Elena Vandervald m'a envoyé sur une autre piste dont jamais je me serais douté. En fait, ce n'est pas la piste comme telle qui me surprend, mais c'est son geste, son idée de pousser ma recherche un peu plus loin et ainsi, me donner espoir pour quelques instants supplémentaires. Je m'éloigne de la tour du Conseil et me rend aux services d'adoption, enfin un établissement qui ressemble à ça. Je pousse la porte et rafle de me frapper la tête contre un truc qui pend du plafond et qui résonne comme une cloche lorsque la porte s'ouvre. Une femme vient vers moi. Les mains une dans l'autre, le sourire aux lèvres et l'expression plastique, je me demande si c'est juste une surface ou le fond de cet endroit. J'étire le cou et vois des enfants jouer avec des blocs en bois, des figurines ou des crayons de couleur. Tout me paraît normal.
«
Bonjour monsieur! Que puis-je faire pour vous? »
Au même moment au loin, je vois un adolescent claquer la porte derrière lui et briser l'harmonie du jeu des plus jeunes. Certains se mettent à pleurer, d'autres sont simplement surpris. L'adolescent couvert de noir de la tête aux pieds marche d'un pas décidé dans ma direction et s'arrête net en voyant que je ne bouge pas du seuil de la porte. Il s'impatiente, grogne et gueule:
«
Tu attends quoi pour te pousser de-là, gros lard? »
«
... pardon? »
«
Oh! Excusez-le monsieur il vient de passer une dure journée! »
«
Et parce qu'un mal élevé dans son genre passe une mauvaise journée il doit gueuler sur les autres? »
«
TU VAS TE POUSSER OUI?! »
J'en peux plus. J'éclate. Tant pis si ça m'amène en tôle pour deux jours, mais là ce con-là mérite une bonne leçon. Je l'empoigne par le collet et le soulève jusqu'à ce qu'il atteigne ma hauteur et le regarde de mon regard le plus menaçant qui soit. Mais ça lui fait rien. Dans sa tête, c'est lui la loi... jusqu'à ce qu'il se fasse écraser... comme ce mage abruti qui s'appelle lui-même la "Mort Noire".
«
T'es sérieux là? Tu fais exprès pour que je m'énerve p'tit con, hein? C'est ça? C'est ça que tu veux que je m'énerves? Je pourrais te broyer un bras d'une seule main si c'est ça que tu veux tant! Je pourrais te faire avaler tes dents aussi ou simplement t'éclater les côtes en t'écrasant contre le mur juste-là... Alors tu vas te tenir tranquille minus? Parce que si c'est pas la nature qui se charge d'une merde comme toi, ce sera moi... »
Là, il a compris. Là, il ravale sa salive et se tient tranquille. Je le vois ce changement d'air. Je m'éloigne de la porte et prends la peine de lui ouvrir et la refermer derrière lui pour plus voir sa face d'emmerdeur de première. La femme est outrée que j'aie prononcé de telles menaces. Elle me menace elle-même d'appeler le Conseil. Je lui dis que c'est lui-même qui m'envoie pour retrouver mon fils et ce qu'elle me répond me choque:
«
Je n'oserais croire qu'un barbare comme vous pouvait se reproduire... »
J'ai envie de la soulever dans les airs elle aussi et de lui proférer des menaces, sauf que je me retiens. Je lui donne le nom de mon fils et lui demande de vérifier dans ses dossiers. Elle revient en me disant qu'il n'y a aucun garçon qui possède une telle description ou un tel nom. Je quitte l'endroit en soupirant. Plus qu'une porte à franchir et.. ce sera terminé.
Je reprends ma marche dans les rues d'Era. Je me souviens par coeur du chemin à prendre, je me souviens du bâtiment et du numéro de porte et ça me surprend. Après six ans et je n'y ai mis les pieds qu'une seule fois pour la menacer de mort... Dire que c'est elle qui m'a sauvé de justesse. On dit que dernièrement, elle a été promue dans les hauts-rangs du Conseil... tant mieux pour elle. Je frappe à la porte. Quelques secondes passent avant que j'entende des pieds piétiner l'entrée d'une certaine hâte. La porte s'ouvre sur la jeune femme... qui est devenue une femme à part entière. Elle n'a plus du tout l'allure rebelle de jeune fille que j'avais vu il y a six ans. Elle est jolie, mais peut-être un peu trop wild pour moi. La haut-gradée du Conseil est enroulée dans un drap blanc et me regarde comme si j'étais un étranger. C'est vrai, elle ne voit pas ma vraie personne... mais devrais-je lui montrer?
«
Oui? C'est pour quoi? »
«
C'est pour... hm... je peux entrer? J'aimerais vous parler... »
Elle hésite un instant, fronce les sourcils, mais me laisse entrer. Elle course dans son appartement vers une autre pièce en me disant qu'elle s'habille rapidement. Je tire une chaise de sous la table et prends place. Je pense à la façon dont je dois lui annoncer et si je dois lui montrer... Le visage entre mes mains, je tire ma peau vers le bas en poussant un soupire. Sybilia Philips, t'es ma dernière chance, t'es ma dernière piste. Elle sort de sa chambre toute habillée et s'assied en face de moi. Les mains tendues sur la table, ses doigts s'entremêlant entre eux, elle me fait un sourire charmant.
«
Tu m'as sauvé la vie une fois alors que moi, j'ai tenté de te tuer... et encore une fois me voilà devant toi... à demander ton aide une dernière fois... »
«
C'est une devinette? »
«
Non, c'est la vraie vie Sybilia. C'est moi. »
«
Pourtant je suis certaine que c'est la première fois que nous nous voyons... »
«
... c'est moi, Senji. »
«
Sen-? OH PUTAIN DE BORDEL DE ME- GNIIIIIIH! Tu fais quoiiii là assis sur ma chaiiiise!? »
«
Du calme... Écoute... je suis là pour avoir des réponses à mes questions... »
«
Pourquoi moi? Pourquoi six ans plus tard c'est moi que tu viens voir? C'est quoi tu complotes depuis six ans aussi?! »
«
Bon sang Philips... tu réponds mieux à mes questions quand j'ai ma main à ta gorge... »
«
Attends!! J'en reviens toujours pas que tu sois devant moi! Laisse-moi 2 minutes le temps de m'y faire! Tout le monde te croit mort hein! »
«
Mort? Pourtant, le Conseil m'a vu quitter la bataille. »
«
Dis-toi au moins que ta disparition a donné du bien! Ta tête n'est plus mise à prix... jusqu'à ce qu'on te repère à nouveau je suppose... »
«
Écoute hm... je suis ici parce que j'ai besoin d'y voir clair à mon histoire... »
Sybilia écoute toute mon histoire d'une oreille attentive. Pour elle, ça ne fait aucun sens que le Conseil aurait tenté de me piéger aussi lâchement. S'il m'avait retrouvé comme le stipulait la lettre, il serait venu avec son armée et ses plus hauts placés pour m'arrêter et jamais ils n'auraient tenté d'intégrer l'enfant à cette histoire. Ainsi donc, j'ai la ferme réponse que cette connerie de lettre ne vient pas du Conseil... alors de qui vient-elle? Elle me propose de faire des recherches de son côté. Je refuse parce que toute recherche se rapprochant de loin ou de près à ma cause pourrait me nuire ou la nuire elle. Avant de partir, je lui pose l'ultime question:
«
Pourquoi as-tu sauvé ma peau ce jour-là? »
«
Ta cause est juste Senji et elle l'a toujours été. Je serai toujours de ton côté... secrètement bien sûr. Les mages ont le droit d'être libres et le Conseil ne peut pas imposer autant ses lois sans négliger la qualité de vie des mages. Je veux dire, c'est extrêmement stressant que de vivre tous les jours en se disant qu'à la moindre erreur, c'est la prison... »
Je souris à la femme et la remercie pour tout avant de quitter le coeur léger, mais la tête pleine de questionnements...
Code by Silver Lungs