| |  Sujet: Martha et ses lasagnes  Sam 20 Sep - 15:14 | |
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Frayler Azer Valon
| Martha et ses lasagnes
Fuck la hiérarchie  T’es encore en train de t’attirer des ennuis alors que l’événement n’a même pas commencé. Tu marches dans les couloirs de pierre emplis de vitraux dans l’envie d’échapper à ce qui pourrait être un nouvel ordre, d’aller directement dans la cuisine. Parce qu’aujourd’hui c’est Martha qui cuisine. Et Martha elle cuisine bien. Drôlement bien. Et t’as faim Frayler. Cette faim qui te bouffe l’estomac de part en part en ce moment-même. Et tu penses aux lasagnes qu’elle fait Martha. Martha elle fait de superbes lasagnes qui font saliver. Toi t’es pas du genre à saliver et à avoir des envies pour de la nourriture. Mais quand c’est Martha qui cuisine tu rechignes qu’un petit peu pour changer. D’habitude tu souffles à l’exaspération totale. Mais là c’est les lasagnes de Martha, merde ! Et t’espères en marchant encore plus vite que le bouffon qui arrive dans le chemin contraire au tien qu’il te laissera aller dans la cuisine sans parler. Ou au moins sans trop parler. La cuisine va bientôt ouvrir et tu veux arriver tôt. Parce que c’est peut-être magique les lasagnes de Martha, mais t’es d’origine un associable. Ou plutôt un méprisant je dirais. Tu ne changeras pas ce point non plus.
Et le gras qui arrive devant toi. Un bon gras sur pattes. Un jour l’idée de le donner à Martha pour le faire cuire dans le rôtie du Jeudi t’as traversée la tête. T’as eu l’idée une petite vingtaine de secondes, c’est tout. Mais elle est quand même venue. Et puis finalement tu t’es rappelée que le Jeudi c’est les lasagnes parce qu’on est Jeudi aujourd’hui. Et que les lasagnes avec de la viande de gros con t’aimes pas trop ça.
Les pas du salaud fracassent le sol aussi fort qu’un boulet de construction. Ou de destruction. Il en a presque la taille. C’est qu’un imbécile hiérarchiquement plus élevé et tu n’as jamais été du genre à te laisser faire. La dernière fois, un petit jeune – plus jeune que toi – t’as pris de haut parce qu’il est à un grade au-dessus. T’as aucun respect à lui donner vu comment il a réagi. Et bien tu l’as simplement snobé. Mais Justin il n’a pas voulu s’arrête là. Il t’a attrapé l’épaule et toi t’as soufflé. Un malgré souffle vers le ciel et encore de l’exaspération sur ton visage. Ta main a agrippée la sienne et il a fini avec une fracture du bras quand il a terminé sa roulade contre un rocher. Tu lui as juste altérée la mémoire pour qu’il pense être tombé tout seul. Et les collègues ils ont rien dit : que dalle ! Il était comme ça avec tout le monde. Du coup les rires ont pris possession des belles balances qu’ils auraient pu être.
Le gars qui arrive devant toi est encore plus haut placé. Du genre un ou deux rangs en plus. Mais du coup, ce qui le tient à cette place aujourd’hui c’est l’ancienneté. Parce que vu son bide, ça m’étonnerait qu’il ait pu augmenter en hiérarchie par ses compétences.
Ici, dans ces lieux, tu sais qu’il y a deux types de supériorité hiérarchique : ceux qui augmentent avec les relations et l’ancienneté et ceux qui augmentent avec le niveau et l’honneur. Mais en fait il n’y a aucun honneur. Parce que les gens comme ça ils sont pourris jusqu’à la moelle. Mais tu ne parles pas trop, t’es sans doute bien pareil ; qu’un grand crevard.
Le chef t’arrête, il gueule ton prénom comme si Vincent, le stagiaire de l’administration de l’étage du bas, il avait besoin d’entendre que t’étais au-dessus de lui. Il commence par te saluer. Pour le moment tout va bien. T’es un tant soit peu impressionné cependant. Un visage toujours un peu blasé, quoi qu’un sourcil qui se lève délicatement pour lui faire capter ton incompréhension. Et il en vient au fait. Ton dernier passage à l’extérieur au nom de ce joli bâtiment. Et t’as envie de te frapper la tête contre la paume. Ou la paume contre la tête. Peut-être même que tu l’aurais définitivement fait s’il n’était pas là. Mais ça aurait été moins drôle. Il te dit que tu as fait une erreur. Une toute petite erreur d’avoir fracassé le crâne d’un gars qui venait voler la caisse du bar tous les matins. Le gars il a voulu prendre ton café : tu lui as attrapé le cou en te levant doucement et lui as éclaté le crane sur le comptoir. C’est tout ! Comme si de rien n’était. Il n’a même pas parlé, même pas crié : rien. Bon, en même temps, il était tellement dans les pommes qu’on aurait pu croire qu’il était mort. Mais il a quand même rien dit.
Ton regard dévie. Qu’il parle, le gros porc, t’en as littéralement rien à foutre de ses paroles. Il débecte de la connerie comme si la gastro devenait verbale ; de la vraie merde. Tu répètes une dernière fois que tu as fait ton devoir, que le problème est réglé. Mais le gras sur pattes, là, il n’est pas du tout d’accord. En fait, t’es même sûr qu’il ne connait rien de l’affaire. Il veut juste te faire chier parce que t’es pas du genre à te laisser faire. Toi ta table elle est bien trop haute pour que quelqu’un ose y poser les couilles. Du coup tu fais un mouvement de la main et un froncement de ton arc sourcilier pour dire que tu t’en fous, et un sifflement de tes lèvres puis tu continues à marcher vers le restaurant.
Il t’ordonne de lui faire ses excuses. Le mec il te donne des ordres alors que tu vaux mieux que lui. Le mec il te dit quoi faire il a une tête à garder des putes. Sa main agrippe ton épaule. Ok Frayler, c’est bon, ta chemise elle est froissée. Et elle est grasse. Ce gros porc vient de sortir des cuisines : c’est clair. Il y a un pli maintenant sur ton épaule. Et une tâche d’huile. Ton regard se pose directement dessus. Ta tête elle vagabonde sur ta gauche et sur ta droite plusieurs fois. Comme si en fait tu ne savais pas dans quelle direction aller. Et ton poing se décoche dans sa grosse gueule.
Bref, les lasagnes t’ont déjà assez attendu.
© Fawks |
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