Il pleut. Encore. C’est le quatrième jour aujourd’hui. La pluie n’a pas faiblis dans la nuit malgré les prières silencieuses des propriétaires de l’auberge dans laquelle tu étais descendue. Il pleut depuis quatre jours maintenant et rien ne semble pouvoir apaiser la fureur du ciel. Certains au bar ou dans le salon principal se plaignent en disant qu’ils ne peuvent pas reprendre la route, d’autres semblent attendre des amis qui ne daignent pas venir et d’autres encore, restent juste enfermés dans leurs chambres. Personne n’a envie d’aller affronter l’extérieur, personne n’est assez fou pour cela. Personne n’a envie de s’y risquer. Alors ils râlent, parce que râler, apparemment, selon les grands-mères, c’est bon pour la santé.
Elles te font rire les grands-mères car la météo semble les satisfaire pleinement. Elles sont assises là, à tricoter, à bavarder sur le canapé, devant le feu de cheminée, elles parlent de tout et de rien. De leurs aventures passées et certainement à venir. Elles parlent de ce jeune homme assis au bar qui semble regarder vers elles….Ou toi. A vrai dire, tu étais la seule, pensive, le regard perdu dans la masse nuageuse.
« - Je crois que vous lui faites de l’effet ma petite ! C’est une bonne chose à votre âge. - Pardon ? Excusez-moi je n’ai pas… »
L’une d’entre elles te pointe le bar en direction du doigt avec ce petit sourire coquin comme si Cupidon était son deuxième prénom et que par ce geste, elle espérait qu’il se passe quelque chose. Mais rien ne vient. Il ne bouge pas et tu ne bougeras pas non plus. Pour l’instant, tu veux juste te laisser engloutir par les nuages. Tu as envie de te perdre en eux. Laisser tes pensées s’effacer avec la pluie. Écrasées dans une vulgaire flaque d’eau.
« - Dites ma petite, vous paraissez bien soucieuse depuis tout à l’heure. - Oh ! Euh…Ne prêtez pas attention à moi mesdames. Continuez donc vos commérages. - Racontez-nous ! Vous n’oserez pas abandonner de vieilles femmes comme nous par un temps pareil ? »
Tu eus à peine le temps de te lever que l’une t’attraper par le bras et t’attira entres deux vieilles mémés sur le canapé. Complètement coincée. Prise entre deux. Elles te menacent avec leurs aiguilles à tricot et te regardent d’un œil attentif comme si elles espéraient y déceler quelque chose.
« - Vous avez un visage familier…C’est étrange…Je ne saurais dire à qui vous ressemblez…. - Vous faites sans doute erreur, je ne suis que de passage ici en ville, je partirais dès que la pluie se sera calmée. - Mais ne partez pas si vite mon enfant ! On dirait que vous essayez de nous fuir, cela est fort malpoli de votre part. »
Comment leur faire comprendre que tu n’as nullement envie de te retrouver prise au piège à devoir les laisser t’examiner de plus prêt derrière leurs petites lunettes rondes. Elles réfléchissent, elles gardent le silence, elles cherchent où est-ce qu’elles ont bien pu te voir et quand elles comprendront, cela sera la catastrophe. Encore une fois. Tu avais son visage. Tu avais sa voix. Tu avais presque sa démarche et son insolence. Tu avais son mauvais caractère et son impulsivité. La seule chose qui distinguait deux jumelles comme vous était votre couleur de cheveux et tu l’avais fait exprès. Roux et brun.
Beaucoup vous ont confondus et beaucoup le feront encore. Comment ne pas faire autrement ? Ceux n’ayant jamais croisé ta route et n’ayant aucune conscience de ton existence se diront que tu n’es qu’une Enya Taylor déguisée et les autres, ce petit nombre qui sait…Eh bien, malgré tout, ils le disent…Que tu lui ressemble bien plus que tu ne le penses. Pourtant, au fond, tout vous différenciez. Tout. Tu y tenais tellement….A ne pas vouloir lui ressembler que cela était presque devenu maladif pour toi. Une malédiction. Un fardeau. Qu’importe…Tu étais Sara. Tu étais toi.
Jamais tu ne seras elle. Jamais.
Alors, prise entre deux paires de fesses, sur un canapé miteux, menacée par des aiguilles à tricot et des regards digne de l’inquisition, tu pries, silencieusement, que toi aussi, on vienne te sauver de ces furies.
Elles te regardent et te scrutent de la tête aux pieds comme si d’un seul coup d’œil, elles pouvaient lire en toi. Comme si d’un seul coup d’œil, tu étais mise à nue. Cette sensation de malaise et d’inconfort t’envahis et tu n’as qu’une envie, c’est de fuir ces femmes. Celles qui peuvent deviner. Celles qui peuvent comprendre.
Pourtant, elles semblent s’interrompre quand la porte d’entrée manque de se retrouver déloger. Elles lèvent les yeux et t’oublient le temps d’un instant. Elles lèvent les yeux et regardent ces hommes qui viennent d’entrer. Ils sont cinq et cela aurait pu passer pour n’importe quelle patrouille de la Milice qui cherche un abri part un temps aussi désastreux que celui-là. Pourtant, il ne fallait pas être né idiot pour comprendre que ces hommes n’étaient guère des miliciens. Des soldats peut-être. Ils sont 5 mais l’un d’eux sort du lot. L’un d’eux dégage quelque chose de plus fort et de plus impressionnant que les autres. Il poussait au respect de par sa simple présence, son charisme. C’était étrange.
Tu sembles profiter de ce divertissement qui leur ai dû pour t’éclipser mais tandis que tu te relèves délicatement, l’une des grands-mères semble te retenir par le poignet et te tire vers elle de sorte que tu finis à l’exacte même position dans laquelle tu te trouvais précisément.
« - Mon enfant, tu ne vas pas déjà nous quitter, tu viens seulement de nous rejoindre et puis, ça va être l’heure du thé. »
Tu n’aimes pas le thé. A vrai dire, tu n’as jamais eu le temps pour te permettre d’avoir des goûts raffinés. Tout en toi était sauvage. Brutal. Tout en toi était l’exact opposé de cette image que les gens devraient avoir. Une jeune fille parfaite et élégante ? Non merci. Tu avais grandis entre des monts et des forêts. Tu avais appris à te battre à l’âge de 5 ans. Ton père était un homme sévère. Les hommes du clan l’étaient tous à vrai dire. Les filles pleurnicheuses, ce n’était pas pour eux. Il leur fallait un mage, quelqu’un capable d’agir en toutes circonstances. Il fallait quelqu’un capable de prendre la relève…Mais ça, tu n’en as jamais eu le temps.
Minstrel n’a jamais supporté les hérétiques comme vous, surtout depuis que vous n’exécutiez plus les ordres du pape. Surtout depuis que le précédent pape est mort. Surtout depuis que ton nom…Résonnait comme trahison. Maudit soit celle qui est venue mettre son nez dans ta vie. Maudit soit celle qui, indirectement et sans en prendre conscience, a condamné ton père. Votre père.
Alors tu as fuis. Ici.
Perdue dans tes pensées, tu ne remarques pas la main qui se tend vers toi. Tu ne remarques pas cet homme, celui de tout à l’heure, présent devant toi. Depuis quand était-il là ? Avait-il quelque chose à faire avec toi ou, par simple galanterie, il vient te tirer de ce mauvais pas ? Sur l’instant, tu sembles avoir oublié de réfléchir et tu saisis sa main sans te poser de questions avant de lui sourire parce que c’était drôle que son intervention fasse rager ces vieilles folles.
« - Avec plaisir. Je vous suis. »
Tu t’éloignes du coin salon et des grands-mères qui vous suivent du regard, curieuses de savoir la suite des évènements entre cet homme et toi et une fois, assis, tous les deux, au bar, tu lui chuchotes à l’oreille.
« - Merci infiniment, vous n’avez même pas idée à quel point vous venez de me sauver la vie. Je vous en suis reconnaissante. »
Quelque part, cet homme, tu le savais, ce n’était pas n’importe qui. Il était quelqu’un. Important sans doute. Un noble local. Un riche seigneur. Qu’importe. Il était quelqu’un mais ce qui t’intriguais ce n’était pas ce qu’il était mais qui il était. Qui pourrait bien s’aventurer ici par un temps pareil ? Qui braverait une telle tempête ?
« - Donc monseigneur ? Je présume que vous êtes quelqu’un de fortuné à la vue de tout…ce spectacle. Qu’amènes un homme comme vous dans une auberge comme celle-là ? Dans cette ville même. Racontez-moi ! »
« Sara ». C’est sorti spontanément comme si ce simple nom suffisait à te décrire. Comme si ce simple nom suffisait à raconter ton histoire d’une façon implicite. Tu sais que tu n’y échapperas, pas bien longtemps, pas quand on te poser la question mais t’appeler juste Sara te plaisais bien pour l’instant. Sara Taylor avait un jour, au détour d’une pluie comme celle-ci, d’un abri comme celui-là, croisée le regard d’Enya Taylor. Les deux sœurs se sont croisées, elles se sont confrontées et jamais encore, tu ne comprendras ce qu’elle a voulu implicitement te dire ce jour-là. Elle ne voulait pas de toi, elle te souhaitait de faire ta vie et jamais elle ne s’était intéressée à toi. Quelle égoïste. Les espoirs que tu t’étais fait et les rêves de cette rencontre furent brisés et piétinés par cette femme. Par cette femme à la chevelure rousse et aux yeux enflammés. Elle avait vu la guerre. Elle avait vu la souffrance et la haine à sa porte et toi…Tu n’es que colère. Tu ne ressens rien de spécial envers elle et depuis que tu as su pour elle, tu t’es sentie responsable.
Mais tu n’as plus à l’être. Tu peux vivre libre. Tu peux vivre ta propre vie sans constamment lui courir après. Tu peux faire ce qu’il te plaît. Ce qu’il te chante. Tu peux être juste Sara et enterrée une bonne fois pour toute Sara Taylor, la jumelle.
Alors il te raconte son histoire et tu en viens à penser que lui-même ne s’est pas présenté ce que tu trouves amusant. Son histoire te fait penser à celle d’un conte moderne mais tu n’as jamais appris à te méfier des gens. Tu n’as jamais appris à voir au plus profond d’eux-mêmes et peut-être que cet homme n’était qu’un masque. Celui que tu voyais là, devant toi, n’était peut-être qu’une illusion. Le temps de quelques secondes, quand ta main a saisi la sienne, l’idée t’as frôlé mais cela va bien au-delà de ce qu’il t’est permit de savoir. Tu ne peux qu’écouter, sourire, être en admiration devant un homme qui semblait avoir fait tant de chemin et vécu tant de choses.
La mention de la tempête te rappel à l’ordre tandis que tes yeux se perdent à l’extérieur. Tes pensées s’envolent une nouvelle fois. Ton manque de concentration et d’attention est déplorable et ton père te l’a toujours reproché. Tu es quelqu’un d’éparpillé et de volatile. Tu aimes le ciel et ça, peu importe la couleur. Du bleu azur en passant par ce gris apocalyptique. Qu’importe. Le ciel était le toit du monde. Le toit de chacun.
« - Disons que je suis de passage ici. Je voyage beaucoup…Ou voyageais beaucoup. La tempête m’a seulement prise au dépourvue et je pourrais bien repartir sur l’instant mais je n’ai pas envie de finir comme un chien mouillé ahaha. Pardonnez-moi. »
Tu n’étais pas riche comme lui. Tu ne bénéficiais aucunement de la protection d’un quelconque être sur terre et quand t’y repenses, un visage en particulier te revient en mémoire. Son nom pourrait bien être celui de Peter Pan. Zadig. Étrangement, sa mention ne te fais plus tressaillir comme auparavant ô combien ce qu’il avait fait était impardonnable…Mais tu avais appris à voir ou percevoir, une partie de lui.
« - Malgré tout…Cette tempête ne semble pas faiblir ! On dirait que l’on est coincé pour la nuit vous, vos suivants et moi. J’espère que vous saurez vous contentez de ma simple présence, je ne suis guère de bonne compagnie. »
Ton sourire s’évapore et tes yeux se baissent naturellement vers tes genoux. Un jean troué. Un tee-shirt déchiré à certain endroit. Des cheveux en bataille et quelques cicatrices éparpillées à travers ton corps.
Tu y repenses encore, t’en rêve parfois…Être la sœur du diable n’est guère un avantage. Cela ne le sera jamais.
The only thing I ever wanted, the only thing I ever needed Is my own way - I gotta have it all I don't want your opinion, I don't need your ideas Say the fuck 'em up off my face, stay away from me I am my own god - I do as I please
Une heure, c’est le temps qu’il semble vous restez. Une heure, c’est le temps qu’il a fallu pour apprendre à connaître cet homme. Certains étaient déjà remontés dans leurs chambres, d’autres contemplaient pour une dernière fois le paysage à l’extérieur et d’autres encore, se contentaient simplement de se tenir-là, affalés dans un canapé ou à moitié ivres mort sur une table, qu’importe. Un sourire, une blague, un regard, aujourd’hui ils ont appris à se connaître. Aujourd’hui, pour la première fois depuis longtemps, on a mis de côté les vieilles rancunes et rancœurs et on a essayé d’aller vers son voisin. Certaines femmes étaient descendues seules et voilà qu’elles remontent accompagnées et sur l’instant, tu te dis que la nuit va être longue pour beaucoup ici et ça te fais rire rien que d’imaginer de voir des inconnus couchant ensemble.
En parlant d’inconnu, le tien semble s’être présenté à ta suite et comme toi, ni nom de famille, ni d’appartenance à une quelconque personne. Rien. Juste Adrien. Juste Adrien, le voyageur. Pourtant, bien malgré toi et bien malgré ses histoires, tu savais qu’il y avait plus. Juste Adrien ne se balade pas avec une telle armée à disposition. Cet homme était forcément quelqu’un mais cela semble t’échapper.
Tout semble t’échapper. Depuis longtemps. La notion de la réalité, celle du temps. Tout glisse, tout te frôle et rien ne s’arrête. Sauf cette main tendue vers toi. Encore une fois.
Il t’invite à le suivre sous son parapluie et l’invitation te surprend. Tu pensais encore devoir passer une nuit ici, seule, dans le noir. Seule, sous la pluie. Tu pensais encore devoir attendre que le temps se dégage pour reprendre la route. Pourtant, voilà une invitation bien incongrue. Il te fait rire Adrien et tu ne t’en caches pas. Tu lui montres, que son comportement chevaleresque t’amuses, vraiment.
« - Vous n’y allez pas par quatre chemins vous n’est-ce pas ? Invitez une demoiselle à vous rejoindre sous un parapluie… »
Tu te rappelles alors que c’est dans ce genre d’endroit que tu as fait sa connaissance. C’est dans ce genre d’endroit que lui aussi, il t’a tendu la main. Dans ce genre d’endroit que lui aussi, il t’a invité à le suivre. Tu l’aimais bien ce blondinet. Peut-être qu’un jour, vos chemins se recroiseront, qui sait ? Ça serait drôle. Mais pas tout de suite. L’heure n’est pas à revoir de vieilles connaissances.
Saisissant sa main, tu le suis, lui et ses hommes. Tu ne sais pas trop où mais sans que tu n’ait eu le temps de le réaliser, tu te retrouvais dehors, sous la pluie s’abattant sur vous. La pluie. Les batailles de boue de Minstrel te manquent. Une certaine personne là-bas te manque. Peut-être qu’un jour, tu t’y aventureras, en te disant que ta sœur….Est certainement plus recherchée que toi là-bas.
Pour une fois que tu veux te cacher dans son ombre…Pour une fois que tu as besoin d’elle…Peut-être que ça sera même la seule fois.
« - Donc Monsieur Adrien ? Où allons-nous maintenant que vous m’avez sortie des griffes de ces deux dragons et que vous me sortez de ma tour d’ivoire. Puis-je au moins savoir où nous nous rendons ? Sans vouloir vous vexer, j’ai appris à me méfier des inconnus. Surtout par les temps qui cours. »
Il semblait être de ces personnes incapables de retenir un nom ou un visage, ces personnes incapables de réaliser que toi et « elle », ne formiez pratiquement qu’un seul et unique être. Des jumelles. Tout était identique, tu t’en étais assuré toi-même. Pourtant, il ne semblait rien dire sur ce point-là.
Ou peut-être est-ce un point de la conversation qui se retrouvera enterré dés qu’il sera mentionné ? Allez savoir.
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L’enseigne te fait éclater de rire avant d’y pénétrer. Tu aurais pensé à bien des endroits mais certainement pas à un tailleur. Soudain, naturellement, tes yeux se posent sur tes vêtements et ta façon d’être. Y’avait-il quelque chose de dérangeant ? Pourtant, l’idée de te voir choyer de la sorte te rends toute chose et tu le suis de bon cœur en continuant de sourire. Dès que vous passez le seuil de la porte et que les clochettes résonnent encore dans la pièce, un homme se montre. Tu les laisse discuter et c’est au mot « robe » que tes sourcils se froncent.
« - Ah non, non. Je suis désolé mais je suis contre ce genre d’habillement ridicule. Vraiment. Je ne suis pas… »
Tu n’as pas le temps de dire un mot de plus que l’on te conduit à l’arrière-boutique vers des cabines et en moins de temps qu’il n’en faut, tu te retrouves en sous-vêtements, soumise au mètre de couturier, un long ruban rose et à chaque main posée sur tes courbes tu ne peux t’empêcher de sursauter comme une enfant. Tu repenses alors à ce jour-là, ce jour dans la cascade. Tu repenses à Zadig et à ses mains. Tu repenses à son souffle contre ta nuque et à toutes les sensations qu’il te faisait découvrir. Tu repenses à ses mots et à ses promesses.
« - Bien, ma chère, je pense que j’ai certainement deux ou trois petites choses pour vous. Veuillez essayer ça…Et ça…Et ah oui ! Cela serait parfait également. Aller hop hop ! En cabine ! »
Il te pousse et tire le rideau derrière toi alors que ta tête ne dépasse même plus du tas de vêtements. Il y a là diverses tenues aussi variées qu’improbables et c’est en voyant ton reflet dans le miroir que, l’espace d’un instant, tu t’arrêtes. Les mèches brunes en bataille sur ton visage te font réaliser que jusqu’à présent, tu as toujours vécue cachée, dans la peur d’avoir encore à faire à un des fantômes de la vie d’Enya. Les mèches brunes sur ton visage te rappellent alors cette vieille tradition…Les mots de ton père. Tu étais Sara. Tu étais le feu et la glace. Tu n’étais pas elle et tu n’avais pas à vivre dans la honte de ses actes.
Tu étais toi. Tu pouvais vivre pour toi.
Dans une prière silencieuse, tu fermes les yeux tandis que tes cheveux reprennent naturellement leur couleur d’origine. Cette couleur flamboyante, propre à ceux portant le nom des Taylor. Orange. Feu. Peu importe. Tu étais née ainsi. Ainsi, tu resteras. Alors dans toutes les étoffes, tu finis par trouver quelque chose qui pourrait à peu près convenir. Une robe au style asiatique et des bottes. C’est une robe. Ça compte. Il ne pourra rien dire.
Tu l’enfiles et en fermant les boutons au niveau de ta poitrine, tu as l’impression de porter un de ces horribles corsets. Quelle horreur. Comment les femmes font pour respirer ainsi ?
« - Je vous préviens, il est interdit de se moquer. »
Sortant de la cabine, les cheveux lâchés tombant en une cascade enflammée jusqu’à hauteur de tes fesses et abordant un tout nouveau style vestimentaire, tu n’oses regarder celui qui est derrière tout ça dans les yeux.
« - J’ai l’air ridicule… »
Tu soupires et laisse passer un silence.
« - Je vous remercie, vraiment, pour tout ce que vous faites même si je ne comprends pas trop pourquoi vous vous donnez autant de mal mais voyez-vous-même, je ne suis pas une de ces femmes qui se transforme en portant une robe. A vrai dire, la féminité n’est pas vraiment mon alliée. »
Te retournant vers le tailleur, ce dernier semblait avoir fait un arrêt cardiaque depuis que tu étais sortie. Son teint pâle et ses yeux exorbitant trahissaient le fait qu’il savait certainement à qui il avait à faire…Ou à qui il croyait avoir à faire.
Comment ne pas confondre maintenant ? Plus rien ne vous différencie. Sauf peut-être cette tenue un peu trop moulante pour toi.