Feather's Decision -

PNJ Frost / Lydia C. Illunar

Le chaos. Le manque d’air. Le grattement désagréable de milliers de grain qui chasse la couche de glace qu’elle avait oubliée sur sa peau. Tout se ligue et Misto encaisse les dents serrées, les yeux fermés. Ses compagnons se sont évaporés pour échapper au gros de l’attaque, en attendant le réveil. Elle entend leur voix battre contre ses tempes, malgré le volume tourné au minimum pour ses oreilles et sa conscience. L’Impératrice prend alors conscience de sa fatigue et de sa lassitude. Elle n’a pas bien saisi ce qui lui a échappé tantôt mais les faits étaient là : cela lui avait couté la main. Emportée par le sable, sonnée par le choc, elle se regarde dériver et réfléchir au bord de l’évanouissement que pourrait lui causer l’absence d’air. A chaque seconde, elle lutte contre ce réflexe animal qui lui dicte d’ouvrir la bouche pour inspirer goulument la précieuse denrée qui n’existe pas dans son chaos de sable en mouvement. Les âmes de deux nouvelles personnes se joignent à ses pensées avant d’être balayée par le noir des portes de l’inconscience. Les voix des esprits perdent lentement du terrain, les réflexions de la jeune femme se font de moins en moins claires. Son cœur ralentie, sa douleur s’estompe presque alors que son instinct de survie se met à onduler et appeler au secours. Lentement, Misto se laisse guidée vers sa perdition, ouvrant les lèvres pour inspirer le sable, en désespoir de cause. Sa vie lui échappe et les alentours pourtant si limpides se teinte de ténèbres, faisant trembler les images musicales des âmes qui évoluent derrière ses paupières. Sombrant, la rousse ne perçoit bientôt rien de plus qu’une faible lueur, une flèche pure qui résonne de note silencieuse.

La mort.

La sensation d’étouffement la quitte, suivie par celle de douleur des brûlures de froids que l’adrénaline lui avait épargné jusqu’à présent. La lueur s’étiole doucement, emportant la moindre parcelle de souvenir qui passait devant les yeux de Misto à présent. Le combat, dans toute sa splendeur et son horreur, ne ressembla bientôt plus qu’à une vague mascarade que le bon sens n’aurait jamais voulu connaitre. L’absence de sensation, étrangement familière, fit remonter chez la jeune femme, une autre image qu’elle pensait avoir oublié. Un nom se forme difficilement derrière ses paupières, jusqu’à ce qu’enfin, il soit assez juste pour que ses pensées le prononce.

Les limbes.

Les mâchoires de Misto se resserrent en arc réflexe. Elle aimerait battre des paupières pour chasser les larmes, mais les forces nécessaires lui semblent incommensurables. Elle ne veut pas y retourner. Ni maintenant, ni demain, ni jamais. Pourtant, cela l’aspire avec régularité, lui promettant à chaque nouvel à-coup de noyer son esprit au milieu d’une étendue fumeuse et privée de son. Sous l’effet de la tension, ses poings se ferment et son corps s’arque dans un élancement douloureux pour s’éloigner de cette peur viscérale, sans succès. Une autre pensée perse, plus puissante.

NON.

Un cri traverse les sables crées par la magie. Un cri de rage et de colère, un cri de lutte. La rousse, lentement, appelle à elle tout ce qu’elle peut. La magie, rassurante dans ce drôle de flottement qui précède le silence absolu, crépite jusque dans sa lucidité vacillante. Asulf, à peine conscient de la situation, se retrouve projeté dans la réalité. Les dunes implosent, déformée par la brusque apparition de la masse impressionnante de l’esprit Wyvern. Juchée sur son dos, l’Impératrice rejoint petit à petit le monde vivant, prenant pleinement connaissance de la douleur qu’elle avait ignorée jusqu’à présent. Le cri inarticulé de souffrance se mue en toussotement, alors que Misto crache le sable qui a tenté d’envahir ses poumons. L’air se déforme encore autour d’elle, trahissant la brusque apparition de la brume verte de Green Ether. Le tatouage de la technique se répand sur son corps à une vitesse ahurissante alors que le regard de l’Aigle se lève vers la voix hésitante de la constellationniste. Ses prunelles brillent d’une lueur rendue folle par la douleur de la guérison et la colère qui suinte. Elle se relève, tremblante, les arabesques vertes glissant le long de son poignet droit et de son dos dénudé. Ses cheveux en bataille cachent les traits de son visage déformé par les sensations qui secoue son être, à peine chassé par la brise qui se lève.

Misto frissonne en sentant l’air caresser son corps enveloppé dans des loques plus que des vêtements. Elle regrette son manteau qui cachait aux légaux la seule preuve définitive de son identité. Elle aussi de ne pas pouvoir couvrir les dessins complexes de la technique qu’elle montre à tous. Au pire, vraiment, que risque-t-elle ? Même les siens ne saisissait pas tous de l’essence de sa magie, alors que dire des néophytes ? Se redressant à présent complètement, elle offrit son visage mangé par le tatouage aux deux mages de Légion. Un sourire rendu grimace par les traits verdâtres qui remuent sous sa peau, la voix éraillée de Misto retentit dans le silence.

« Légion… Sois certaine que les Aigles vous retrouveront. Je dois bien ça à Tsukiyo. » Le regard de Misto dérive vers Seth et Raven. Son sourire s’efface et son équilibre vacille au rythme du battement d’aile de l’esprit sur lequel elle se trouve. « Il reste moins d’une heure et tout ce que vous trouvez à faire, c’est négocier dans le vide ? » Un rire pur accueille l’expression des deux garçons alors que Runi et Henning se matérialisent à côté d’eux. Le loup blanc saute sur l’un des mages mais n'anticipe pas assez bien la violence du choc : Seth, sa pauvre victime, heurte violemment le sol. L'esprit de l'Insoumis le renifle doucement, couinant en guise d'excuse alors qu'il lève les yeux vers son compagnon de route. Les deux hommes se fixe longuement avant qu'Henning ne disparaisse aussi soudainement qu’il était arrivé. L’autre esprit se glisse le long de la jambe de Cloud et s’y enroule, espérant que sa minuscule taille lui aura permis de passer inaperçu. La liaison entre l’esprit de la rousse et celui de l’homme s’établie, remplaçant le vide qu’avait causé l’attaque de Scorpio. Sans un mot pour eux, elle leur tourne le dos pour tendre une main à Lydia. « Allons-y. C’est l’heure du thé. » Sentant la blonde poser pied sur lui, Asulf redouble d’effort pour arracher sa grande carcasse au sable. Il s’élève lentement, grognant pour s’encourager, avant de s’élancer au hasard dans le ciel de la ville. La voix de Misto, ferme, s’élève alors dans l’esprit de son interlocuteur.

Guidez Runi jusqu’à la bombe et mettez la sur son dos. Protégez-le du mieux que vous pouvez pour qu’il l’emmène aussi loin que possible. Je ne peux pas vous proposez mieux pour le moment. Et bordel ne restez pas planté là, on risque tous notre peau. On reste en communication.
Bougez-vous. Le temps presse. Et bordel, secoue ton pote, c'est pas l'heure de piquer un somme.