Sujet: Jusqu'à la dernière goutte [libre] Mar 28 Juin - 1:31
Hyun Ki Gan
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Titre : Trempe-ton-biscuit.com Crédit : Moé Feuille de personnage Maîtrise Magique: (6256/35000) Mérite: (280/400)
To the last drop
ft. the one who care
La météo est annonceuse de pluie et de tragédie. Je suis cloîtré chez moi, je me tords d'incertitude et de regrets, de néant et de mélancolie. Qu'est-ce que j'aurais pu faire? Qu'est-ce que j'aurais pu apporter à ça? Est-ce que j'aurais pu aider? Est-ce que j'aurais pu le sauver? Me sacrifier à sa place? Les mains plaquées sur la tête, les yeux ouverts depuis de longues heures, les cernes maquillant mon horreur dans une scène des plus alarmantes. Je serre les dents, je veux crier, mais je n'y arrive plus. Les uns après les autres, ils tombent comme des mouches, me chuchotant à l'oreille que je suis responsable de leur malheur. D'abord la Mort Noire, puis Ajatar Virke et maintenant... Zeref. C'est de mal en pire et ce qui me reste à Fiore, ce n'est que quelques mailles d'une vie que je commençais à peine à tisser.
C'est l'heure. L'orage me le rappelle. Je ne peux pas ne pas y aller. Les gars s'attendent à ce que pour une dernière fois, je me comporte comme un homme, que j'habite mes entrailles de courage et que je reste fort pour eux. Pour moi. J'enfile mon imperméable avec les dernières forces qui me restent. Pas de chapeau. pas de parapluie. J'ai besoin de la pluie pour me rafraîchir les idées, pour me forcer à mettre un pas en avant de l'autre. La suite ne sera guère plus facile. Je serai un messager de la mort, je rentrerai dans un pays qui ne ressemble plus du tout à ce que j'ai vu avant mon départ. Alors que nous étions deux à quitter, je reviendrai seul, avec un cliquetis de clés comme seul compagnon de voyage.
Mes pieds s'avancent dans une nonchalance lourde et pénible. J'y suis presque déjà et pourtant, j'ai l'impression d'avoir encore des kilomètres à parcourir. Le cimetière est là, au bout de la rue. Les gars sont déjà arrivés. D'autres gens y sont aussi. Je ne regarde personne. Je fixe le vide. Je me place derrière la meute de Quatro Cerberus et j'attends. Des minutes qui me paraissent des heures, des gouttes qui me paraissent un déluge et je me laisse bercer par le silence. Le prêtre s'avance. Il dit ce qu'il a à dire. Les prières, les beaux messages, ce qu'il nous dirait de là-haut pour nous soulager la pense. Il s'arrête de parler, il se retourne vers nous. Avons-nous quelque chose à ajouter? Les gars se consultent, ils ne savent pas parler avec leur cerveau. C'est par instinct que je m'avance. Je les contourne et je rejoins le prêtre pour faire face à la foule. Je les regarde, un à un. Quelques visages me sont familiers, mais sans plus. J'avale, j'articule :
" Bacchus Groh a été celui qui m'a intégré à ce pays, à cette guilde. Je lui dois ces gars-là, les soirées arrosées et les fous-rires. Même si les gens qui croyaient en lui n'étaient pas nombreux, c'était un gars courageux et plein de bonne volonté... malgré qu'un peu tiré vers l'excès. C'était mon maître, mais avant tout mon ami. J'espère qu'il boit à volonté là où il est... Repose en paix. "
Je me retire avec hésitation. Si je continuais, j'allais étirer l'attente et ça n'aurait guère été agréable pour les autres. Ainsi, je cède ma place. Je retourne auprès de Quatro Cerberus. D'autres gens prendront sûrement la parole, mais j'ai parlé au nom de plusieurs déjà et ils me remercient d'une main sur l'épaule. Déjà je les entends chuchoter sur le futur de la guilde. Cependant, on sait déjà tous comment ça finira. Personne ne peut prendre sa place. Personne n'est à la hauteur et vue la réputation de la guilde, toutes les raisons sont bonnes pour fermer ses portes...
Tu avais été mis au courant comme tout le pays des étranges évènements qui avaient secoués Hosenka récemment. Un sort noir avait recouvert la ville de mauvaises intentions et les mages sur places s’étaient alliés pour extirper Fiore de ses démons. La milice avait ouvert une énorme enquête mais tu n’en faisais pas partie. Avec tes contacts, et surtout grâce aux rumeurs, tu avais entendu parler de Zeref, de démons d’autres mondes, de prophéties malsaines sur l’avenir du pays. Mais tu n’avais pas été sur place, tu ne saurais jamais si c’était avéré. La seule chose dont tu étais sûr, c’était que Bacchus Groh avait été tué.
Tu n’avais jamais connu le maître de Quatro Cerberus personnellement, si ce n’est l’avoir entraperçu à divers évènements nationaux où il se faisait facilement remarquer. Tu étais resté indifférent à son égard, n’ayant ni envie de l’approcher, ni de l’éviter. De toute façon, il était toujours bien entouré d’une bande d’hommes qui avaient des étincelles dans les yeux quand ils se tournaient vers lui. Malgré son impulsivité et son manque de tenue, il avait dirigé sa guilde avec une aisance toute naturelle. Tu savais ce que ça faisait de perdre un mentor. Toi aussi, tu avais été orphelin. Tu ne connaissais pas Bacchus Groh, mais par respect pour tous ceux qu’il avait laissé derrière lui, tu t’étais rendu à ses obsèques.
Tu ne portais pas la tenue de la milice mais un simple costume sobre. Rien n’aurait pu te rattacher à Silver Sword et tu te fondais facilement dans la foule, évitant les premiers rangs réservés à ses proches. Il n’y avait pas beaucoup de monde, pas autant qu’à Yume no Ai (tu n’y étais pas mais on t’avait raconté tant de fois cette épreuve), et cela pouvait se comprendre : il avait sans doute eu beaucoup d’ennemis. Peut-être que de nombreuses personnes étaient ravies de sa disparition : même si tu n’avais pas suivi les actualités à ce propos, tu estimais que la guilde ne saurait se relever de ce deuil et disparaitrait. Une guilde bruyante en moins, voilà qui ravira le peuple – cette pensée t’attrista. Tu voyais les épaules baissées de tous les mages aux premiers rangs, saisies par les spasmes de leurs sanglots. Ton cœur se serrait quand tu repensais à Bob et à tes amis de là-bas. Tu espérais qu’ils resteraient tous en contact, soudés : ce que tu n’avais pas réussi à faire, bien malgré toi.
De nombreuses personnes prenaient la parole, jusqu’à ce que vint le tour d’une femme que tu ne reconnus qu’au deuxième coup d’œil : c’était Sybilia. Tu n’avais pas eu connaissance de ses rapports avec Bacchus, mais voir sa tristesse et son désespoir te brisa. Tu avais entendu qu’elle avait été là-bas, sur place. Elle était encore debout, comme tu pouvais le constater, mais dans quel état ? Indemne physiquement, mais toujours les yeux emplis de larmes. Quand est-ce que son chagrin allait stopper ? Quand est-ce qu’elle pourra être, à nouveau, heureuse ? Tu aurais tout fait pour traverser la distance qui vous séparait et la prendre dans tes bras, la rassurer comme tu savais le faire, sécher ses larmes qui salissaient son doux visage. Mais tu ne fis rien, tu te contentas d’attendre la fin de la cérémonie pour t’en aller discrètement. Le deuil est une épreuve difficile et tu ne souhaites pas interférer dans le combat de Sybilia.
Dans le train de retour, tu lui écrivis un petit mot que tu te promis de lui envoyer dans les prochains jours : « Ma chère Sybilia, j’ai appris tout ce qui t’es arrivé. Sache que je suis, comme toujours, de tout cœur avec toi. La porte de ma maison t’es ouverte si tu cherches un refuge. Mon logis est ton logis. Je serais toujours là pour te recevoir. Pour t’écouter. Amicalement, Kôta. ». Derrière le petit carton, la clé de ta maison était attachée par du ruban adhésif.