Il s’était matérialisé la scène d’innombrables fois, il s’était imaginé toute sorte de situations incongrues où il l’aurait retrouvé, pourchassé, attrapé et où il lui aurait vomi tout ce qu’il avait à dire. Mais en le voyant là devant lui, il avait failli, totalement démuni. Rien – rien ne s’était abattu sur lui. Par l’ombre d’une émotion fugace, ni même un sentiment bourgeonnant. Ce n’était qu’une triste lucidité implacable qui se lisait dans ses yeux. Damaz était face à lui et toute logique s’était évaporée de son esprit, la vie s’était envolée, il n’était plus qu’un corps transi par le choc acerbe de quelque chose qu’il avait tant attendu et qu’il n’espérait plus.
Et il avait fui, à nouveau. La dernière fois, c’était quand ? En direction du Palais Royal, Damaz qui s’en était allé dans une autre direction après que Chris soit resté à l’entrée du palais. Kôta avait même Drake avec lui, pour le surveiller en quelque sorte, mais jamais il n’aurait pensé que la victime allait être l’Elandez. Ses ailes immenses et rougeoyantes émergèrent de son dos, déchirant encore plus ses vêtements tâchés par les combats et la poussière, et il commença à léviter sur quelques centimètres. Autour de lui se trouvaient toujours les poneys, mais au final, son regard était toujours rivé sur celui qui fuyait éternellement. Ils ne valaient pas mieux l’un que l’autre, mais il ne pouvait s’en rendre compte encore. Sans un regard envers ses amis, ses frères, fussent-ils blessés, agonisants, mourants, il s’éleva toujours davantage puis amorça la course-poursuite dans les airs.
Le froid glacial de la nuit heurtait son visage alors qu’il gagnait en vitesse, et cela lui procurait comme un réveil criant de vérité. Au fond de son ventre, ça grognait, il le sentait et ça commençait à le peser. Il ne savait pas ce qu’il faisait mais il devait le faire, c’était plus fort que lui, incompréhensible mais vital, destructeur mais nécessaire. Sa volonté de savoir lui donna des forces étonnantes et bien rapidement il rattrapa sa cible. Fonçant dessus comme pour le stopper dans sa course, ils vrillèrent tous deux en direction du sol et s’éclatèrent sur la terre sèche d’une plaine désertique. Kôta roula sur plusieurs mètres dans sa chute douloureuse, mais se redressa presque aussi rapidement, toujours sans aucune pensée dans sa tête à part la litanie incessante (savoir savoir savoir) et le vrombissement dans son ventre qui le narguait toujours de plus en plus.
Il était là et c’était tout. Kôta avait trop à dire, trop à savoir, et par conséquent, il ne savait que faire, par où commencer. Il utilisa alors une évidente solution de facilité. Il sauta à nouveau en direction de Damaz pour le frapper en plein visage. Enfin, il commençait à réagir, à se représenter ce qui était en train de se passer. Damaz le traitre la victime l’enflure qui était parti et qui les avait laissé seul et qui avait commencé à faire parler de lui en compagnie de tous ces connards sans donner de nouvelles ni rien comme si comme si comme si
« Qu’est-ce que tu fous là putain ? » fut la seule phrase que le jeune Kôta pu lui lancer. Il n’avait aucune conscience de son corps qui agissait en expiant sa rage naissante sans qu’il ne s’en rende compte. Il ne pourrait dire si son coup de poing était réel, s’il avait touché Damaz, si Damaz lui en avait renvoyé un, s’il l’avait maitrisé ou s’il l’avait même blessé. Il maintenait simplement son regard ancré dans celui de Damaz, toujours pour chercher à savoir.
comme si tout ce que tu avais vécu avec nous n’était rien.
Son état émotionnel qui commençait progressivement à émerger de son mutisme mental allait lui être préjudiciable, il le savait. Il ne pouvait penser rationnellement alors que dans une telle situation c’était son rôle, sa mission d’agir ainsi. Mais tout ça, c’était trop pour lui. Enfin, il retrouvait Damaz, celui qui avait quitté la guilde sans un mot, et il pouvait le questionner pour savoir pourquoi il avait agi ainsi, pour comprendre la raison d’un tel comportement.
Pour comprendre pourquoi il avait agi exactement pareil.
Sujet: Re: HURT • Kôta x Damaz Ven 27 Fév - 15:01
Damaz Elandez
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Titre : Chaton frisé Crédit : Bebebe Feuille de personnage Maîtrise Magique: (23560/35000) Mérite: (855/1600)
Damaz ne broncha pas en recevant le coup de poing et se laissa faire, stoïque. Cette indifférence heurta sensiblement le jeune révolté – il aurait aimé que son adversaire réagisse au quart de tour, qu’il se défende, qu’il repousse Kôta. Mais non, Damaz n’avait pas de volonté de se battre pour ça, il ne paraissait plus concerné par ce qui consumait à petit feu l’esprit du garçon. Paradoxalement, il donna le coup de poing, mais ce fut lui qui fut blessé, qui en ressenti le choc sourd, qui grinça des dents pour ne pas expier par ailleurs sa douleur. Et pendant que ça le brulait de l’intérieur toujours plus fort, le traitre à Blue Pegasus restait stoïque et contemplait d’un œil mort les halètements incessants du déchainé.
Sa réponse le heurta d’autant plus – il avait presque oublié à quel point sa voix pouvait être sentencielle. Chacun de ses mots sert à alimenter la braise qui naissait au fond de lui. Mais que faire de toute cette force inédite qui lui était offerte ? Les hostilités venaient de commencer, mais c’était comme si Kôta avait déjà perdu faute d’avoir les armes nécessaires pour continuer à arguer. Au fond de lui, ce qu’il avait toujours espéré en recherchant Damaz, c’était se retrouver dans cette situation où la triste vérité lui éclaterait à la figure : il n’avait rien pu faire et ne pourrait rien faire, il était faible, inexistant au regard de son ami. Masochiste, il avait suivi sa trace des semaines durant pour enfin assumer cette triste vérité : il était toujours ce petit garçon dépassé par les évènements et qui n’avait pas le courage d’y faire face.
Il commence à se détourner, comme s’il sentait lui aussi que c’était déjà terminé, qu’il avait gagné, et dans sa tentative de fuite, il cracha ses dernières paroles pour briser encore plus le jeune conseiller. Mais celles-ci lui redonnèrent une nouvelle fougue et il fut prêt à répliquer directement. « Ce n’est pas ma guilde ni mes... » amis – ce regard fuyant qu’ils n’osèrent lui adresser, Abigail, Chris et les autres, était toujours bien incrusté sur sa rétine. Il se mordit la lèvre, désolé, et tenta de parler calmement pour empêcher l’autre de s’en aller. « Damaz, attend. »
Retenir son attention, juste quelques secondes. « Ne va pas me faire croire que tu cherchais des bricoles, je n’ai jamais connu quelqu’un comme toi qui était si peu attaché aux choses matérielles. Non, si tu es venu, c’est parce que la guilde... ta vraie guilde, brulait. C’était plus fort que toi, tu ne pouvais pas rester sans rien faire alors qu’ils étaient en danger. Si je peux te rassurer, personne n’est encore mort, et Bob est trop important pour qu’ils... »
Déglutition difficile. « C’est à ce Damaz là que je veux parler. Celui qui se souvient d’où il venait. Je veux qu’il m’explique ce qu’il cherche à rejoindre ce... groupuscule. Je veux qu’il m’explique pourquoi tous les jours je dois mentir à mes coéquipiers en affirmant que je veux te voir derrière les barreaux alors que nous savons tous les deux que ce n’est pas ta place. Je veux comprendre, je veux t’aider. »
Mais des paroles maudites raisonnaient également en écho dans son esprit. La petite sirène a choisit la mort plutôt que le poignard, il semblerait que monsieur Elandez ait fait le choix inverse, un choix qui une fois enclenché ne permet nul retour en arrière. Tu fermes les yeux pour te concentrer à ne plus entendre ces démons.
« Damaz, on peut faire en sorte que les choses aillent mieux, j’en suis persuadé. » Tu parles, tu invoques des utopies, mais tu ne sais pas encore concrètement si tous tes espoirs sont réalisables. Mais là n'est pas l'important. Ce que tu veux, à ce moment, c'est que Damaz reste encore un peu plus à ta portée; tu ne veux plus vivre ces moments où tu ne sais pas si tu le reverras un jour ou l'autre, où tu te réveilles le matin en ayant peur de voir sur la une des journaux l'annonce de son arrestation ou de sa mort. Tu veux être là, avec lui, et c'est tout.
Sujet: Re: HURT • Kôta x Damaz Ven 3 Avr - 13:12
Damaz Elandez
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Les paroles étaient balayées avec une violence éclatante mais déjà vue. La scène était l’exacte identique à celle où ils s’étaient adressés la parole la première fois à Blue Pegasus. Une menace voilée de Kôta, et voilà que le regard félin de Damaz s’éveillait pour qu’il vienne à le renverser, à le défier – le mage avait rigolé, la première fois, après les quelques secondes où il avait maintenu l’autre homme au sol. Mais cette fois, l’attaque était motivée par une violence beaucoup plus sourde, aucune once d’amusement ne pouvait être décelée dans le regard jaunâtre du possédé, et le jeune homme était bien en état de le réaliser – quelques semaines ou mois plus tôt, il aurait supplié les cieux de faire en sorte que Damaz, à nouveau, se mette à rire, à faire passer tout cela pour une blague, à l’aider à se relever pour ensuite continuer leur voyage côte-à-côte. Mais Kôta était désormais affreusement conscient de toute la vacuité de telles lamentations pieuses. Il savait que les choses avaient changé et qu’elles ne seraient pas comme avant.
Sa main se posa sur la gorge serrée du garçon pour l’empêcher de respirer, de répliquer à ses vociférations qui s’enchainaient. Mais même sans cette contrainte physique, Kôta n’aurait pu trouver la force de trouver les mots adéquats à lui répondre tellement l’âme de Damaz était imposante. Dans le vide de la plaine de Drôma, sa voix caverneuse résonnait et dictait sa suprématie. Tout ce qu’il pouvait faire face à ça, c’était d’attendre que Damaz finisse en maintenant son regard dans le sien, à y chercher l’once de remords qu’il ne trouva pas. Et quand celui-là se redressa pour continuer sa fuite, le garçon resta à terre, ne se redressant que légèrement pour l’accompagner du regard. Et comme pour se donner une assurance, une certaine force, il se mit à rire, à railler la scène qui venait de se passer. Il murmura, plus à lui-même qu’à quiconque : « Mais je te proposais juste mon aide, je n’ai jamais voulu t’empêcher de faire ce que tu voulais faire. » Dans son entière contradiction, Kôta se redressa alors et se détourna, n’osant plus poser son regard sur l’autre silhouette. Faire dos à Damaz et face à Blue Pegasus dont on pouvait discerner la fumée opaque s’élever dans le ciel à l’horizon. Face à l’ostentatoire Damaz qui affichait délibérément son triskel dans sa nuque, Kôta affichait à son tour sa nuque vierge pour s’aligner sur le comportement de l’autre mage et former un cortège d’imposteurs. Mais continuer de parler malgré tout : « Ils sont après toi, peut-être plus que tu ne le penses. Ils me surveillent, moi aussi, ils ont des doutes sur ma franchise. Je n’ai jamais su mentir de toute façon. Ne tente rien d’irréalisable. »
Mais s’il n’osait se retourner, c’était bien pour une seule et unique raison. Flambant de volonté face à ses supérieurs, il affirmait pouvoir trouver la force dans les mots, la force d’aligner des phrases percutantes pour réussir à dissuader les criminels, à les faire revenir sur le bon chemin. Mais Damaz, lui, il s’était promis de ne pas utiliser les mots : il avait pressenti, et il sentait à bon escient dorénavant, qu’ils étaient inutiles. Damaz est un animal, il n’agit que par pulsion, par instinct pur. La langue n’était pas l’arme à employer face à lui, pour le stopper il fallait gouter à la mécanique des corps, à l’explosion de l’aura. C’était un dialogue d’âme, d’émotions, d’énergie qu’il fallait instaurer. Trop conscient de tout ceci en théorie, face à la cible du Conseil il n’avait pourtant aucune force de procéder à de telles mises en œuvre. Il avait promis spontanément à la Vandervlad qu’il utiliserait sa magie face à Damaz pour l’empêcher de fuir, de parler, de raisonner, et le maintenir ainsi jusqu’à ce qu’il reprenne enfin conscience de qui il était, qu’il reprenne raison. Mais face à l’animal il ne lui restait plus que le constat de l’échec de ses utopies : il n’avait pas la volonté d’agir de la sorte.
Son corps explosant quelques minutes plus tôt était soudainement redevenu froid, à l’image du paysage nocturne évasif. L’appréhension de la rencontre, la furtivité de ses impulsions, tout cela était passé désormais : ne restait que le constat triste de sa désillusion. Il se rendait compte avec effroi qu’il avait littéralement vécu, ces derniers mois, dans l’espoir de cette fichue rencontre : s’il avait quitté Blue Pegasus c’était par l’angoisse de son absence, s’il avait rejoint le Conseil c’était par désir de retrouver sa trace. S’il était revenu guetter les locaux de Blue Pegasus, c’était pour entretenir le rêve qu’il finirait par y revenir. Mais au final, que lui restait-il désormais ? Toute sa récente vie, il n’avait fait que poursuivre un seul et unique but en faisant fi du reste. Dorénavant, il se rendait compte que ce but n’était qu’éphémère, et qu’à peine frôlé, effleuré, envisagé, il s’était envolé et avait disparu du champ des possibles. Si Kôta ressentait bien quelque chose à l’instant présent, c’était la légèreté de son esprit, qui désormais s’était séparé de l’ambition qui s’y était ancrée mais qui venait d’être brutalement déracinée. Que lui restait-il, désormais, en réalité ? Rien. Il est temps de grandir, Kôta – à quoi bon ? Quel est l’intérêt de grandir si le futur n’est pas envisageable, et si le passé vient de s’effondrer d’un seul souffle de violence ? Ca fait mal, de se faire remettre en place. De réaliser que même un fugitif est capable de démasquer l’ennui profond qui émane de tes propos, de tes espérances.
Kôta redressa sa tête, arborant son expression dénuée d’émotions, le visage toujours tellement choqué qu’il n’en arrivait plus à retransmettre la moindre émotion. Il aurait voulu pleurer qu’il n’aurait pu faire ciller ses yeux figés dans une morbide passivité. Face à lui, la fumée noire s’élevait toujours haut dans le ciel – Blue Pegasus en ruine. Etait-ce ça, sa raison, ce qui lui permettrait de vivre, ce qui s’imposerait dans son esprit pour qu’il ait suffisamment la force de s’attacher au sol sans pouvoir disparaitre du fait de la plénitude de son inaction ? Etait-ce vraiment à cause de (grâce à Damaz qu’il était parti ? Après tout, il se cherchait toujours des prétextes pour se faire pardonner – s’il était parti de Blue Pegasus, c’était parce qu’il n’y avait plus rien à faire. Rien de plus simple. Et ça lui faisait mal.
« On est quand même revenu sur place, hein ? Peut-être que c’est ça qui compte, au final, et pas le reste. » Il ne savait toujours pas s’il parlait dans le vide ou non, et il ne s’en souciait pas. Ses ailes déchirèrent la peau de son dos pour reparaitre dans la nuit, et il s’envola, quittant la région sans plus jamais se détourner.
Sujet: Re: HURT • Kôta x Damaz Ven 10 Avr - 14:41
Damaz Elandez
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Titre : Chaton frisé Crédit : Bebebe Feuille de personnage Maîtrise Magique: (23560/35000) Mérite: (855/1600)