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Sucré salé
 MessageSujet: Sucré salé   Sucré salé EmptyMer 7 Jan - 21:17

Anonymous
Invité


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Sucré salé
Phaedra Caeriellys

La sensation désagréable de la foule. Ces gens qui courent, ces gens stressés, ces gens qui ne prennent pas le temps de s’arrêter, de respirer et de profiter du magnifique spectacle que la vie nous offre. La vie peut parfois être cruelle, injuste et dégoûtante, mais c’est justement en prenant le temps de s’arrêter qu’on réalise à qu’elle point elle est resplendissante. C’est l’humanité elle-même qui nous a jetées dans le désarroi. C’est cette humanité qui nous a plongés dans un univers chaotique, un univers de doute. Peut-on faire confiance ? C’est une question qui perturbe l’esprit, qui reste en suspens parce qu’aucune réponse ne vient illuminer cette obscurité.

Elle referma délicatement son journal intime, celui qu’elle chérissait tant, son unique ami. Elle le déposa comme à son habitude dans son petit sac à main de couleur bleu. Un bleu ciel pur et tendre à l’instar de sa longue chevelure qui était d’une certaine manière, en contradiction avec sa personnalité puisqu’on la remarquait facilement. Elle ne se fondait pas dans le décor aussi facilement qu’elle le souhaitait. Mais son regard en disant long. Il était distant et froid. Personne ne s’approchait d’elle, mais c’est ce qu’elle désirait, du moins, c’est ce qu’elle croyait être le mieux pour elle. Son livre était là pour venir combler cette solitude. On pourrait qualifier cette relation de narcissique, puisqu’il s’agit d’une relation entre Pheadra et son for intérieur, mais c’était plus puissant que cela. Pour elle, c’était un moyen de s’exprimer, de découvrir qui elle était vraiment, mais également de se faire sa propre idée sur le monde qui l’entourait. Personne ne pouvait décider pour elle, personne ne pouvait lui dicter quoi faire et quoi ne pas faire, personne ne pouvait lui imposer une vision particulière du bien morale. C’était à elle de le découvrir de ses propres yeux et de se forger une idée sur la chose.

Le vent se déchaînait tranquillement, faisant virevolter la chevelure de Pheadra dans tous les sens. Cette sensation de liberté était si jouissante, elle se sentait maîtresse de sa destinée, avançant dans les rues telle une reine. Voyager était probablement le meilleur moyen qui soit pour se forger une idée du monde. Ce n’est qu’en voyant de ses yeux les différentes cultures, les différents modes de pensées qu’on arrive à ouvrir son esprit, à faire preuve d’indulgence, mais également à comprendre les autres. La route fut longue, elle découvrit de nouvelles choses, mais il lui en restait tant à apprendre. Son pied élégant, mais discret atterrit dans la célèbre ville de Crocus. Probablement l’une des plus grandes villes de Magnolia, si ce n’est la plus grande. Ses yeux observaient et scrutaient à la perfection les habitants tout comme les lieux. Elle n’avançait pas rapidement, elle ne vivait pas au même rythme que les habitants. Il lui fallait un endroit tranquille pour s’asseoir et écrire, parce que oui, elle ressentait ce besoin à cet instant précis. Elle déposa son postérieur sur un étendu de verdure, sous un arbre. Les enfants jouaient tandis que les parents parlaient entre eux, chérissant ce moment de répit où ils pouvaient se délaisser, d’une certaine façon, de leur rôle de parent. Elle sortit son livre et son crayon, s’apprêtant à écrire à son journal intime. Une voix masculine vint briser ce moment. Une voix forte et puissante qui criait. Le son semblait se diriger vers sa direction, mais ce n’était pas possible, elle ne connaissait personne, seulement son livre. Elle tourna légèrement sa tête à droite et à gauche afin de savoir vers qui l’homme se dirigeait. Une masse imposante se déposa au côté de la jeune femme. L’homme essoufflé d’avoir crié et marché en même temps lâcha un léger soupir. Phaedra commença à tranquillement, anxieuse et nerveuse, elle ne savait pas quoi faire. Son espace vital venait d’être brisé sans aucune gêne par le monsieur en question.

« Oui, toi !!! Tu ne m’entendais pas crier ? J’ai besoin de ton aide. Écoute, mon fils est à l’hôpital, il s’est blessé, mais ce petit morveux travail pour moi, mais là, il est plus là. J’ai personne pour m’aider. J’ai vraiment besoin de ton aide, je vais te payer. Merci à toi. »

Il ne lui laissa même pas le temps de répondre qu’il l’entraîna contre sa volonté dans son magasin de sucrerie. Cette chaleur humaine, ce contact, elle n’avait rien ressentit de la sorte depuis un long moment déjà. Elle ne pouvait pas qualifier cet acte de désagréable tout comme elle ne pouvait pas le qualifier d’agréable. Elle était perplexe et sans mot. Elle se laissa entraîner dans ce magasin. L’intérieur était parfaitement décoré, de belles couleurs, des sucettes accrochées au plafond, des ballons un peu partout. C’était joyeux, c’était chaleureux et invitant. Tout le contraire de la jeune demoiselle. L’endroit était plein et le patron semblait désespéré. Personne pour l’aider en cette journée achalandée, Phaedra représentait pour lui, une lumière d’espoir. Pouvait-elle réellement le laisser tomber ? Oui, elle était distante, oui, elle préférait être seule, oui, elle n’aimait pas les humains parce que oui, elle avait peur d’eux. Même derrière cette apparence inoffensive, la plus grosse des brutes pouvaient se cacher. Pouvait-elle réellement lui accorder sa confiance, ne serait-ce que l’instant d’une journée ? Non, bien sûr que non, mais elle ne savait pas pourquoi, il agissait comme un aimant et Phaedra n’était qu’un vulgaire morceau de métal. Quelque chose émanait de cet homme. La joie, le bonheur…Elle arrivait à le percevoir, elle arrivait à l’analyser. Elle lâcha un long soupire, tout en restant muette. Elle avança son bras pour venir prendre le tablier que l’homme lui tendait. Elle l’enfila minutieusement et se dirigea dans la cuisine. Il s’empressa de lui montrer comment réaliser ses fameuses sucettes à la perfection. Rien de très compliqué, rien de surhumain qu’elle ne pouvait faire, elle, Phaedra.

Douce et tendre. Peureuse et craintive. Solitaire.

On s’aliène au travail, on devient des robots. On répète sans cesse les mêmes actions afin d’obtenir le même produit. Le travail vient tuer la créativité. Dans quoi s’était-elle embarquée ? Le temps passait si lentement. Une seconde paraissait pour une éternité à l’intérieur de ces murs. Elle n’avait pas l’habitude, depuis sa nouvelle vie de voyageuse, de passer de longue période enfermée. Elle ne le supportait pas et le vivait très mal. Phaedra n’avait pas eu le courage de refuser, d’une part, parce qu’elle ne voulait pas entamer une conversation avec l’homme puisque ce dernier lui aurait probablement demandé pourquoi. Refusé semblait l’option facile. Elle devait rester là qu’une seule journée. Elle fabriqua des centaines et des centaines de sucettes. Maladroite comme elle était, plusieurs s’étaient brisées, ne goûtaient absolument rien ou avaient une forme étrange. Ce n’était probablement pas la meilleure personne pour venir combler ce post manuel, mais elle était quand même d’une grande aide pour le marchand.

Le soleil s’était couché depuis quelques heures maintenant. Le magasin s’apprêtait à fermer et Phaedra, accompagné de son journal intime s’apprêtait elle aussi à quitter cet endroit, mais le marchand l’interrompit, déposant à nouveau sa main sur l’épaule de la jeune demoiselle. C’était quelque chose de naturel pour eux ? Ce contact humain, elle n’en n’avait pas l’habitude, tellement qu’elle ne savait pas comment réagir. C’était si malaisant pour elle, mais si doux. Elle n’a jamais été proche de ses semblables, elle n’a jamais voulu se faire étiqueter comme une humaine, non pas qu’elle est physiquement différente, mais bien qu’elle n’éprouve aucune affinité envers eux. La solitude représentait sa seule alliée.

« Mon fils ne rentrera pas demain non plus, j’aurai encore besoin de ton aide. En plus, il faut absolument créer une nouvelle sorte de sucette pour les clients, les miennes commencent à être ringardes. J’ai vraiment besoin de ton aide, est-ce que tu pourrais rester une dernière journée, une dernière seulement. »

Elle ferma ses doux yeux bleus, elle lâcha un long soupire, se cambra légèrement. Elle tourna sa tête, lançant un faux sourire. C’était pour elle un signe d’approbation. Elle ne voulait pas lui parler, elle n’en n’avait pas l’envie, mais ce sourire représentant en quelque sorte, la réponse de la femme. Elle se laissa guider de nouveau dans une petite pièce avec un lit. C’était un endroit fermé, poussiéreux, personne n’était venu ici depuis un bon moment déjà.

Ça fait si longtemps que je n’ai pas eu l’occasion d’écrire, des heures ! J’ai enfin un petit moment pour livrer le fond de ma pensée avec toi, mon ami. J’étais heureuse d’arriver dans cette nouvelle ville, je n’avais jamais vu Crocus de mes yeux auparavant. Jamais je n’aurai pensé une seule seconde que ma route serait barrée par ce vieil homme. Il semblait si désespéré, perdu et déboussolé. J’avais l’impression d’être pour lui, une lumière…Oui, une lumière à ses problèmes. Je ne pouvais pas refuser, je n’avais pas le courage de le faire. Il était si chaleureux. Toi seul sais à quel point je n’ai jamais aimé rester enfermé dans une pièce, à quel point je n’ai jamais aimé travailler le travail manuel, mais voilà que je suis là, dans ce petit magasin, à travailler pour faire plaisir à un homme. Il veut même que j’invente une nouvelle recette, j’ai pensé à celle de mère. Tu te souviens ? Pomme verte et bacon, ce parfait mélange de sucré et de salé…

Le lendemain matin, la routine recommença. Elle avait passé une bonne partie de sa journée à fabriquer des sucettes pour venir en aide à l’homme. La demande était forte, elle devait être rapide et efficace à la fois. Elle était restée comme à son habitude, silencieuse comme une carpe. Avec personne, elle n’avait parlé durant ces jours, personne, mais ça ne lui dérangeait pas, elle vivait très bien comme ça. Elle se rendit dans le garde mangé et prit les ingrédients dont elle avait avoir de besoin pour confectionner la fameuse recette de sa mère. Jamais elle ne l’avait fait auparavant, elle ne l’avait observé que de ses yeux. La mémoire est une faculté qui s’oublie vite, elle allait devoir de souvenir de ce que sa mère faisait si elle voulait recréer la chose. Elle ferma ses yeux tranquillement, cherchant dans ses souvenirs. Elle se rappelait de sa mère qui était derrière le comptoir de la cuisine, tandis que Phaedra ne faisait que la regarder tout en écrivant dans son journal intime. Sa mère lui avait tout le temps dit d’écrire dans son journal les recettes qu’elle faisait, mais elle ne l’avait jamais écouté. Elle n’en voyait pas l’utilité, pourtant, elle lui disant sans cesse qu’un jour, elle aurait besoin, quand elle serait grande et autonome, quand elle n’aurait pas le choix de se cuisiner quelque chose pour assurer sa survie. Elle aurait dû écouter les conseils de sa mère et écrire les recettes, mais il est désormais trop tard pour revenir en arrière maintenant. Elle s’inspira de la recette de base pour créer une sucette et ajouta à sa manière, des tranches de pommes vertes finement coupées ainsi que des petits bouts de bacons grillés. Elle mélange le tout, ajouta un colorant alimentaire vert et forma les sucettes. Elle incrusta également quelques bouts de bacons dans la sucette. Une fois prête, elle se dirigea vers le patron, présentant devant lui un cabaret avec plusieurs de ses créations. Il semblait un peu perplexe, la couleur verte ainsi que les morceaux de bacons ne lui inspiraient pas confiance, mais il tenta toute de même l’expérience, probablement pour faire plaisir à la jeune femme qui avait travaillé fort pour la réalisation de ces dernières. Il licha, croqua, ferme les yeux l’espace de quelques secondes. Un léger sourire se dessina sur son visage d’homme âgé.

« C’est ingénieux ! Ce mélange de sucré et de salé est sublime. C’est quelque chose d’innovateur, de complètement nouveau. Les gens vont adorer, j’en suis certain. Je ne sais pas comment te remercier pour ta précieuse aide. Les sucettes seront à volonté pour toi et tes amis quand tu passeras ici. Merci beaucoup. »

Elle salua l’homme et quitta finalement cette petite boutique. Elle retrouvait enfin la liberté qu’elle chérissait tant. Ce doux vent chaud caressait sa belle et longue chevelure. Elle se sentait étrange, mais ce sentiment était agréable à la fois. Phaedra avait l’impression d’avoir accompli quelque chose, d’avoir fait du bien à quelqu’un. Elle n’avait pas passé un aussi long moment accompagné de quelqu’un depuis un bon moment déjà, elle ne serait d’ailleurs, pas prête à retenter l’expérience de nouveau, mais elle était tout de même heureuse, heureuse d’avoir été en mesure d’aider une personne en détresse. Ce n’était pas de son habitude, elle n’aurait jamais fait les premiers pas pour aider le vieil homme, tout était parti de lui et de sa confiance en elle. Il avait livré son magasin sur un plateau d’or à la jeune femme, elle aurait pu en faire tout ce qu’elle désirait si elle était mal intentionnée. Il avait confiance en elle, confiance en les humains. Pourquoi elle ne pouvait pas le faire elle aussi ? Pourquoi elle devait sans cesse vivre dans le doute, dans la peur et dans la crainte ? Pourquoi est-ce qu’elle ne pouvait pas coller dans le décor, ressembler aux autres et passer des moments agréables avec les gens ? Son journal, voilà la seule personne avec qui elle passait du temps.

© Fiche de Hollow Bastion sur Bazzart


   
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