Oops, I did it again

Messire Maël, Travis et Dame Azulie

La brune se relève, tirant sa victime par le col avant que ne lui vienne la sage idée de s’empaler. Elle le jette de côté, sans une attention, sans un regret, et pose l’étreinte glaciale de ses prunelles d’émeraude sur les trois protagonistes. La soldate ne doute pas un instant de ce qu’elle vient de faire. Le blond et ses esprits ont l’air surpris de sa présence, presque autant que les deux autres mages. Elle leur adresse un sourire et une courbette sans qu’aucune chaleur ne s’échappe de ses traits. Elle haït profondément ce qu’elle voit à Harujion, depuis qu’Obaba lui a ordonné d’aller y faire une patrouille. Elle haït encore plus ce qu’elle vient d’observer depuis près d’une dizaine de minutes. L’acharnement de trois mages contre un seul, même si ce seul pouvait devenir un joli petit « plusieurs ». Pis encore, ce qu’elle avait vu dans les yeux de ses jeunots l’avait fait sortir de ses gonds. L’envie irrépressible de tuer. Son sang s’en était glacé. Elle en doute encore pour la blondinette mais elle l’a lu dans les mouvements des deux autres. Sa main armée décrit un arc de cercle et Changeling-poêle se pose sur son épaule. Impossible qu’ils soient mages légaux, s’ils en viennent à cette extrémité.

« Pardonnez mon intrusion inopportune. » La note sarcastique qui franchit les lèvres de Leen fuse comme un poignard. Elle n’en pense pas un traitre mot. Elle pourrait presque soupirer de soulagement, tant le timing hasardeux de son entrée avait failli couter la vie d’un pauvre type. Sans quitter des yeux les deux mages encore debout, elle tend sa main vide au pauvre constellationniste encastré dans le mur pour l’aider à se relever « C’était une attaque plutôt puissante. » Affirme-t-elle haut et clair avec assurance alors qu’elle croise les yeux du brun. « Allez-vous vous-en remettre, Messire ? J’ai bien peur de ne pas pouvoir profiter d’un autre effet de surprise pour vous sortir d’une mauvaise passe, aussi serait-il sans doute plus sage pour vous de vous retirer. »

Dis comme ça, ça a fière allure non ? En réalité, elle n’en mène pas large, depuis son arrivée à Harujion. Elle avait passé le plus clair de son temps à traverser la ville en long en large et en travers pour remplir son travail de garde du corps. Ou plutôt de « Sauveuse de l’humanité de la guilde de Lamia Scale. », si je cite les hurlements d’Obaba-sama avant qu’elle ne la jette dehors comme une malpropre. Décidément. Elle a le chic pour les envoyer au casse-pipe, cette douce et aimante maitresse à la choucroute grisonnante. Aussi dois-je vous dire qu’elle est tombée sur ses quatre-là par le plus grand des hasards. Pas discrets pour deux sous, de se taper joyeusement sur la margoulette, il faut l’avouer. Encore plus quand les lurons sont capables de créer autant de son et lumière qu’un concert des Rolling Stones dans des rues fraichement évacuées. Alors Eileen, en bonne curieuse, elle s’est approchée. Elle ne connait pas beaucoup de non mage compétent dans les flashs lumineux, aussi a-t-elle fait un raccourci dans son raisonnement. Magie. Qui dit magie, dit mage. Qui dit mage, dit illégaux contre légaux. Simple et efficace, n’est-ce pas ? C’est comme ça que la brune a grimpé sur les gravats d’une maison avant de sauter sur le toit de sa voisine et de se faufiler là où la bataille faisait rage. Et la suite, je crois que vous la connaissez. Brrrr, slash, Bang, Clong. Ainsi avait commencé la plus grande boulette de l’histoire de la dame de Lamia Scale.

Fa Long sent le métal onduler sous ses doigts. Sans chercher à lutter, elle donne le petit sursaut d’énergie que Changeling attendait pour se transformer. La poêle, légèrement cuivrée, éclate et le métal se met à danser autour du poing de la combattante. Il se referme sur lui et un claquement sec trouble le silence. La partie amovible vient de tomber sur les phalanges. L’arme magique ronronne à l’oreille de sa maitresse et celle-ci se met en position, sans quitter des yeux l’homme en face d’elle. Un éclair de réflexion traverse ses traits alors qu’elle se met à calculer ses prochains mouvements. D’un côté, de l’électricité, pour le peu que Leen en avait vu. De l’autre, de la lumière. Un seul ne représentait rien qu’une gêne temporaire mais les deux ensembles s’avéraient nettement moins aisé à gérer. Lentement, la soldate se met à décrire un petit cercle autour des deux mages. Elle fait glisser ses pieds dans la poussière, mesurant les possibilités du terrain. Un mince sourire passe sur son visage de porcelaine et elle rajuste la position de la fleur dans ses cheveux. Son regard dérive d’un mage à l’autre, à la recherche d’une ouverture. Toute petite ouverture qu’elle finit par remarquer dans la posture de l’homme. Sans plus de cérémonie, elle s’élance vers lui. Lorsqu’elle arrive à sa hauteur, elle se plie brusquement pour éviter le coup qui devait l’accueillir et son pied fauche les appuis du type. Reprenant sa pose de boxeuse, elle fait deux sauts en arrière et le regarde avec un sourire moqueur. Le plan qui vient de lui traverser l’esprit lui parait brillant.

« Savez-vous danser ? » Eileen sourit en écoutant la réponse et recommence à tourner autour de sa cible, montrant obstinément son dos à la blondinette. Elle fait jouer un instant les muscles de ses épaules, faisant encore une fois claquer la partie amovible de son gantelet. Changeling vibre d’excitation alors qu’il embrasse les pensées de la brune. Soudain, elle se rapproche vivement de son adversaire. Son poing décrit une nouvelle courbe et arrête le coup qui lui était destiné. Elle saisit le membre avec force et fait volteface pour l’envoyer valser vers l’esprit en lui adressant un clin d’œil. « Messire Tigre, il est à vous. »

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Messire Maël, Travis et Dame Azulie

Eileen entend à peine le pas pressé de la fée qui se faufile dans son dos. La surprise et la curiosité la frappe bien plus que le pied qui caresse ses genoux. Changeling ronronne contre son poignet alors qu'elle se cambre comme un roseau. Le spectre d’un sourire passe sur les traits de la soldate. Ils sont prévisibles, ses mages illégaux. Prévisible et surprenant, songe-t-elle alors qu’elle sent la main de la blonde se refermer sur sa chevelure. Est-ce une blague ? Une originalité ? Cette enfant n’a-t-elle jamais appris à se battre ? Les questions tournent sur le visage songeur de Fa Long. Elles naissent dans ses yeux pour finalement s’échapper à travers le mouvement de ses lèvres.

« Est-ce que je fais erreur, si j’affirme que vous n’avez jamais appris à vous battre correctement ? » Un air conciliant passe sur les traits de la soldate. Elle n’aime pas avoir l’avantage. Elle trouve ce genre de chose injuste. « Et maintenant, quelle est la suite de votre plan ? » Leen grave la position de son adversaire dans sa mémoire et ferme les yeux. Elle n’a pas oublié que la blondinette maitrise la lumière. Elle n’ignore pas non plus que dans cette position, elle est soumise au caprice de ses sens. En un mot comme en cent, elle est vulnérable. Lentement, la brune laisse tomber ses mains sur le sol et referme ses doigts sur la poussière. Du temps, voilà ce qu’elle doit gagner. « Si je puis me permettre, avec la puissance de votre groupe, ce serait aisé d’assommer proprement l’homme qui vient de partir. Alors pourquoi essayez-vous de le tuer depuis tout à l’heure ? »

La combattante écoute son adversaire dans un silence presque religieux, malgré les échanges entre l’esprit et le mage de foudre. Elle ne sait pas trop quel crédit lui accorder. L’expérience, l’habitude, la curiosité. Ces trois muses guident Eileen d’une main de fer. Arrivée au milieu d’un combat, elle sait pertinemment qu’elle a pu commettre une erreur et en même temps, elle n’arrive pas à y croire. Elle n’arrive pas à penser que ces bambins au regard de tueur sont peut-être innocents. Une de ses mains se balance un peu. Ce n’est pas possible. Jamais les enfants de Makarov-san n’attenteraient à la vie d’autrui. Sa poigne se raffermit sur la poussière et elle tente de projeter son poing vers le visage de la blonde. Lorsqu’elle sent l’arrêt de son mouvement, elle esquisse un soupir et jette le contenu de son autre main dans les yeux de son adversaire. Retenant sa respiration, Eileen saisit brutalement le poignet qui la retient encore et le tort sans pitié jusqu’à ce qu’elle se sente libre. Aussitôt, elle saute en arrière et rouvre les yeux pour dévisager la jeune femme.

« Votre ami va se réveiller demain avec un sacré mal au crâne. J’aurais pu le tuer, je ne l’ai pas fait. Et vous osez m’appeler mage illégal ? » Lentement la soldate se met en garde. Son regard bout d’une drôle de fièvre lorsqu’il passe sur le tatouage bleuté de l’homme qui affronte l’esprit céleste. « Je ne sais pas qui vous êtes, mais usurper l’identité de mage légaux est un délit. Je vais devoir vous demander de me suivre. » Etendant sa main nue devant son visage, elle fait signe à la jeune fille de s’approcher. « Rendez-vous maintenant et déclinez votre identité sinon je n’aurais pas de scrupule à vous mettre hors combat. »

Autour de son poing, l’artefact vibre. Il est sur le point de changer à nouveau mais il est retenu par sa maîtresse. Elle n’aime pas la confusion qu’elle voit dans les traits de la blonde. Elle n’aime pas non plus cette impression étrange qui la taraude quant aux mots de son coéquipier. Mage illégale ? Elle, la soldate qui voue sa vie à son prochain ? Une blague. Une vaste blague. Pourtant, la situation ne s’y prête pas et Eileen n’en rit pas. Partout où elle regarde, elle ne voit que du chaos et des ruines, obtenu à partir des efforts ininterrompus des civils. Des gens comme elle. La brune comprend alors le déchirement qui se lisait dans les yeux de certains, quand elle les a évacués tantôt. Quand ils reviendraient, ils seront vivants mais ils n’auront plus rien. Les mâchoires du maître d’arme se serrent.

Des mages, sauveurs du monde ? Quelle ironie.