Patrouille nocturne secteur Nord-Est, bilan du mois dernier : un échec désastreux. Des boutiques dévalisées, des vitrines cassées, et j’en passe. Aucun criminel n’a pu être rattrapé, aucun témoin n’a été recensé, pas un seul détail sur l’heure ni le lieu de l’acte. Une troupe de moins que rien à premier coup d’œil, d’incapables, de fainéants. Je vais leur apprendre à bouger moi.
Je me prépare alors pour aller les entraîner au combat. Oui, mon rôle est de m’assurer que ce genre de situation n’arrive plus. Car qui peut vivre dans la sérénité quand une ville est aussi mal surveillée ? Pas grand monde. Si rien ne se fait et que le drame perdure, ce sera le départ d’un bon nombre d’habitants et la ville perdra de sa valeur. Bon, je dois y aller sinon je vais arriver en retard, ce serait déjà montrer un mauvais exemple à mes petits vauriens.

J’arrive alors les mains dans les poches vers mes trois rigolos que je dois entrainer au combat. Je leur fais un léger sourire ironique avant de me présenter avec mépris.

Bon moi c’est Drake, j’ai entendu parler de vos exploits et c’est pas fameux. Donc mon but c’est de vous apprendre à vous battre. Et quand je dis « battre », j’entends « mettre hors d’état de nuire votre adversaire ». Oui, si une situation de combat arrive, il ne faut pas la fuir mais la prendre en main avec vigueur et l’écraser au sol avec classe. Le jour où vous ferez ça, vous mériterez votre titre de garde d’Hosenka. Et je connais les délinquants de cette ville mieux que quiconque et je peux vous dire que quand j’entends parler de vous, je préfèrerai les voir eux défendre la ville.

En disant ce bref discours, je les vois tous trois baisser la tête de honte. Je les examine alors un à un. Le premier est un gringalet qui a peine à porter sa propre épée, peureux et faible d’esprit, il a besoin de renforcement mental comme physique. Le second est grand et imposant mais nonchalant, la paresse est la seule chose que je perçois de lui. Le troisième est un peu plus brave, de taille moyenne et semble avoir du potentiel, seulement il doit pas être bien aidé avec les deux autres.

Relevez vos têtes de misérables maintenant, je veux voir la hargne dans vos yeux ! La motivation, la fougue, la puissance, je veux une explosion de toutes ces sensations rien que dans vos yeux. Je veux voir fiers d’être gardes d’Hosenka, fiers de défendre la ville, de risquer sa vie pour les habitants.

Ils relèvent alors la tête et je regarde alors le deuxième, Greg, dans les yeux. J’arque un sourcil et la seconde d’après je sors ma main de ma poche avec rapidité pour le frapper au ventre. Réaction trop lente de sa part, il se plaint alors de la douleur.

Je veux de la réactivité.

Puis je me déplace en rond devant eux avant de m’arrêter devant le premier, James, pour crier d’une voix puissante qui le déstabilise et fait tomber son épée.

Je veux du courage.

Puis j’arrive enfin devant Kilian, le dernier, et le regarde dans les yeux intensément pendant cinq longues secondes.

Je veux trois gardes semblables à lui, qui n’ont peur que de la défaite. Prenez vos armes !

Je dégaine alors mon épée avant d’engager subtilement le combat en frappant le fourreau de Greg.

Sors ta lame, je te provoque en défi.

Sa réactivité me désespère, j’imagine qu’en combat il sera lent, très lent. Je le harcèle alors de ma lame en alternant tantôt des coups à droite, tantôt des coups à gauche. Coups rapides mais non violent pour éviter de le blesser. Celui-ci se prend tous les coups avant même de sortir son épée puis tombe à terre en essayant d’éviter un coup. Décidément, « nul » n’est même pas assez fort pour qualifier cet incapable. Bon… Suivant : James. Je le regarde dans les yeux alors que ce dernier fuit mon regard en regardant vers mes pieds.

Lève la tête et regarde-moi dans les yeux ! Affronte moi rien qu’en me fixant et tente de me déstabiliser.

Stoïque, je le regarde avec une impassibilité de fer tandis que lui tremble comme une feuille. Il lève alors sa lame pour tenter une première offensive, lente et fragile. D’un coup vif et puissant, j’envoie son épée voler au loin et s’enfoncer dans un tonneau.

Garde ton épée bien en main la prochaine fois. Bon, vous trois. J’ai fini de vous examiner. Vous avez jusqu’à 17 heures pour améliorer votre force, votre endurance, votre réactivité et votre rapidité. Je passerai tour à tour pour vous observer. Kilian, améliore au plus possible ces mêmes capacités même si je ne doute pas de toi, c’est toujours utile.

Je m’absente alors pour aller chercher quelques objets pour les entrainer et revient avec une enclume, une corde, et un arc.

Bon, voilà ce que j’ai à vous proposer : Pour toi Greg, j’ai une corde que je viens de ramener et un tonneau qui est déjà là. Entraîne-toi à sauter à la corde le plus rapidement possible et essaye de te maintenir en équilibre sur le tonneau. Pour toi James, j’ai un arc. L’épée n’est décidément pas ton arme de prédilection. Mais une enclume aussi, ton objectif : être capable de la soulever et de la maintenir 10 secondes au niveau des genoux. Kilian, toi tu alterneras entre chaque objet lorsqu’ils ne seront pas utilisés. Voilà, votre entrainement a à partir de maintenant officiellement commencé.

Je m’installe tranquillement sur une chaise en regardant les trois hommes manipuler les différents objets que je leur ai laissés. Oui, maintenant qu’ils ont affaire à leur point faible, la première phase : Observation débute. Observation… c’est un grand mot puisque mon attention est plutôt dirigée vers le ciel. Je connais le résultat de toute façon, aucun d’eux n’y arrivera de toute façon sauf Kilian. S’ils ne font aucun effort, aucun des deux autres n’y arriveront de toute manière. Je me sers alors un verre d’eau pour assouvir ma soif et faire semblant de les regarder. Soudain, le clocher sonne douze heures, l’heure du repas et je vois les trois hommes se diriger vers moi.

Qu’y a-t-il ? Un problème ?

Eh bien… Il est midi et on a faim.

Hmmm… Vraiment ? Vous croyez vraiment que je vais vous laisser perdre du temps à manger alors que je n’ai qu’une journée avec vous ? Certainement pas ! Je veux que dans trois heures vous soyez prêts, alors au boulot. Pendant ce temps, je reviens, je vais vous chercher de l’eau.

Je les vois baisser la tête docilement avant de retourner à leur occupation. Je veux bien les aider à s’entraîner, mais qu’ils aient en tête le même objectif que moi. Moi non plus je ne mange pas parce que j’ai en tête quelque chose, et je ne mangerai pas tant que j’aurai mené à bien cette mission. Oui, je suis comme ça. Mon caractère est tel et ne changera pas. Je leur ramène alors à chacun une bouteille d’eau en examinant davantage leur progrès. J’arrive vers Greg et le voit tirer une flèche proche du centre de la cible.

Alors Greg ? L’arc te va mieux que l’épée à ce que je vois. M’enfin c’est toujours pas parfait. Tu ne dois pas te laisser entraîner avec la corde lorsque tu la lâches, et garde toujours ton arc bien droit, ainsi ta trajectoire sera conservée et tu toucheras le centre. Par contre l’enclume, elle, n’a pas bougé… Je veux que tu te renforces pour résister aux coups, te battre au corps à corps.

J’avance alors vers James pour le voir sauter à la corde.

C’est bien, un peu plus rapidement serait préférable par contre. Et je veux te voir monter sur ce tonneau et maîtriser ton équilibre. Avec un gabarit comme le tien, c’est mieux quand on sait gérer son poids.

Je finis donc ma ronde en m’arrêtant devant Kilian qui fait des pompes depuis ce matin. Brave homme en quête de puissance, sait il l’utiliser intelligemment ? Je lui demande de se lever pour récupérer l’eau qu’il a grandement méritée de par l’effort fourni cette matinée.

Prêt ? En garde.

Il se retourne pour prendre son épée et me fait face malgré la fatigue.

C’est bon, tu peux te reposer. Je doute que vous autres aurait accepté mon défi avec une fatigue aussi grande que celle de Kilian. Et je veux que vous deveniez comme lui, toujours prêt à engager le combat, accepter la mission malgré les circonstances, tout cela avec un raisonnement stratège bien sûr. N’allez pas engager le combat contre trois cents soldats alors que vous êtes seuls. Mais pour l’honneur de la cité, défendez-moi cette ville avec bravoure.

Je vois alors James et Greg respirer la motivation avec une envie de s’entrainer davantage.

Le message est reçu, chef Drake.

Greg se met alors à soulever l’enclume à quelques centimètres du sol et James tenter de garder l’équilibre sur le tonneau. Ah, ils ont fait l’effort et ont combattu leur peur, c’est bien. Ils ont compris le message. Je les laisse alors s’entraîner jusqu’à ce que sonne l’heure du verdict. La phase d’observation est donc finie puisqu’il est 17 heures, maintenant le temps de l’évaluation.

En garde tous les trois. Imaginez que je suis un voleur, un bandit, tout ce que vous voulez, un pas-beau quoi. Et vous devez m’arrêter parce que la sécurité de la ville en dépend. Je prendrais en compte le fait que vous soyez fatigués par votre entraînement, ne vous inquiétez pas.

Je me laisse faire alors pour voir leur première offensive. James s’avance et m’immobilise entre ses gros bras. Je tente alors de le renverser à l’aide de mes jambes, en vain puisqu’il arrive à maintenir son équilibre en écartant bien les jambes et pliant les genoux. Kilian s’avance et tente de me frapper avec le plat de la lame, pendant ce temps Greg décoche une flèche recouverte de mousse et me touche à l’épaule. Je souris alors et leur dit avec enthousiasme.

Pas mal les gars, je suis épaté. Bon, maintenant votre ennemi sait se servir de la magie.

Je rends mon corps immatériel et lumineux pour échapper à l’étreinte de James et lui passer au travers de son corps pour me retrouver derrière lui. D’un coup de pied, alors que je reprends ma forme matérielle, je l’envoie s’écraser sur Kilian mais il se rattrape avant sa chute. Je place mes mains vers Greg et un cercle magique apparait devant moi duquel jaillit un faisceau lumineux en direction de l’archer. Il encaisse le coup et décoche une flèche aussitôt. Bien, il ne me reste plus qu’à tester Kilian. J’avance lentement et invoque trois sphères lumineuses autour de moi et les envoie exploser au contact de l’épéiste. Celui-ci saute par-dessus la première, esquive les deux autres en slalomant entre les deux puis parvient devant moi, la pointe de l’épée en dessous du coup. Je souris une nouvelle fois.

Bon, les gars. Je vous félicite, vous êtes désormais dignes d’être des gardes d’Hosenka.

Ils viennent tous trois proches de moi et on commence à se prendre dans les bras à rire et chanter dans la bonne humeur, après quoi ils m’invitent à dîner avec eux pour célébrer nos adieux, mais aussi pour présenter leurs remerciements.