Ils se font de plus en plus insistants. En fait, pour être exact, ils sont carrément omniprésents depuis que je me suis réveillé de mon sommeil de cristal. Je veux bien comprendre, je suis un homme tout ça, j'ai des besoins tout ça, paraît il, mais là c'est tout de même franco franc jeu. On n'a pas idée d'être en manque comme ça, j'ai l'impression d'être un de ces mecs en chien qui pensent qu'à ça, et dieu sait que j'ai rencontré des mages comme ça en mission ou ailleurs, des divas le plus souvent admettons le, ici et ailleurs. Mais là, ça dépasse le surnaturel. A croire que mon corps qui n'a pas vieilli me hurle aux testicules que six ans d'inactivité c'est bien trop long pour eux.

Pour être honnête, j'ai pas tellement la sensation d'être en manque, comme qui dirait. C'est juste que ça me prend comme ça, les matins au réveil et que j'y peux pas grand chose. J'y pense sans arrêt jusqu'à trouver mieux à faire, et une fois ceci fais je suis tranquille, mais faut passer le cap hein, parce que là bordel, c'est pas évident du tout. J'imagine bien les gens en rire comme des baleines, c'est même pas un problème que je peux partager, je parie qu'ils peuvent pas comprendre... Sincèrement j'ai jamais vécu ça, on dirait un animal en rut.

Et je vous ai pas encore annoncé le pire, c'est que rien n'y fais. Rien du tout du tout. J'ai bien tenté d'aller voir ici et là mais non, tout est fade. Fade fade fade, dégueulasse, peu attirant, aucun des mâles virils que j'ai croisé ne m'a plu. Aussitôt vus, aussitôt calmé net, du catalogue des Blue Pegasus aux charmantes rencontres du soir, absolument rien ne pallie à cette envie irrésistible mais capricieuse. Non seulement elle me pourrit la vie en étant aussi présente, mais en plus quand je tente de l'assouvir elle me brise les rubignoles. C'est affreux, vraiment, ça me met sur les nerfs de plus en plus facilement.

Puis il y a ces rêves. Ceux qui sont passés d'occasionnels à quotidien, voire plus quand j'ai fais l'erreur de tester la sieste post prandiale. Toujours le même individu, jamais le même ébat. Et il est inspiré le bonhomme, je vous assure, cela dis vous ne voudriez aucunement que je vous raconte les rêves érotiques d'un jeune blondinet homosexuel. Non, si, vraiment, je le jure. En revanche je pourrais en parler des heures de ce beau brun tant je l'ai vu sous toutes ses coutures (et sous différents costumes, même chose, je supposerai que les détails vous indifférent). Un magnifique apollon bien bâti, à la peau douce et lisse, les cheveux éclatés et pas trop long, et des yeux... Captivant, un regard tout ce qu'il y a de plus parfait, un visage dessiné par Michel Ange. Saloperie. Si le ciel était juste, je pourrais à défaut de trouver sur son Excellence elle-même, tomber sur quelqu'un qui lui ressemble. S'iouplait ?

Toujours y penser à sept fois avant de faire une requête au bon dieu roublard quand on est blond. Je suis tombé sur personne, non, c'est plutôt l'inverse. Encore. Quelqu'un m'est tombé dessus, au premier sens du terme. Oh j'ai pas tout pigé tout de suite hein, y'a fallu le temps que la grosse masse familière s'écrase sur ma tête, me fracasse le cou tant et si bien que ma tête frappa le sol la première, à peine sauvée par mes bras, suivie de près par le reste de mon corps. C'est pas croyable... Le temps de m'en remettre, je sens l'allégresse de la... Chose... Vivante, saine et sauve bien installée sur moi.

« Non mais ça va pas la tête ? Tomber sur les gens comme ça ? Ce serait sympa si ton popotin potelé soulageait ses quelques tonnes de mon dos. »

Sans même attendre quelconque coopération, je roule sur moi-même pour finir que le dos, faisant basculer par la même occasion ce qui s'avérait être une femme à mes côtes. Hou, sexy lady aux gros l… Oh mon dieu non hein, si je commence même à être en manque au point de phaser sur une paire de nibars, je suis foutu. Foutu foutu. Mes yeux finissent par prendre une autre direction pour détailler le visage de mon agresseur. Hey mais je la connais elle. Je me disais bien que ce gras ambulant m’avais déjà écrasé la figure de par le passé. Comment qu’elle se nommait déjà… Elle est de ma guilde en plus, la honte. Flora ? Ferrari ? Non c’est pas ça…

« Oh, Loremy, c’est toi ? »

C’est ça ! Loremy la folle dingue, celle qui m’est tombé dessus de la même façon qu’aujourd’hui pendant le tournoi afin de demander au master de rejoindre notre guilde. J’l’aimais pas, je m’en souviens, du coup j’ai jamais pris le temps de forger des liens solides avec elle, mais en y repensant ce n’était rien qu’un mauvais a priori qui s’est estompé avec le temps. Suffisait de constater qu’elle aussi pouvait se montrer sérieuse et bosser pour la guilde.

« Qu’est-ce que tu fiches ici ? T’as vu dans quel état est la guilde ? Hé attends, t’as pas vieillie non plus ? »

Je peux comprendre pour moi, mais elle ?

Je me frotte la nuque énergiquement et jette un œil rapide à mes jambes pour chasser des yeux tout hématome ou plaie. Rien de visible au bataillon, la douleur partirait donc en un rien de temps. Pas qu’elle possède un certain poids la grosse vache mais un peu quand même. Je la dévisage de la tête au pied, c’est fou comme elle me parait changée rien que là. Non, vraiment, la première fois, elle s’était timidement excusée avant de s’écraser et de s’éclipser, là… J’aurais presque cru croire à une technique de drague. Sauf qu’elle est nulle. Et moche, mais bon, pensons à ses attributs féminins qui pourraient plaire à ceux qui se contentent des bien gaulées. Alala, qu’est-ce qu’on peut bien trouver d’intéressant dans une paire de seins sérieusement… Encore que je ferai mieux de me poser des questions moi, depuis Nywell. Je secoue la tête, c’est différent.

« Tu sais, c’est une longue histoire. Chasse au monstre, ville rasée, terre brûlée, bataille de malade, sort raté, victoire des anges, sauvetages des veuves et des orphelins, rien d’inhabituel pour moi quoi. »

Vrai que tout était caché dans le sort raté, mais ça elle n’était pas obligé de le savoir. Ca faisait moins tâche caché dans un flot d’information. Et le bon dieu roublard sait à quel point je peux accélérer mon débit de paroles lorsque je souhaite embobiner quelqu’un. Ca marche bien avec la magie, les gens oublient de se focaliser sur ce que vous dites et s’accrochent donc à ce qui reste, ce que vous leur évoquer. Une faille parfaite pour un mage émotionnel. Mais là il n’était pas question d’ensorceler Loremy, tout du moins pas encore.

« Ouais, je sais. C’est une longue histoire. Laxus nous a abandonné. Pour Fairy Tail. Puis la guilde s’est vidée, puis... Enfin bref, six ans, t’en apprend des choses sur les valeurs des gens. »

J’hésitais encore entre m’enrager et m’attrister, mais la rage s’était terrée bien au fond de mon cœur pour se faire discrète. Elle attendrait sûrement Laxus en personne pour refaire surface. Avec un peu de chance, en six piges, il serait devenu ridé, et nul, et moche, et méchant. Pire, il pourrait pas profiter d’une partie de jambe en l’air sans tonifiant sexuel aphrodisiaque, alors que moi, j’ai conservé toute ma jeunesse. Pan.

Puis quoi, pourquoi elle me fixe comme ça la mégère ? J’ai un truc sur le nez ? Sans même poser la question, je glisse mon doigt dessus afin d’effleurer ma peau qui s’avère propre et sans OVNI à l’horizon. Alors quoi ? En plus elle a ce petit sourire satisfait qui commence à se dessiner sur ses lèvres, comme si, comme si… Elle savait quelque chose.

Et ça a pas loupé. Je suis devenu rouge tomate, bloqué par tous mes muscles tétanisés. Co… Juste, the fuck dude ? Mes yeux écarquillés la dévisagent avec stupeur, ma bouche grande ouverte me fait passer pour un chien quémandant son os. Puis réalisant être en position de faiblesse, étant donné qu’elle sait des choses et pas moi, je me recule subitement pour me défaire de son étreinte lubrique. Si y’a bien un truc qui m’a pas manqué c’est ça.

Oh purée. En six ans. J’ai dû perdre toutes mes fans. Ciel, ça va faire du bien ça. Mais c’est franchement pas le moment de penser à ça.

« Comment tu sais ça toi ? T’y es pour quelque chose ? »

Oui, puis je viens de me souvenir que la magie de Loremy est celle des rêves. Alors forcément, elle y est pour quelque chose.

« C’est TOI ? C’est ta faute, avoue ! Faut que t’arrête ça hein ! »

J’espère sincèrement, même si c’est son œuvre, qu’elle soit incapable de visualiser les rêves en question. Il en va de ma... Dignité ? Encore que, je pourrais la menacer de les lui faire voir si elle ne les chasse pas pour moi.

Le truc sympatoche avec les sentiments, c’est qu’ils ne mentent pas. Et si Loremy n’était pas plus contente que moi, elle ne mentait pas. Oh j’en ai lu des malheurs, j’en ai croisé des martyrs qui jurent par tous les diables qu’il n’y a rien de pire que les regrets, que la trahison, qu’un amour brisé. J’vais vous dire moi, le pire c’est rien de tout ça, c’est l’abandon. Il n’empêche que le cri est sorti du cœur.

« Je ne suis pas pervers ! »

Pinocchio aurait transpercé le mur d’en face, fort heureusement, je ne suis pas un pantin de bois. Puis personne ne me prend vraiment pour un pervers, à part peut-être Even, mais forcément, c’était avec… Pourquoi je parle de ça moi. Pendant ce temps-là, la grognasse en a profité pour se mettre à quatre pattes devant moi et déhancher son popotin. Non, tu m’intéresses absolument pas ai-je envie de lui dire, mais je préfère la regarder galérer comme une campagnarde. Péquenaude. Non, vraiment, il va à coup sûr falloir lui apprendre la prestance à celle-là si on veut redorer le blason de la guilde, parce que là… Bah v’là qu’elle me pousse, qu’est-ce que je vous disais. Aucune prestance, pas bonne à marier. Faudrait songer à la vendre.

« Euh… Tu fais quoi là ? Yerk, c’est glauque… »

Si y’a bien un truc qui me dégoute, ce sont les magies sanguinaires. Ca me hérisse les poils, c’est barbare, sans grâce et en plus ça fait mal. Quand on y pense, y’a des trucs bien plus glauques, mais ça doit être la vue du sang qui me fait cet effet, que sais-je, en tout cas, j’aime pas ça. Loremy est perdue, je pourrais jamais la faire passer pour une princesse après ce que je viens de voir. J’ai failli crier comme une fille quand son sang s’est illuminé pour me sauter dessus d’ailleurs, mais j’ai rien dis. Parce que je suis un grand garçon. Et surtout parce qu’aussitôt que la chaine m’est entré dedans, j’ai un peu perdu la tête.

Ca tourne, c’est pas agréable comme sensation, pas du tout en fait. Tant et si bien que j’en ferme les yeux quelques instants, et quand je les rouvre, me voilà face à cet homme. C’est lui, c’est lui putain, celui qui hante mes rêves depuis toutes ces nuits. L’espèce d’apollon trop parfait là. Loremy, sale mégère, je t’ai demandé de me débarasser de ça, pas de m’endormir ou de me renvoyer là bas. En plus c’est oh… Olala… Non, commence pas à me regarder comme ça là… Sa main effleure à peine ma peau que j’en ai des frissons.

Fais chier. Je me laisse emporter l’espace d’un instant par le baiser du bellâtre, partant pour moi aussi le carresser jusqu’à ce que je ressente une présence. Enfin plus que ça en fait. Je m’arrête en plein acte pour dévisager Loremy.

Bah ouais. Elle est là depuis le début, elle m’a pas envoyé dans le monde des songes. Elle l’a amené lui ici.

Autant vous dire que le beau brun a vite fait d’être repoussé avant que de la tête au pied mon sortilège d’invisibilité s’installe. Bien vite je deviens complètement transparent, tant et si bien qu’on ne peut plus me voir.

« Mais va-t-eeeennnn ! »

Myde est apparu à ma place, donnant des coups de poings sur le torse de l’esprit qui venait de faire son apparition. La rockstar à l’iroquoise ne pouvait bien entendu pas atteindre ce monde et ses poings passaient au travers du corps comme du vent, mais il était bel et bien visible par Loremy et son ami, ce qui était déjà un exploit.

« Tu vas ruiner mon projet de caser Miku et Axel ensemble ! »

Il disparut vite dans le vide lui aussi, non ce n’est pas moi qui l’ai étranglé, c’est un autre de mes esprits. Sin. Qui le tire par le coup. Et en attendant je me suis glissé derrière Loremy pour lui faire subir le même sort. Je passe mon bras autour de son cou et redeviens visible dans l’immédiat, reprenant l’ascendant sur mon pouvoir.

« C’est une blague, hein Lolo ? Je t’ai demandé de le faire partir, pas de le rendre plus réel qu’il n’est ! »

Si elle croit que je n’ai pas remarqué sa petite corne foireuse là… J’active mes sortilèges et insère toute ma petite colère de boudeur dans l’esprit de Loremy avant de l’amplifier cent fois. Oh, non, aller, dix mille fois. Je prends bien garder de garder la régulation de cette émotion sous mon contrôle pour éviter tout accident, puis je la repousse en espérant qu’effectivement, une corne de cinq bons mètres lui pousserait sur la tête. Saloperie. Ca m’avait manqué ça, pourrir la vie aux autres anges. Essayant de me donner un peu plus de contenance et de reprendre mon calme, je me tourne vers Ruzuki. Impossible de me concentrer quand je le regarde, c’est frustrant.

« Et… Euh… Erm… »

Non mais sérieux quoi… Je ferme les yeux pour respirer calmement et je le sens déjà se coller à moi. Je sursaute, décide de regarder partout où il n’est pas, c’est-à-dire vers le ciel, et de parler très vite.

« C’est quoi cette histoire de contrat làààà ? Explique moi avant que ça finisse en film pour adulte, sinon je te fais un coup encore pire que celui de la corne. »

« Tss. Fais chier. Amateur. »

Je déteste faire ça aussi peu discrètement, mais j’utilise ma magie sur mes propres émotions pour les refouler un peu plus profondément et garder un minimum de tenue. Je me serai clairement interdit ce genre de manœuvre, avant. Mais ça, c’était avant. Et j’ai besoin que l’on croit que je n’ai pas changé, alors même si Ruzuki me fait tout de suite l’effet d’un crapaud baveux je me dois de faire comme si de rien n’était pour eux.

Ce qui ne m’a pas l’air si compliqué vu qu’ils sont trop occupé à se battre… Pas pour moi mais presque. Enfin, Loremy se bat pour que l’esprit qui est sorti de MON corps lui appartienne et elle et non pas à moi, ce qui est un peu culotté quand même. Il a la peau douce en plus, il ferait un super esprit du duvet. Non, vraiment, un peu comme la laine d’Aries. D’un mouvement sec, je me libère de l’étreinte de la mage des songes avant de répliquer.

« Qu’est-ce qui te fais dire que j’en suis incapable ? Un cœur, et c’est lié. »

Puis d’un autre mouvement encore plus hostile, je détruis l’emprise de Ruzuki. Je ne suis pas un jouet, bordel. Je m’ébouriffe les cheveux, comme pour les laver de ses mains qui se sont permises de les toucher, puis je plonge avec assurance dans son regard charmeur.

« Et je n’ai pas pour habitude de signer des contrats. Mes esprits me suivent parce qu’ils m’aiment, parce qu’ils le veulent, et sans contrepartie. »

Ce n’était pas tout à fait exact, ils étaient en quelque sorte piégés dans mon corps, mais ça, ils n’avaient pas à en être informés. Le tout est de savoir si le cœur de ce Ruzuki pourrait m’apporter quelque chose qu’il me manque. La réflexion fut vite faite. Le tout était maintenant d’amener la situation là où je le souhaitais. Je fais volte-face vers Loremy, un sourire en coin sur le visage.

« Pas vrai qu’il est beau hein ? En attendant c’est de moi qu’il est sorti. Alors explique moi comment ça fonctionne, la magie des songes. Puis fais moi une démonstration, il avait l’air tout à fait partant pour t’aider après tout. »

Cet esprit et sa magie de charlatan. On n’apprend pas au singe à faire la grimace Ruzuki. T’es peut être tout puissant au royaume des rêves, mais quelque chose me dit que tu n’arriveras pas à m’atteindre si facilement. D’autant plus que pour le moment, on est loin du monde des songes. Je lui jette un regard neutre, avant de prendre un air taquin pour lui tirer la langue. La nuit, tous les chats sont gris.