Au coin d'une fenêtre, j'étais là à me demander si j'avais fait les bons choix, si ce prix pour la liberté en valait la peine au bout du compte. Ces morts, tous ces morts à Crocus dont l'instinct de Damaz était responsable, tous ces innocents emportés par la puissance des vents et du sable et ce combat avec ces trois étrangers, dont un du nom d'Aleksander... On ne pouvait pas réparer le mal qui avait été fait, on ne pouvait pas revenir en arrière et juste donner son âme au diable pour éviter la catastrophe et pourtant, j'y avais songé. Nombreux étaient nos contacts et plusieurs étaient des démonistes. Je regardais le bout de papier froissé longtemps à me demander si je devais me déplacer, si je devais changer les erreurs du passé, vivre libre en oubliant ce qui aurait pu se passer avec la garde il y a quelques années. Malheureusement, sacrifier sa vie, s'obliger à oublier son propre parcours de vie, redevenir cet homme de croc-magnon d'antan, je n'en avais pas envie. J'avais moi-même évolué et j'avais réussi à trouver une faille à mon coeur de pierre et à vouloir le partager avec une femme. Cette femme m'a rejetée et elle nous a quitté pour errer comme quelqu'un de libre, quelqu'un qui ne devait rien à personne. J'avais été en colère sur le coup, mais après réflexion je ne lui en voulais pas vraiment. Si c'était cette sorte de liberté qu'elle voulait prôner, elle était libre de le faire, mais ce n'est pas vraiment ce que j'aurais voulu qui se passe qui se passa par la suite.
Je me penchais sur la cheminée et fis brûler le bout de papier avec les contacts. La porte s'ouvrit et Fred vint me rejoindre s'accroupissant à mes côtés. Elle avait aussi fait son deuil pour Enya et elle avait recommencé à me parler comme avant, moi aussi. Nous étions redevenus ces amis proches que nous avions toujours été. Jin avait arrêté de me trouver bizarre et s'était transformé en pote compréhensif qui tentait de me remonter le moral autour d'un pichet de bière. Pour les autres, il y avait cette distance constante qui nous séparait, mais c'était mieux ainsi. Pour Damaz, j'étais en colère contre lui au début, mais sachant de quoi était capable un instinct animal, je ne pouvais pas lui en vouloir bien longtemps. Avec sa convalescence, je restais à ses côtés à apprendre à le connaître un peu plus. Bien que notre départ ne fut pas facile, je comptais réparer les dégâts et tout ça en apprenant qui il était vraiment.
Fred me tendit une lettre en pinçant les lèvres. Je la pris en fronçant les sourcils et commençais sa lecture. Je ne savais pas comment je devais me sentir après une lettre comme celle-ci. Devais-je pleurer? Ou détruire tout autour de moi? Je mélangeais les deux en fait. Je me relavais et renversais la table, frappant la chaise d'un coup de pied et tout ça avec les larmes me coulant sur les joues. Fred s'était reculée en vitesse, adossée au mur et me regardais calmement exploser de rage et de tristesse. Puis quand toute l'adrénaline fut gaspillée, je retombais sur mes genoux, impuissant encore et envoyais la lettre dans le feu. Fred se jeta sur moi et me serrait dans ses bras. Inutile, j'étais froid comme de la glace et le coeur redevenu aussi dur que de la pierre. Je me relevais et dis à voix haute:
Sorcière... retrouve-moi Philips.
***
Il faisait noir, seule la lueur de la lune illuminait l'endroit. Bien droit, prêt à tout, j'attendais avec impatience. J'attendais qu'elle rentre. Seul, comme seule arme ma colère, je ne pouvais supporter un tel endroit. Puis, la porte du bas claqua dans sa fermeture, des pas nonchalants montaient les escaliers. Je les entendais s'arrêter devant la porte, puis une clé, puis la poignée. Une main se faufila à l'intérieur et activa l'interrupteur. Elle entra dans sa routine et ferma la porte derrière elle, dos à moi. Quand elle se retourna, j'étais déjà là, la main à sa gorge, prêt à lui écraser chaque os de son corps et la soulevais dans les airs. Elle tenta de parler mais ma poigne était trop forte. Elle me tapa sur le bras pour que j'arrête, mais j'appuyais plus fort. Oh oui, mais quelle sensation agréable monstrueuse qui me parcourait le corps. Puis, cet élan de brillance qui me traversait l'esprit, ma poigne fut moins forte, mais toujours présente.
OÙ EST ENYA TAYLOR!?
J... J'en sais... rien!
OÙ EST-ELLE?! RÉPONDS OU JE TE TUE!
Mais... j'en sais rien... Senji...
La lueur dans ses yeux de vie, je ne savais pas pourquoi mais je la croyais. Pourquoi l'épargner si elle venait du Conseil? Pourquoi ne voulais-je pas tuer cette femme? Elle était comme les autres et pourtant, je la voulais en vie... Je la relâchais, lui faisant provoquer une violente chute au sol, mais au moins elle pouvait respirer. Elle toussait pendant que je faisais les cents pas dans son appartement. Elle restait adossée à la porte, assise parterre et me regardait aller.
Pourquoi cherches-tu Taylor?
Pourquoi ça t'intéresse?
Les rumeurs disent qu'elle est morte... mais on n'a pas trouvé de corps encore.
Je m'étais arrêté subitement de marcher, l'air grave, les larmes aux yeux à fixer la femme. Morte...? Pourquoi avais-je ce coeur qui battait dans ma gorge? Pourquoi voulais-je m'effondrer? D'ailleurs, mes jambes cédaient sous l'émotion et à mon tour je me retrouvais assis comme elle parterre. Je pleurais, n'étant plus capable de me retenir, pleurait comme jamais j'avais pleuré, pleurais et pleurais. Elle s'avançait vers moi avec difficulté, mais j'avais une lame de sortie pour l'empêcher de me toucher. Je voulais être seul et que surtout pas une femme comme elle me console... surtout pas. Elle se leva et se dirigea vers la cuisine en me demandant:
Je t'offre une bière?
...
Je vais prendre ça pour un oui!
À son retour, je n'étais déjà plus là. J'avais filé par la fenêtre pour aller Dieu ne sait où. Faire quoi? Encore là, qui sait?
|