Elle vivait ces quelques instants sans vraiment les vivre. Sensations uniques. Elle avait l’impression d’être quelqu’un et pourtant elle n’avait aucun contrôle sur elle-même. Elle voyait la scène comme si ses yeux étaient ceux du personnage principal de la scène morbide en cours. Pourtant, elle semblait n’être pas à sa place. Parce que ce personnage dans lequel elle se trouvait, déjà il était plus grand qu’elle, et elle se montrait intraitable avec ceux qui lui faisaient face. S’en était même traumatisant…

Elle les frappait, les torturait, pourtant elle ne souhaitait qu’une chose, c’était s’arrêter. Mais elle pouvait rassembler toute sa volonté, rien ne changeait. Elle poursuivait son interrogatoire sans broncher. Vu de la manière dont elle s’y prenait, elle constatait qu’elle y prenait même du plaisir… Pourtant ce n’était pas le cas, ce n’était pas de sa faute, c’était à cause de son enveloppe charnelle ! Celle dont elle n’avait aucun contrôle… A quoi bon être dans son corps si on ne peut rien imposer ?

Le pauvre homme qui lui servait de victime était dans un piteux état. Ses cheveux bruns n’étaient pas assez longs pour masquer les bleus éparpillés sur son visage, mais ils l’étaient suffisamment pour être en désordre et montrer à quel point il se faisait maltraiter. Oui, parce qu’elle aimait beaucoup lui empoigner sa tignasse pour envoyer sa tête percuter la table qui les séparait. Le pire c’est qu’il ne pouvait même pas hurler puisque sa bouche était bandée. Attacher à la chaise sur laquelle il était assis, il ne pouvait pas non plus se débattre. Il était pris au piège.

De temps en temps, elle bougeait son bandeau pour qu’il puisse révéler quoi que sa tortionnaire lui demande. Finalement, il craqua, les larmes aux yeux. On ne pouvait qu’être pris de pitié pour lui. Mais elle non, elle le félicita de sa voix doucereuse, passant dans son dos… avant de lui briser la nuque d’un coup avec ses deux mains…

Alors que Kathleen repris conscience avec une forte envie de vomir, elle entraperçu dans sa vision une porte qui s’ouvre en toute hâte et une tête féminine en sortir comme pour prendre des nouvelles. Elle n’avait pas eu le temps de bien la voir mais c’était facile de discerner ses traits d’une grande beauté et d’une blancheur… surnaturelle.

Après avoir vomi dans le seau à coté de son lit, elle reprit peu à peu ses esprits… Elle se trouvait sous une tente, il faisait très chaud, pourtant ce n’était pas à cause de cela qu’elle transpirait. Elle était habituée à la chaleur. Après tout, elle habitait dans une zone désertique… Non, c’était à cause de ce rêve horrible qu’elle s’était mise dans cet état. Elle en faisait souvent des cauchemars comme ceux là, c’est pour cette raison que son seau était toujours à portée de main quand elle dormait. Presque toutes les nuits, elle entrait dans le corps de cette grande femme aux longs cheveux blonds et aux formes généreuses, cette sadique sans foi ni loi.

Elle se sentait toujours mal après. Ce n’était pas étonnant pour une gamine de 12 ans vous me direz. Pourtant, elle ne détestait pas complètement ça. Au contraire, après la sensation désagréable d’avoir l’impression d’être une horrible personne au fond de soi, elle se sentait comme apaisée. Comme si ce qu’elle venait de faire dans son rêve l’avait aidé à se défouler à évacuer quelque chose qu’elle n’expliquait pas mais en tout cas le résultat étant qu’elle était toute revigorée. Comme si, au final, c’était une bonne chose qu’elle eut fait ce cauchemar !

Mais elle n’eut pas le loisir de poursuivre le cours de ses pensées parce qu’un brouhaha plus fort que d’habitude se fit entendre à l’extérieur. Sortant de sa tente, elle vit que ses camarades les hommes des sables étaient perturbés, effrayés même. Eux qui dépouillaient des caravanes de marchands en se montrant sans pitié, ils avaient peur ?

Alors elle aperçut la raison de tout cet attroupement. Elle comprit instantanément qu’il s’agissait de la femme qu’elle avait vue dans son rêve, à la toute fin… Comment était-ce possible ? Quoi qu’il en soit, elle pourrait peut être l’éclairer sur ses visions ! Et en plus, elle lui dévoilerait l’identité de cette femme dont elle prenait l’apparence lors de ses délires oniriques…

“ Bonjour Madame Poupée de Glace. C'est moi que tu cherches ? Comment tu savais qu'il y avait une fille ici ? Je ne te connais pas... Je suis une gentille fille moi, je ne traîne pas avec de méchantes dames comme toi ! Arrête de maltraiter mes amis ! ”

Impressionnante… Cette femme avait littéralement gelé tout le village en un instant, avant que tout ne fonde dans un soupir. C’était une mage ! Evidemment, quelle question ! Elle l’avait senti tout de suite. Une telle présence, une telle beauté, il ne pouvait s’agir que d’un être exceptionnel. Elle se surprit à l’envier, à l’admirer, à la jalouser. Même à avoir envie de la tuer... en lui brisant la nuque avec sa mâchoire… Comme si elle allait réussir à aspirer tous ses atouts pour les faire sien…

Elle ne comprenait pas d’où lui venait cette idée elle sentait que ça venait du plus profond d’elle… Comme un souvenir oublié, comme un instinct effacé. Se pouvait-il que la seule présence de cette Poupée de Glace l’aide à comprendre les mystères de ses rêves et de ses sensations inexpliqués ? Etait-ce là la clé qui ouvrait les portes de son passé ? Elle ne tarderait pas à le découvrir.

Voir la magie glaciale en action l’avait calmé. Même si il n’aimait pas que cette intruse maltraite ses compagnons, elle était tout de même intimidée… Et visiblement, elle ne leur voulait pas vraiment de mal, sinon, il aurait déjà été fait. Apparemment, c’est elle qu’elle cherchait, et maintenant qu’elle l’avait trouvé, elle souhaitait juste discuter en privé… Une faveur facile à accepter. Il valait mieux ça que l’éradication totale et immédiate de son foyer ! Elle l’amena alors sous sa tente. L’endroit était assez grand pour Kathleen mais pas forcément pour la dame blanche. Alors elle l’invita à s’assoir, son attitude mêlait de la prudence à de l’admiration. Cette femme, qui qu’elle soit, prenait grand soin de sa démarche, de son apparence, cela se voyait. Une vraie poupée de porcelaine.

“ Alors, de quoi vous vouliez me parler ? On dirait que vous connaissez ! En plus, vous saviez que j’étais ici ! Alors que personne ne peut le savoir à part les hommes des sables… ”