Virgo of Sin

Ton souffle se suspend. Tu te ramasses imperceptiblement sur toi-même, alors que la situation prend un tournant inédit. La nymphe des eaux avance lentement vers vous, ses pas rythmés par les feulements toujours plus puissants d’Azariel. Ta tenue d’ombre ondule comme un drapeau, ne dissimulant même pas tes mains prêtes à invoquer l’arme adaptée à te défendre. Ton cœur bat de plus en plus lentement, contrôlé par ta seule volonté de retenir chacun des aspects de fauves qui passent au fond de tes prunelles d’émeraudes. Lorsque la menace s’arrête enfin, tu sens presque sa respiration sur ton visage. Sa peau luit, attirant ton regard alors que tu cherches un point faible ou planter tes crocs. A côté de toi, le lion n’est plus qu’une boule de nerf qui attend le plus imperceptible signal pour fondre sur l’esprit comme un boulet de canon. Tu inspires profondément et, alors que tu t’apprêtes à attaquer, la voix froide de l’adversaire trouble le silence.

« Nous avons voté. » L’invocateur s’approche doucement de vous, te forçant à te contracter un peu plus pour prévoir une réponse à l’action qui pourrait survenir. Tes yeux cessent de fureter et se fixe dans ceux de la nymphe des eaux. « Je suppose que tous les ennemis deviennent un jour alliés. Ne serait-ce que quelques heures. »

Tu en restes coite, après tout, tu n’en espérais pas tant. Tu doutais même jusqu’à la réussite du plan. Ton regard passe de l’un à l’autre, plissé dans l’espoir fou de déterminer si elle te ment ou non. En sentant Azariel se relâcher, tu comprends. Ta garde s’affaisse et tu te redresses doucement. Le combat est fini. Votre combat est fini. Maintenant, il ne reste plus que lui et les tiens face aux autres. Tu te surprends à sourire avec espièglerie alors qu’elle te parle à nouveau. Tu ouvres la bouche pour répondre mais le raclement souple des pattes d’un nouveau venu te fait tourner la tête. Le chat qui se métamorphose sous tes yeux te tire une moue curieuse.

« Maintenant on bouge. » Tu souris à Damaz alors qu’Azariel l’accueille d’un rugissement amical. Amusée de voir que la situation évolue, tu croises les bras sur ta poitrine, toujours entourée de ténèbres. Il semble en connaitre un rayon sur ton nouveau protégé. Bien plus que tu n’aurais pu le supposer. Un frère connu du Grand Fou, hein ? Intéressant. La valeur de ta prise augmente et tu t’enorgueilli d’avoir réussi.

« Lydia ? Avoir besoin d’aide ? Laisse-moi rire. Cette petite pourrait bien nous balayer tous les deux d’un claquement de doigt si l’envie lui en prenait. Je me demande ce que nous allons croiser, pour qu’Elle réclame assistance. » Tu recules lentement, sans te départir de ton sourire amusé. Tu as de l’estime pour cette femme, une estime que tu dois à Zadig. Dans la guilde, personne n’ignore l’ardeur qui brille dans la volonté de Lydia. C’est cette ardeur-là, que tu admires autant que tu la crains. Le lion sur tes talons rugit bruyamment mais tu n’en as cure. Tout ce que tu regardes toi, c’est le petit renard qui a échoué dans ta toile. « Agares. » Lui dis-tu simplement, un clin d’œil répondant à l’interrogation qui brille dans son regard. « En démonologie, il s’agit du saint patron protecteur des fuyards et provocateur de la débandade ennemie. Je compte sur vous pour faire honneur à votre surnom. Mais n’oublie pas, à midi, le carrosse redeviendra citrouille et la princesse ne sera plus que paysanne. » Tu ne peux pas en dire plus mais tu ne peux pas non plus ne rien dire. Il ne comprend peut être pas où tu souhaites en venir mais tu es persuadée que ses esprits si. Lentement, tu t’éloignes de lui, secouant une main en guise d’au revoir. Le soleil pose une langue avide sur tes brûlures, réveillant la douleur que l’adrénaline avait jusqu’à présent tenu à l’écart. Ta voix perd sa chaleur sans que tu ne le veuille. « Tes esprits un peu fous vont me manquer. Vraiment. J’ai hâte de te revoir, petit homme. »

Pour toi la représentation est finie. Ton regard croise celui de Damaz puis celui d’Azariel. Tu soupires, les yeux mis clos puis tend les mains devant toi, résignée à ce qui ne manquera pas de se produire une fois que tu auras prononcé les trois mots que ton camarade attend. Tu fais un peu la moue, inquiète à l’idée que ton compagnon poilu puisse te suivre avant de renoncer à t’en préoccuper. Il a toujours réussi à te retrouver quand le besoin s’en ressentait, alors pourquoi cela changerait ? Lorsque tu rouvres les yeux, ton regard brille d’une nouvelle étincelle, à la fois lasse et combative. C’est ce curieux mélange qui teinte ta voix, de longues secondes après la fin de ta tirade.

« Allons-y, mon frère. Mais par pitié, fais doucement. Sinon je ne garantie pas mon état à l'arrivée. »