Tant de choses venaient de se passer quand j'ai réalisé que j'avais besoin de passer du temps seule. Je ne suis plus bien sûre de savoir comment être ou encore qui je suis. Quand je regarde en arrière, je ne vois de moi qu'une figure exemplaire, qui a toujours suivi les règles à la lettre et qui n'a jamais dérapé. Sauf une fois. Juste une fois. Une seule et misérable fois. Après ça, il y a eu tous ces moments où j'aurai aimé tuer ces bandits pour leurs actes infâmes, pour leur mauvaise conduite, ils ne méritaient que ça. Mais pourtant, il y avait toujours quelque chose dans mon cœur qui me disait de ne pas le faire, que j'allais le regretter. Et au final c'est sûrement vrai, je n'aurai eu que des regrets pour avoir ôter la vie des gens, le sang souillerait mes mains. J'ai fais la rencontre de beaucoup de personnes, des bonnes comme des mauvaises. Chaque fois tout était différent, rien ne se ressemblait, mais je n'arrivais pas à trouver quelqu'un à qui m'accrocher. Non, je n'arrive pas à lier d'amitié, je crois que je ne suis décidément pas faite pour ça. Pourtant, j'ai déjà dis aux gens « nous n'avons qu'à être amis » mais est-ce vraiment vrai ? Ma vie est fondée sur le vide de mon cœur. Plus aucunes nouvelles. Rien. Et pourtant je croyais tenir une piste. Ce n'est que du vent. Pourquoi les gens disent qu'ils m'aiment alors que moi-même je me déteste ? J'ai eu une période de vide, je ne voulais plus rien faire, comme une sorte de dépression. Mais un jour, ça a changé et je me suis dis qu'il ne fallait pas que je regarde ma vie défiler, il fallait que je la vive. Puis Ran est apparu, après ce cauchemar qui m'a laissé d'éternelles cicatrices sur les poignets. Et sont arrivés les autres, un par un, c'était une toute autre magie qui m'habitait. J'ai décidé qu'il fallait que je m'ouvre aux autres, que je me détende. A ce moment, j'ai rencontré une personne. Il s'intéressait à moi et c'est même peut-être toujours le cas, mais il y avait encore quelque chose qui me bloquait. Non, je n'étais pas encore prête pour une relation, quand bien même je l'aurai voulu. Mais là non plus, j'avais juste une attirance physique, rien d'autre. Peut-être que c'est tout simplement dans ma tête que ça coince, qu'il y a un problème, qu'un truc m'empêche d'avancer ou de me lier aux autres. C'est ce que je commence à croire, quand je vois le nombre d'hommes qui ont essayé maladroitement ou non de me séduire. Ou alors, peut-être que je n'ai pas encore trouvé la personne qui me fera ce déclic. Oh oui, nombre de fois des hommes m'ont attirés, de par leur caractère ou leur physique, mais quoi d'autres ? Là non plus, ça n'allait pas. Peut-être que ce sont juste mes appréhensions, mes sentiments. Peut-être que, effectivement.

Prendre l'air ne pouvait que me faire du bien. Et comme je l'aime, une promenade en forêt, pas très loin de Shirotsume bien-sûr, mais assez pour ne pas subir les cœurs environnants. Et c'est là que je me suis retrouvée assise au sol, devant une cascade à méditer. J'aime la tranquillité qu'on peut trouver ici, entendre juste le bruit de l'eau, du vent dans les arbres et des animaux dans les bosquets, oui, c'est là ce que j'appelle ma sérénité. Je ne peux pas entendre les pulsations des cœurs, leur rythme effréné. Rien de tout ça, juste le mien et son tempo lent. C'est clair que de temps en temps ça fait franchement du bien. Je trouve pourtant ça presque étrange de ne plus rien entendre, comme si je suis devenue sourde tout d'un coup. Sourde à toute magie. Je pourrais presque me sentir normale, comme quelqu'un qui ne possède pas de magie, pas de facultés particulières. Et c'en est presque dérangeant. Quand on vit depuis sa naissance ou presque avec ça en soi, on ne pense pas la même chose de la même manière je crois. Du moins, on sent toujours ce flux magique à l'intérieur de notre corps, il fait partie de nous, on sent l'aura des autres mages et on l'entend par moments, quand notre magie le permet. C'est toujours intéressant de trouver des gens qui nous ressemble. On se sent moins seul et surtout moins fou à pouvoir ressentir ce genre de choses. Et pourtant que c'est magnifique la solitude quand elle fait du bien.

Et je suis là, encore. Depuis combien de temps déjà ? Quelques minutes, quelques heures ? Je ne sais pas, mais c'est comme une éternité. Je ne sens pas non plus les gens qui arrivent derrière moi, je n'entends pas le fracas de leur cœurs qui tambourinent les poitrines pleines de cicatrices. Gravure du passé éternel, indélébile. Manuscrits de leurs combats antérieurs et des événements qui les auront marqués pour toujours. Ce n'est qu'au dernier moment quand je sens mon bouclier se déployer autour de moi que j'ouvre les yeux et me relève d'un coup sec. Demi-tour pour observer d'où vient la sphère magique qui a essayé de me tuer. Des bandits. Ce n'est pas étonnant dans un endroit comme celui-ci après tout. C'est même l'un des meilleurs emplacements pour établir un campement et voler toutes les personnes qui osent passer par là. Mais oh ciel, quel imbécillité. Pourquoi toujours vouloir s'attaquer à plus fort que soi ? Non mais parce que, on sait tous que les bandits de Shirotsume ne sont pas très futés, ni très forts face aux mages. Quand on y réfléchit, pourquoi ne pas essayer de vivre autrement, légalement ? Je ne suis pas sûre que continuer dans cette voie leur apporte beaucoup. La magie crépite autour de moi, je la sens plus forte que d'habitude. Étrangement, l'électricité a l'air beaucoup plus présente dans cet endroit. Les gerbes de foudre sautent autour de moi. Ils ne sont pas très nombreux, cela devrait aller. Un des hommes me regarde et sourit avant d'envoyer droit sur moi un couteau, par réflexe je tends les mains devant moi pour essayer de créer un bouclier, mais c'est tout autre chose qui arrive. Les balourds ont l'air tout aussi surpris que moi. Un champ magnétique vient d'arrêter l'arme à quelques centimètres de mes mains. Je risque un mouvement avec ma main et l'arme suit celle-ci comme si elle l'attirait... Mais oui c'est ça ! Depuis quand je suis capable de faire ça... ? Un sourire vient remplacer ma surprise sur mon visage alors que j'esquisse un autre mouvement avec ma main. L'arme change de direction et lévite par la seule force électrique présente dans l'air.

-Mes chers, adieu.

Sans aucune pitié l'arme se dirige en plein sur son lanceur et le poignarde sans qu'il puisse réagir. Il tombe à terre en hurlant de douleur. Non, je ne veux pas le tuer, je ne veux pas commettre des crimes, quand bien même ils le mériteraient. Des regards noirs fusent vers moi sans que je perde pour autant mon sourire. Ils rangent leurs armes ayant compris que ça ne sert à rien d'essayer de se battre puisqu'ils s'assuraient une mort presque certaine. L'un d'eux pousse un cri rauque avant de s'élancer dans ma direction. J'envoie une sphère de foudre tout en roulant sur le côté pour éviter une balle lumineuse. Ils m'enchaînent à plusieurs, envoyant sans relâche des boules magiques, ils m'épuisent. L'une d'entre elles me touche au niveau de l'épaule et m'arrache une grimace. Je ne sais pas ce que c'est comme magie mais nom d'un chien, ça fait mal ! Trop occupée à regarder cette affreuse plaie, je ne fais pas attention à la deuxième qui vient me frapper en pleine poitrine pour me projeter au sol. Je ferme les yeux pour me retenir d'hurler de douleur et essaye de me concentrer sur ma magie. Sans que je m'y attende, celle-ci m'enveloppe et brille de plus en plus. Je me relève tout en paniquant en voyant mes mains disparaître pour devenir de la foudre. Je regarde autour de moi avant d'enfin comprendre ce qu'il se passe sous les regards médusés des imbéciles qui se trouvent en contre-bas. Je viens de me transformer en source électrique... En foudre ! Je ne vois plus les choses de la même manières, les arbres, les humains, tous sont devenus que des silhouettes. Enfin. Je ne vois que des silhouettes thermiques, rien d'autres à part de vagues ombres. Je me dirige vers une des signatures thermiques et la percute de plein de fouet sans le vouloir. Comme j'aurai du me douter, je me déplace aussi vite que l'électricité, donc des éclairs. Je frappe chaque forme qui ressemble aux bandits puis reprend petit à petit une forme humaine. Ils étaient à terre, inconscients ou agonisant dans la douleur. J'avais soudain une immense fatigue, je crois que tout ça avait presque épuisé mes ressources magiques pour une première utilisation.

Après avoir prévenu la garde à l'entrée de la ville, je rentre à la guilde plus que fatiguée. En arrivant, je ne me fais pas prier et m'allonge sur mon lit, je ne sens même pas le sommeil arriver, Morphée avait déjà usé de ses dons.