Alicia roula sur ses draps de soie, battant des jambes. Elle appréciait le luxe de sa dernière demeure en bordure du lac. Certes, il lui faudrait plusieurs années pour pouvoir faire le tour de ses multiples résidences de vacance, mais bon, elle avait l'éternité devant elle, et assez d'or pour ne plus savoir qu'en faire.

La Lady avait enraciné son empire au cours des 6 dernières années. Une reprise en main de Purple avait été effectuée pendant cette période. La très regrettable et regrettée disparition de tant de mages compétents et aimées, dont personnes n'avait rien à faire, et qui étaient aussi intéressants morts que vifs, avait suscité un vif émois du côté du Conseil. Et donc, une vigilance accrue vis à vis des actes illégaux. Du coup, elle avait été obligée de limiter les actes... d'exhibition de sa guilde, vers des meurtres plus précis et silencieux, et avait amplement profité de sa fortune. Les multiples entreprises qu'elle avait récupéré au cours de sa carrière généraient des revenus à ne plus savoir quoi en faire. D'où ce modeste manoir.

Elle se leva gracieusement et enfila ses ballerines, avant de quitter sa chambre.

Edward ?

Milady ?

Elle lui caressa doucement la joue, le frôlant de ses griffes. Une autre de ses petites... « conquêtes » des années passées. L'enlèvement de mages était devenu monnaie courante avec la disparition des autres imbéciles, si bien que ses petits tours étaient passés inaperçus quand elle retirait la personne. Il faisait parti de ceux qui s'étaient librement offerts à elle. Ceux qui étaient prêts à accepter n'importe quoi, en échange d'un peu de pouvoir, d'or, ou de liberté. Et qui finissaient avec sa marque et des chaînes au cou... Elle entailla légèrement son cou, et lécha la perle de sang sur son ongle.

Je prendrai le thé dans le salon avec la baie vitrée sur le lac...

Oui, maîtresse

Il rêvait de voir plus de richesses qu'il ne pourrait en compter. C'était chose faite dans cette demeure. Pauvre imbécile... Enfin. Il était aimable, et bien éduqué. Elle s'allongea sur le divan de la terrasse, et piocha dans un bol de cerises. Elle regarda un instant le pendentif violet qui ornait sa gorge d'albâtre. Elle avait dû procéder à de modestes ajustements vis à vis de la guilde également. Elle n'escomptait absolument pas passer ses journées enfermée dans leur forteresse à veiller sur le cristal source de leurs pendentifs, et à regarder des affichages de mission. Elle était née pour jouer, et être sur le terrain. Aussi elle s'était arrangée avec Luna et Louise, qui de toutes façons préféraient rester là bas. Elles gardaient le contact via lacryma de communication. Un cadeau qu'Alicia avait reçu de son... sixième ex fiancé. Ou le cinquième. Elle avait perdu le compte. Ils étaient si éphémères. Ce fut Miranda qui lui apporta le thé. Une autre charmante possession. Une vanité dévorante qui l'avait poussée au meurtre... Et avait causé une faille dans l'armure de son âme.

Savourant l'amertume de son thé noir, la Lady songeait à l'avenir. Les choses bougeaient. Les guildes changeaient et variaient, et les adversaires s'enchaînaient pour le Conseil. La concernant ? Il était amplement trop tard. Les racines de son empire étaient déjà profondément enfouies. Il était impossible de déloger Purple Bugloss sans risquer un crash majeur sur un certain nombre de secteurs. Mais maintenant que les choses rebougeaient. Elle allait pouvoir se remettre pleinement au travail. Tant d'inaction, c'était mauvais pour le corps... Et elle avait hâte de ressentir les frissons de la chasse, les hurlements de la lune, la rupture de l'esprit de ceux qui étaient trahis. Elle n'était pas faite pour la seule vie de diva dans son château, à gérer des comptes en banque à longueur de journée. Même si sa petite armée de serviteurs maudits était... distrayante. Il y avait toujours matière à jouer. Elle n'était pas devenue la gardienne des traditions de Purple pour rien, après le regrettable... problème de Yutsuko. Une délicieuse créature, elle regretterait sa présence... Mais bon, ainsi allait la vie. Et surtout la mort. Encore que, cela dépendait pour qui. Elle examina son reflet dans l'argent du plateau. Pas une seule marque du temps. Sa... particularité... l'avait laissée hors d'atteinte du cours du temps. Quoi de plus satisfaisant pour un emblème de perfection physique comme elle ?

Sa tasse terminée, elle se releva et se dirigea vers la coiffeuse, et passa sa main sur l'orbe qui s'y trouvait. Le visage de Luna apparut.

Alicia ?

Luna, Luna, dis moi qu'il y a quelque chose d'amusant pour moi...

Il était l'heure de jouer. Car si placer des pions sur l'échiquier du monde était grattifiant, jouer par soi même était bien plus... satisfaisant.