« C’est trop tard, major. Vous êtes allés trop loin dans les souterrains pour en ressortir. »
Nicky t’impressionnait avec sa capacité à prendre les devants, à adapter ses dons pour permettre à votre investigation d’avancer convenablement. Tu la suivais de près dans les obscurs souterrains, rassuré par l’étrange poudre qu’elle déversait derrière elle pour toujours avoir la possibilité de retrouver la sortie, l’air libre. Rapidement la nature avait repris ses droits sur les ramifications souterraines, le béton des premières galeries avait disparu au profit d’une terre boueuse, de roches saillantes diverses, d’une humidité maladive. L’ombre ambiante vous empêchait de discerner vos propres pieds, qui avançaient à tâtons sur le sol graveleux, et seule votre imagination pouvait voir permettre de vous représenter ce qui, parfois, frôlaient furtivement vos mollets. « Des rats. Ce ne sont que des rats. »
Nicky vous menait avec une dextérité sans faille, nullement contrecarrée par les ténèbres grandissant et le froid mordant qui vous arrachait des frissons impossibles à réprimer (aucun d’entre vous n’avait eu l’idée – ni même le temps, vu l’urgence – de s’habiller plus chaudement, trop habitués à l’ambiance estivale depuis quelques semaines, si bien que vous aviez tous été pris de court par les températures extrêmement basses qu’on trouvait six pieds sous terre). Dans le silence angoissant qui s’était comme imposé à vous (personne n’osait parler davantage que de simples murmures destinés à personne sinon à soi-même pour se rassurer un tant soit peu) il fut possible de percevoir de légers gémissements. La jeune milicienne se rua dans leur direction, emportant avec elle le reste du groupe qui ne pouvait que la suivre s’ils ne voulaient pas se perdre définitivement dans l’infinité du réseau tellurique. Vous arriviez alors devant une étrange porte en acier. Une des nombreuses issues condamnées ? Tu lanças un regard interrogatif au milicien qui vous avait accompagné (Bellamy) qui, comprenant ton interrogation, réfuta cette idée d’un signe de tête : il n’avait pas connaissance d’une telle issue, même s’il n’était pas un véritable experts sur ces souterrains, il ne reconnaissait pas là l’œuvre des autorités qui avaient bouchés toutes les issues. C’était le travail de mains d’amateurs, s’exécutant dans l’ombre malgré les interdictions pour dissimuler leurs obscurs desseins. Nicky était persuadée que l’enfant se trouvait de l’autre côté et s’acharnait contre le battant – en vain. Tu t’approchas dans son dos. Sa thèse paraissait plausible : c’étaient des sanglots qu’on pouvait percevoir. « Léo, c’est bien toi ? » Les pleurs se stoppèrent. La peur l’empêchait de parler, mais il avait bien reconnu l’appel de son nom. « Ecarte toi de la porte, nous allons l’ouvrir ! »
Il y eu un petit son étouffé dans votre dos. Un frisson d’horreur te traversa l’échine quand tu reconnus le tintement lointain d’une lame. Lentement tu te détournas pour contempler la scène quelques pas plus loin. Abby maintenait un poignard sous la gorge de Bellamy tandis que Marcus faisait les cents pas, extrêmement nerveux, maugréant des paroles incompréhensibles. Tu posas ta main sur l’avant-bras de Nicky pour l’empêcher d’agir sans réfléchir. « C’est pas vrai, c’est pas possible, non, c’est impossible. _ Calme-toi, Marcus. Tu sais bien que c’est la seule manière de s’en sortir. _ La seule manière ? Putain, t’as raison, mais je n’ai pas envie d’avoir leur sang sur mes mains. _ Tes mains resteront propres. Je m’occupe de tout ça. »
_ Alors j’imagine que derrière cette porte, nous arriverons dans la cave de votre guilde, ou alors chez l’un de vous deux, c’est ça ? _ Tu vois Marcus, ils ont compris. On n’aurait pas pu les laisser avertir d’autres. _ Fais chier, Abby. _ C’est trop tard, major. Vous êtes allés trop loin dans les souterrains pour en ressortir. Ce n’est pas dans notre intérêt que vous ressortiez vivants d’ici. » L’emprise que tu gardais discrètement sur le bras de Nicky s’intensifia. Tu ne voulais vraiment pas qu’elle agisse malgré ce qui allait arriver. Un pas de travers et Bellamy allait mourir plus vite que prévu : malgré l’obscurité, tu discernais la macabre détermination d’Abby. Sa main ne tremblait pas, un seul geste et le pauvre milicien pris en otage rendait l’âme. « Abby... _ Ta gueule. Un seul geste et je le tue. Ecartez-vous, tous les deux, et collez-vous chacun sur une paroi du mur, les bras écartés. » Tu lanças un furtif regard à ton alliée pour lui signifier qu’il fallait agir. Tu t’écartas d’elle et, reculant lentement de quelques pas, tu arrivas jusqu’au mur rocheux et t’y collas, les mains en l’air. Marcus s’approchait lentement de vous. Tu ne quittais pas Nicky du regard, essayant de lui faire signifier quel était le bon moment où vous deviez agir. Espérant qu’elle allait pouvoir te comprendre sans moyen de communication. Quand Marcus fut suffisamment proche d’elle, tu ouvris grand la bouche pour hurler – pas ton hurlement d’homme, mais un hurlement de rapace, amplifié magiquement. Tu savais que la tentative était risquée dans un tel lieu mais c’était la seule alternative à la mort de Bellamy : les ondes supersoniques quittèrent tes cordes vocales pour se répercuter contre toutes les parois autour : Marcus fut propulsé en direction de Nicky – Bellamy et Abby furent projetés en arrière, déstabilisés. Tu utilisas instantanément Flow pour te propulser et traverser quasi-instantanément l’espace que te séparait d’eux : tu mis la main sur Bellamy tandis qu’un de tes pieds rejetait Abby encore plus loin en arrière. Tout cela se passa en presque deux secondes – il était déjà trop tard : le cri avait déstabilisé la galerie et toutes les parois tremblaient. Rapidement, un éboulement fut causé, et par chance ne fit aucun blessé. La voie pour sortir était néanmoins désormais obstruée : seule Abby se trouvait de l’autre côté du nouveau mur de roche qui s’était formé.
Derrière vous, Nicky et Marcus s’en prenaient l’un à l’autre, mais Marcus se dégagea pour courir en direction de la porte en fer et la traverser sans souci. Ils ne restaient plus que vous, les trois miliciens. « C’était extrêmement risqué, je ne retenterais plus rien qui pourrait provoquer un nouvel éboulement. Au moins, il n’y a pas eu de pertes. _ Alors ce sont eux les responsables ? Holy Money ? Je ne suis pas sûr d’avoir tout compris. _ L’affaire est encore brumeuse, mais nous commençons à discerner l’esquisse de la solution. Il faut impérativement que nous sortions d’ici pour avertir les autres. » A peine ta phrase terminée que le sol trembla à nouveau : la porte de fer s’ouvrait lentement, dévoilant de l’autre côté un sous-sol caché de la cave d’Holy Money visitée la veille. Marcus se trouvait là, au centre, entouré d’une quinzaine d’autres personnes. Tous des mages de la fameuse guilde. Le jeune Leo, lui, n’était déjà plus là. « Abby a raison. Nous ne pouvons vous laisser sortir vivants. Il en va de la survie de notre guilde. Capturez-les. » Il se détourna, laissant votre sort aux mages présents, et quitta la pièce, sans doute pour tenter de retrouver Abby ailleurs.
Tu te détournas vers Bellamy. « Mage ? _ Non... » Ton regard se posa alors sur Nicky. « Deux contre quinze, alors ? »