Un malaise. Ce n’est plus un malaise, c’est un fossé. Tu t’es tué à lui dire, à lui faire remarquer, à glisser quelques sous-entendus par-ci par-là mais jusqu’à présent, rien ne portait ses fruits et là, il se réveille ? Étrange. Peut-être que c’est l’histoire des golems qui l’a réveillé ? Peut-être que ça en ai un et qu’il essaye de te diriger vers une autre piste pour que tu ne poses pas de questions sur le sujet. Ça doit être ça. C’est forcément ça !

Alors tu ne fléchis pas ni ne détourne le regard quand il te soulève non sans mal du sol. Il a beau être grand et costaud, il ne t’a jamais effrayé ou du moins jamais à proprement parler. Bien-sûr que par moment, tu t’es posé des questions, tu t’es demandé vraiment à tu avais vraiment à faire et puis, dès que tu te poses cette question, une face de l’ancien lui refait surface. A croire qu’il le faisait exprès ?
Il te repose en te demandant si tu regrettes cette promesse faite entre vous.

« - Pourquoi je regretterais ? Tu regrettes toi ? Je ne regrette pas moi. Je m’interroge. C’est normal non ? »

Sur la suite. Sur l’avenir. Sur tout ce qu’il se passera ou non entre vous. Sur cette fameuse confiance que vous n’aviez pas établie. Sur pleins de choses à vrai dire.

« - Y’a un malaise…Je veux dire, un fossé, une cavité même mais c’est parce qu’on ne se connait pas. Pas vraiment du moins. On sait comment on s’appelle, on sait que l’autre est à la recherche d’un frère et puis après ? C’est tout. Tu m’as demandé si je te faisais confiance et je t’ai dit non et c’est vrai. Je ne fais pas confiance à quelqu’un que je ne connais pas mais je ne t’oblige pas non plus à me raconter ta vie si t’en as pas envie. Seulement…Peut-être qu’un jour, toi, t’auras assez confiance en moi pour m’en parler. C’est tout. »

Tu hausses les épaules et tu retournes à ton dindon sauvage attraper plutôt. Ça te rappelle tellement cette journée et ce pari stupide...Alors naturellement, pour briser ce silence pesant, tu te mets à parler tout seul, dans ton coin. T’as l’habitude. Tu le faisais souvent avant.

« - Pour les golems, c’est une vieille légende urbaine enfin...Forestière qui traîne. On raconte ça aux enfants. On dit que des sorciers habitent dans les tréfonds des forêts et qu’ils sont immortels. Pour garder leurs immortalités ils se nourrissent du cœur des hommes. De façon figurée bien-sûr…On dit qu’ils prennent leurs souvenirs heureux, leurs émotions…Tout et que cela dépossède quelqu’un de son âme de façon extrême. Je veux dire sans âme, on est une coquille vide non ? Au début, je pensais que t’en étais une. Une coquille vide sans émotions. T’as juste une grosse carapace sur toi. »

Une énorme. Une solide derrière laquelle il se cache. Tu te demandes comment il serait avec d’autres personnes. Exactement le même ou bien plus ouvert ? Plus détendu ? Comment était-il tout simplement en présence de son frère ? Il y avait tant de questions que tu te posais à son sujet et tu n’étais pas prêt d’avoir les réponses encore.

Du moins pas de suite.