut tout aussi bien vous attaquer."
Il saisit une troisième clé.
*Ce sera un entrainement pour toi aussi.*
"Que s'ouvre la voie du bélier! Aries!"
La fragile jeune fille apparut.
"Aries, je veux que tu attaques ces hommes, mais sans les blesser. Tu ne dois pas non plus te faire toucher"
L'esprit leva des yeux larmoyants vers lui.
"Sinon je serais punie?"
Solis bouillit intérieurement contre ceux qui avait réduit la jolie jeune fille en cette malheureuse créature craintive.
"Bien sûr que non. Je ne te punirais jamais. De plus, ce n'est qu'un jeu. Essaie de t'amuser avant tout. Le résultat est sans importance"
Solis avait déjà entendu des parents tenir ce genre de discours à leurs enfants. Il espérait que la magie marcherait mieux avec Aries.
Celle ci se retourna vers les soldats, sans oser les regarder en face.
"Courage Aries! Fonce!"
Et elle s'élança. Fine, agile et rapide, elle mit le premier soldat à terre d'un coup pied dans la machoire. Elle s'élança vers le deuxième, enchaînant sauts, flipflaps et pirouettes. Les soldats foncèrent elle, dans un puissant cri de guerre, galvanisés par le dynamisme de l'esprit. Une bataille épique eut lieu. Et au milieu des assauts, Aries était gymnaste. Et au milieu des assauts, Aries était danseuse. Et au milieu des assauts, Solis le vit. Aries souriait.
L'affrontement se solda par un ex equo. Alors qu'Aries achevait Bob, dernier à tenir debout, la lame de celui ci heurta sa jambe, la parant d'une belle trainée rose.
Solis les rejoignit.
"Félicitations à tous! Aujourd'hui, vous avez appris, aujourd'hui vous êtes devenu fort. Désormais, la ville peut avoir confiance en ses veilleurs de nuit!"
"Ouais!" hurlèrent les sept soldats "Allons fêter ça à la taverne!"
Ils partirent ainsi en braillant, en direction de la porte de la ville.
*Dommage... Moi qui croyait qu'il y avait de l'espoir...*
"On remettra une note dans les guildes, et tu reviendras nous voir, hein?" hurla Roger
"Oui!"
*Ou peut être pas... ça dépendra des jours d'ouverture de la taverne...*
Sur la colline, dos au soleil couchant, l'attendait Aries. Il tendit le bras vers elle, mais elle se déroba. Constatant que le geste n'avait rien d'agressif, Aries le laissa faire.
"Je voulais juste m'assurer que le rose partirait bien."
"Oh oui."
"J'avais pris du rose au cas où ça tache trop. C'est assorti à tes cheveux. C'est mieux que le vert pomme."
Aries leva les yeux vers lui, et lui sourit timidement avant de disparaitre.
*Il faudra du temps...*
Solis se retourna vers la ville. Il allait faire nuit, et il ne recevrait sa prime que le lendemain. Donc il lui faudrait passer la nuit en ville. Et la seule auberge à proximité était le ... "Petit Dragon des Collines"
"Oh non... oh non... oh non non non..."