Zoé elle s’éclate aujourd’hui. Elle se balade en pullover, comme elle adore. Cette fois elle a choisi celui avec une grosse mite dessinée sur son dos. L’élégance même. Les mains dans la poche kangourou, la capuche sur la tronche avec les cheveux qui dépassent, elle place un pied devant l’autre, comme on fait pour marcher quoi. Mais elle, Zoé, déborde de cette aura de bonne humeur qui ne présage qu’une chose : elle va faire des ravages. Ca commence par des bousculades sans aucune excuse, sans aucun regard, pousse toi, la diva traverse l’allée. « Vous pourriez vous excuser ! Ho ! Ho ! » crie-t-on avec trop d’instance en lui tenant l’épaule « Casse toi pauvre con. » Suivi d’une nouvelle bousculade. Pas la peine d’essayer de la suivre, sa chevelure détonne peut être comme une bombe dans le décor, il n’ira jamais aussi vite qu’elle. Bienvenue à Crocus, Zoé. Crocus l’attendait, elle le sait. La petite frêle s’arrête en plein milieu du passage pour admirer un spécimen rare mais passionnant : un pauvre. Le mec, artiste, gagne des sous en échange d’un sortilège qui rend ivre une quinzaine de seconde le client sans qu’il ait visiblement ingéré un gramme d’alcool. Elle hausse un sourcil. « Mais quelle bande de merdeux. » Elle le regarde encore un peu. Elle crache un « Pfeuh ! » hautain, s’avance d’un pas décidé et vient se placer bien devant le mage. Aurait-elle été plus grande qu’elle aurait posé ses seins sur son nez pour être sûr qu’il la remarque, mais là, elle attend qu’il baisse la tête vers elle, ce géant difforme. Puis quand il le fait, c’est comme un gosse qui perd au jeu de la pistache « Moi aussi j’peux le faire. » Il n’a pas le temps de comprendre ce qu’il lui arrive, il éclate de rire pour rien, titube et se ramasse comme un alcoolique. Arroseur arrosé. Elle lui pique quelques jewels au passage et file sans même donner l’impression de fuir. Non, personne n’oserait faire trébucher une diva. Elle continue sa route jusqu’à l’endroit qu’on lui avait indiqué. Une taverne où un grand nombre de mages auraient pour habitude de boire un coup pour se désaltérer après une mission bien laborieuse. Elle est venue à Crocus pour ça, trouver un boulot qui lui rapporterait un peu plus que la plonge d’un restaurant. Elle est prête à en venir aux mains, elle a besoin de sous pour Nolan. Pour sa famille. Elle écrasera tout sur son passage, elle y parvenait déjà sans problème avant même d’avoir appris la magie, maintenant ce serait encore plus simple. Elle s’arrête devant un panneau en place publique avec des petites annonces. C’est pas tout à fait son objectif, mais ça vaut la peine de jeter un coup d’œil. Mais alors très rapide. Elle prend à peine trente secondes d’attention, arrache une des annonces et la roule en chiffon dans sa poche de pantalon. Et, oh surprise, qu’aperçoit-elle un peu à côté ? Une boutique de livres. Coup de cœur pour la diva qui se dit qu’un autre petit détour ne pouvait pas faire de mal. Alors elle entre, et c’est comme un petit paradis. Elle découvre ce jardin secret, des étagères qui montent jusqu’à un plafond très haut implanté, un petit air de mélodie de violon et des livres ailés qui volettent comme décoration un peu partout. Elle ne perd pas pour autant son air hostile, toute extase reste interne à son petit corps à la peau d’albâtre. Zoé ne répond pas à la salutation de la vendeuse, pourtant bien aimable. Non, Zoé commence à parcourir les rayons, lente, patiente, prête à dévorer le premier coup de cœur qu’elle trouvera. Zoé déguste ce moment, jusqu’à ce que le violon en fond sonore crisse brusquement à lui hérisser le poil. Elle se tourne vivement vers toi, responsable de ce faux accord. Toi qui tente peut être de rétablir ton erreur, alors que trois notes tournent en boucle comme sur un vieux CD rayé. Ta bonne volonté, soit elle existante ou non, Zoé n’y accorde aucune importance, elle te fonce dessus, courroucée « Putain mais tu sors d’où toi ? » elle te pousse sans la moindre gêne pour examiner le lacrima musical « Ces paumés de campagnards j’te jure. » Non, tu n’existes pas, elle t’a déjà oublié. Elle parvient tu ne sais comment à rétablir un son agréable et propice à profiter de la librairie. Contente d’elle, elle t’accorde quelques unes de ses précieuses secondes pour te dévisager des pieds à la tête. « T’as jamais vu un lacrima musical ? Tu sors d’où ? » Elle se reprend immédiatement « Non, en fait, je m’en fou, reste loin de moi, et loin de ce truc, ducon. » Elle compte bien reprendre sa chasse au livre comme si de rien n’était. Qu'est-ce que tu peux lui faire de toute façon ?