| Sujet: Cours, et surtout, ne te retourne sous aucun prétexte Dim 6 Juil - 0:37 | |
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| If I told you what I was, Would you turn your back on me? And if I seem dangerous, Would you be scared? I get the feeling just because, Everything I touch isn't dark enough If this problem lies in me A monster, a monster I've turned into a monster | |
Mon index glisse sur ce livre poussiéreux non sans un certain intérêt. J’ai toujours aimé les bibliothèques, quel meilleur endroit que cette ville pour en jouir ? Je n’ai pas arrêté de rassembler des informations sur la magie, sur l’histoire des six ans que j’ai pu louper. Solis et moi ne sommes pas les seuls à avoir fait les frais du temps. De nouvelles guildes sont apparues, d’autres comme la mienne ou celle de Misto ont chu tels des papillons privés de leurs ailes. Et il y a eu cet évènement mystérieux, cette disparition de mages dans toute la contrée, est-ce là une réelle coïncidence ? Quels sont les objectifs des gens derrière tout ça ?
Et ce Conseil de la magie. Moi qui le détestais tant, il me parait différent. Oh toujours aussi idiots là-dessus il n’y a aucun doute, mais n’y aurait-il pas moyen que j’en apprenne plus à ce sujet-là ? Cela me semble être la piste la plus intéressante, mais comment les atteindre ? Une fois à l’intérieur, il serait simple de faire joujou avec chacun d’entre eux. J’ai toujours aimé croire en mon modeste niveau de mage, pourtant à ce petit jeu là j’ai bien compris que je pouvais rapidement être fatal. Il y avait aussi ce souvenir d’Eldric… Quand bien même se nommerait-il Eldric.
Il y a tant de choses que je ne remarque que maintenant, tant de choses dont le sens m’ont échappé. Il m’a fallu tout ceci pour dévoiler l’étendue de mes pouvoirs, ainsi que du danger que je puisse représenter pour mes propres amis ? Ce souvenir que j’ai, je sais parfaitement que c’était moi, accuser ma magie ne serait que me voiler la face. Et je n’étais pas assez puissant pour lui faire payer son erreur, cela n’arrivera plus. Je range malencontreusement le livre dans ma besace – quel accident si vite arrivé – et quitte la bibliothèque. Disons qu’il s’agira là d’un emprunt à durée non déterminée.
« Bon, c’est le moment de vérité. »
Je ferme les yeux, jamais je n’ai eu autant d’assurance quant à l’apprentissage d’un sort. C’est comme s’il était déjà connu de longue date. Dissimulé dans une ruelle, je prends une grande inspiration et claque des doigts. L’effet ne se fit pas attendre. Une douleur atroce parcourt mon corps, lancinante, elle me déchire de l’intérieur. C’est bien l’effet recherché, non, la déchirure ? Alors serre les dents beau blond, si tu veux obtenir ce pouvoir qui t’es cher, il faudra souffrir un peu. Mon cœur lutte contre ce sortilège un peu trop amer à son goût, mais il est hors de question que j’abandonne. Je tire d’autant plus fort, je me scinde, me guillotine, je suis prêt à tout pour y arriver.
J’étouffe mon cri, en fait, même si j’aimerais, la douleur m’en rend incapable. Elle grimpe si intensément, encore et encore, la répétition lui confère un caractère plus insoutenable, comme s’il fallait traverser une allée de verre brisée à nu pieds. Encore et encore, chacun de vos pas vous écorche vif, vous en avez conscience, d’une façon ignoble vous provoquez vous-même votre malheur, mais vous persistez dans une arrogance sans pareille. C’est ainsi.
Avez-vous déjà vécu quelque chose de similaire ? Alors vous ne serez guère étonné de la suite. La douleur est une sensation mystérieuse qui possède un taux de saturation, et une fois celui-ci atteint, dépassé, une fois que vous avez eu si mal que vous ne pouvez plus rien ressentir, alors vous retrouvez cette paisible plaine verte derrière le volcan hostile, cet état de plénitude paradoxale où l’on croit planer au-dessus du monde. Je t’ai vaincu, douleur, je t’ai arraché et écrasé. Je suis devenu plus fort que toi. Tu m’as noyé, et je te ris au nez.
« Salut toi. »
Un sourire soulagé sur le visage, je découvre en face de moi cet autre de moi, en tout point identique. Il ne sourit pas, il semble plutôt dépressif. Je me remets de mon effort et tourne autour de cette photocopie de moi pour l’examiner. Il n’y a pas de doute, ce n’est qu’une teinte, mais le sort est réussi. Je le questionne du regard, sa réponse me satisfait.
« Grief. »
Et il est bien vrai que je ne ressens plus… de chagrin, à bien y penser. Son aura émotionnelle monotone ne dégage que cette unique émotion. Comme une note unique, je sens bien qu’il n’est pas normal. Il n’est pas cet ensemble de couleurs harmoniques que j’ai l’habitude de sentir. Mais hormis ce détail, peut on vraiment sentir qu’il s’agit là que d’un fragment de moi, d’un clone ? D’un claquement de doigt, je le dissipe comme un écran de fumée. Et mon morceau de cœur me revient, avec lui toutes ces émotions négatives… Les larmes aux yeux je fixe le vide.
Miku… Commencez pas. Mais Miku, t’es sûr de vouloir faire ça ? J’ai mes raisons. T’as pas l’air. Toi aussi, tu doutes de moi maintenant ? Non. Je me pose des questions.
Je préfère me taire. Je n’ai pas les réponses qu’il cherche, je n’ai que des objectifs peu clairs, des envies hasardeuses et un esprit perdu. Je me raccroche à ce que je peux, ce à quoi j’ai toujours été lié : la magie. Je pousse un lourd soupir et m’adosse contre la pierre froide de la ruelle avant de me laisser glisser en position accroupie.
Je ne sais pas tout à fait ce que je cherche. Je sais pourtant que si je reste tel quel, je n’aurais jamais ce que je veux. Je saisirai donc à deux mains le changement qui se propose à moi.
Il hoche la tête, je respire un grand coup et reprend ma route. Cela ne fait que commencer.
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