| Sujet: if you think that you're alive Lun 12 Jan - 10:35 | |
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Jiro Yu
| then you're better off dead Jiro mangeait calmement, assis au bout d’une table en bois dans une petite cabane abandonnée au pied du Mont Yakobe où il logeait. Face à lui se trouvait Candice, ou plutôt son sosie qu’il avait créé à partir d’une marionnette. « La mort te va bien. C’est infiniment reposant de ne plus entendre ta voix criarde. » Il vida son verre d’eau et le reposa lentement devant lui, contemplant toujours la marionnette, grandeur réelle, inexpressive. On aurait clairement dit avoir affaire à l’ancienne criminelle, mais ceux qui la connaissaient auraient senti que ce n’était qu’une pâle copie : aucune expression de hargne ne se lisait sur son visage. Le visage de la femme était simplement taciturne, stoïque, ailleurs. « Il va falloir s’en aller, Candice, cela fait trop longtemps que nous sommes cachés ici. Que dirais-tu de redescendre là où il fait moins froid ? Croiser quelques gens dans la rue, cela fait longtemps que nous n’avons pas pris un bain de foule. Quitte à retomber sur nos bons vieux amis. Je m’entraine, tu sais, à devenir plus fort que ton maître. Black Jack. J’ai tellement envie de savoir ce qu’il cache au fond de lui. Son histoire, son passé. Qu’est-ce qui l’a fait devenir comme ça ? Ce pauvre vieillard. De quelle couleur est son sang, d’après toi ? » La marionnette resta inexpressive, et Jiro lui renvoya un sourire de gratitude. Ils se levèrent tous les deux et quittèrent la maison ; ils y mirent le feu pour supprimer toute trace de leur passage et disparurent dans le blizzard de l’hiver.
Durant leur voyage, ils entendirent des cris d’enfants non-loin d’eux. Jiro, intrigué, envoya sa marionnette Candice voir de quoi il s’agissait, lui restant à l’écart. Il s’agissait de deux Balkans, des monstres sans cervelles, qui étaient passablement excités par la présence d’un couple marié et de leur jeune enfant qui pleurait bruyamment. Les Balkans tournaient autour de leurs trois cibles en riant et en hurlant de plaisir à l’idée de s’amuser avec les trois humains apeurés. Dans un élan de bonté, Jiro se décida de leur sauver la mise, et ordonna à Candice de s’avancer davantage pour attirer les bêtes.
« Par ici mes chéris, je m’offre à vous entièrement, tout le monde aura sa chance ! » leur cria Candice. Les trois humains se calmèrent, sceptiques, de même que les deux bêtes qui, intrigués, se mirent à bondir en direction de Candice pour l’encercler et recommencer leur ronde endiablée. L’un d’eux leva la patte pour toucher le corps de Candice. Ce fut le moment.
« Permutation. »
Les corps de Candice et de Jiro furent échangés instantanément. Jiro se retrouva alors au milieu des deux Balkans. Ils n’eurent pas le temps de réaliser ce qu’il venait de se passer car Jiro venait déjà de leur envoyer à chacun une salve d’aiguilles dans des endroits propices à leur mort. Les deux bêtes s’écroulèrent au sol, et finalement les trois humains plus loin se mirent à applaudir et à courir en direction de Jiro pour le féliciter. Candice se rapprocha également, recevant elle aussi des félicitations – aucun ne semblait remarquer qu’elle n’était pas réellement humaine. « Faites attention dans ces lieux, les bêtes de ce gens sont nombreuses et aggressives. » Alors qu’ils s’apprétaient à quitter la petite famille, l’enfant, qui était resté en retrait, impressionné, murmura alors à son père qu’il connaissait leurs deux sauveurs : c’étaient les gens qui avaient leur photo sur les affiches devant chez eux.
L’ambiance s’alourdit directement. La femme et l’homme devinrent blêmes en réalisant qu’effectivement ils reconnaissaient deux criminels. Plus personne ne parla pendant longtemps, aucun n’osait bouger. Jiro, plein de nonchalance, finit par rompre le silence. « Alors je vais devoir vous tuer. »
Ils quittèrent finalement la zone du Mont Yakobe et approchaient de Shirotsume. La ville où tout a commencé. Il révoqua Candice pour être plus discret, seul, et attendit la tombée de la nuit pour pénétrer dans la ville.
De l’autre côté de la montagne, la petite famille rentra finalement chez elle et le père de famille verrouilla la porte derrière eux, toujours tremblant. Dans chacune de leur tête résonnait encore les paroles proférées par leur sauveur : « Alors je vais devoir vous tuer... Blague. Vous restez en vie du moment que vous restez silencieux. Si j’apprends qu’on nous a aperçu au Mont Yakobe, je saurais qui nous a signalé, et je reviendrais vous voir. » Candice s’était accroupie à hauteur de l’enfant effrayé et lui avait embrassé le front. « Il faut juste rester silencieux. Ce n’est pas compliqué, n’est-ce pas ? »
Ils n’en reparlèrent jamais. |
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