Il m'adressa un sourire. Un de ces sourires rare, source d'éternel réconfort, comme on n'en rencontre que quatre ou cinq fois dans sa vie. Un sourire qui défiait -ou semblait défier - brièvement le monde entier, puis se focalisait sur vous comme s'il vous accordait un préjugé irrésistiblement favorable. Qui vous comprenait dans la mesure exacte où vous souhaitiez être compris. Qui croyait en vous comme vous auriez voulu croire en vous-même.
Et ça a marché. Je veux dire, j’ai vraiment cru en moi-même à ce moment-là. Je voulais vraiment y croire, je crois. Je voulais voir la même chose qu’il voyait en moi. Mais vous savez, être avec lui c’était entrevoir l’impossible, parce qu’il était de ce genre-là. Il était celui qui vous faisait croire en un tas de choses, qui transformait les choses les plus insignifiantes en quelque chose de beau, de splendide et de merveilleux. Il faisait des choses les plus anodines qu’il soit, des choses incroyables. Pas croyables. Cet homme était le magicien de ma vie et à défaut d’être aussi bonne que lui dans ce domaine, je me suis noyée profondément dans l’amour qu’il avait pour la liberté. L’indépendance. Le gout particulier qu’avait ce mot sur nos lèvres et cette remarquable emprise qu’il avait sur nos cœurs et nos vies.
Mais vous savez, je crois que je l’aime encore. J’aime l’idée du moins. J’aime me dire que j’ai toujours ce sentiment à la fois troublant et turbulent pour lui. Parce que rien que le fait d’y penser, me fait sourire. Rien que le fait de me rappeler de lui, me fait un petit quelque chose encore. Toujours.
J'avais pour habitude de sourire quand dans les livres les auteurs parlaient des yeux de l'être aimé. Ils apparaissaient toujours comme profonds et extrêmement déstabilisants. A chaque fois, l'héroïne expliquait par de magnifiques métaphores le regard de l'autre, et disait qu'elle tremblait ou rougissait. Ne pensait plus droit. Vraiment, ça sonnait tellement...niais ! Alors à chaque fois, je rigolais. Vraiment. Sauf qu'aujourd'hui j'ai compris. J'ai compris ce que ça fait d'avoir l'impression de se noyer dans le regard de l'autre et de trouver son regard magnifique. De se dire que ces yeux, ce sont sans doute les plus beaux qu'on ait jamais vu. Et j'ai aussi compris que l'histoire du tremblement n'était pas surfaite, pas plus que l'incapacité à penser correctement. Loin de là. Et vous savez quoi ? Je préférais quand je pensais que tout cela n'était qu'un ramassis de mensonges niaiseux.
Je le préférais réellement parce qu’aujourd’hui, j’ai besoin de penser. De penser droit. De penser juste. J’ai besoin de me le sortir de la tête, ou plutôt du cœur. Comme une cicatrice gravée au fer rouge, je l’ai dans la peau. C’est énervant. J’enrage devant ma propre bêtise, parce que je l’aime et le déteste à la fois. Cet entre-deux tordus où il n’y a pas de choix qui se fait, où il n’y a aucune décision à prendre parce qu’elles sont impossible à prendre.
Voilà à quoi j’en suis rendue aujourd’hui. C’est bête. C’est idiot mais c’est ainsi et quelque part, je ne cherche pas à lutter, je me demande si j’ai déjà cherché à me battre contre ça à vrai dire. Je ne pense pas. Je ne veux pas chasser mes souvenirs de lui, ni ce sentiment martelant mon cœur et mon âme, ce que je veux chasser, c’est lui tout simplement et en garder que le bon. Je veux me souvenir de ce sourire enfantin, je veux me souvenir de ces yeux pleins d’espoir, je veux me souvenir de ces cheveux en bataille le matin, ces cheveux blonds comme les blés, blonds comme le soleil. Un soleil chaud. Un soleil ardent. Parce qu’il est comme ça : ardent. Comme le soleil, il est cette étoile dans ma vie. Toujours présent mais jamais touchable, jamais palpable…Quoi que le comparer à une étoile serait une comparaison faussée….Il serait plutôt une commette. Fonçant à toute allure à travers le ciel. Basculant les autres étoiles et n’en laissant aucune le rattraper. L’enchaîner à un endroit.
Il est comme ça. Fier et libre.
Mais je ne vous apprends rien n’est-ce pas ? Bien-sûr que non. Pourtant, je suis certaine que sur lui, j’ai beaucoup de choses à vous dire. A vous raconter. Sur lui, je pourrais écrire un roman et j’imagine déjà le titre : « Leo, l’histoire de ma vie » .