Le chant des vagues bourdonne dans mes oreilles un son qui m’est familier, ce clapotis de l’eau toujours mêlé à la même douceur des vagues qui donne aux ports un caractère universel. Harujion, je n’étais jamais venu ici auparavant mais pourtant c’est comme si j’y avais passé ma vie. En effet, elle possède toutes les caractéristiques d’une ville portuaire mais avec des dimensions plus grandes. Je crois que si je commence à visiter la ville j’en aurai pour plus d’une journée. Mais n’ayant pas le temps, en raison d’un rendez-vous pour une mission particulièrement spéciale pour moi, puisqu’elle me demandera beaucoup plus d’efforts que toutes celles que j’ai pu faire depuis ma carrière de mage, je fais donc le tour des quais pour admirer la beauté et la magnificence des bateaux. En analysant la courbure du bois et la texture des voiles, je suis plutôt surpris et dois admettre que les marins ont un goût particulièrement raffiné car je remarque que les bateaux sont conçus au détail près. Alors que je continue de contempler ces machines des mers venant de contrées lointaines, un homme me reproche de trop m’approcher de celles-ci et me demande donc de déguerpir sur le champ.

« Puis-je, monsieur, vous féliciter du travail fourni sur ce bateau avant de devoir partir ? Je suis plutôt un amateur dans le domaine mais toutes ces émotions qui m’envahissent rien qu’en regardant la proue, je dis chapeau ! Combien de temps ça doit mettre pour faire un bateau comme ça ? Cinq ans au moins ? Dix ans ? »

« Ecoutez, je ne peux vraiment pas vous laisser là, seuls les gens dans le métier ont accès au quai. »

Tsss… Comme si j’allais gober ça, ais-je tellement l’air candide que ça ? Bref, cet homme me parait amplement suspect et je décide donc de faire un tour dans le bateau pour vérifier mes arrière-pensées. En me déplaçant, je détache mon image de mon corps, me permettant d’être invisible pendant une minute. Le problème : c’est qu’il se rendra compte au bout de quelques secondes qu’il ne s’agit que d’un clone qu’il a sous les yeux. J’accours donc pour rentrer dans le bateau et ouvre la première porte qui s’offre à mes yeux. Là, je vois d’immenses cages les unes à côtés des autres, assez grande chacune pour contenir deux ou trois humains. Aucun doute, ce bateau est suspect. N’ayant pas le temps de fouiller davantage le bateau puisque dans quelques secondes je redeviendrai visible, je cours vers le quai. L’homme suspect était monté sur le bateau lorsqu’il s’est rendu compte que l’image qu’il avait sous les yeux était mon clone de lumière et se retrouve donc derrière moi, me pourchassant avec un visage furieux.

« Rien à dire, c’est un super beau bateau de l’intérieur comme de l’extérieur ! »

J’arrive sur le quai et tourne la tête pour lire le nom du bateau : « Victoria VII ». L’homme fait apparaître par magie des bolas qu’il fait tourner à toute vitesse afin de me les jeter dessus. Je continue donc de courir mais l’objet paraît ensorcelé et me poursuit encore. Bon tant pis, je vais devoir utiliser encore une fois ma magie : Corps stellaire – Jambes. Le bolas traverse mes jambes désormais immatérielles puis je continue de courir, cette fois avec une vitesse accrue. Tout de suite après être sorti du champ de vision du mage, je dissipe ma technique afin d’économiser ma magie. Il me faut quelque chose à manger pour reprendre des forces avant de rejoindre ma partenaire. D’ailleurs nous avons rendez-vous dans une demi-heure. Je lui ferai part de ce que j’ai vu quand je la verrai. Je me dirige donc vers une boulangerie afin d’acheter quelque chose à grignoter puis je me dirige au point de rendez-vous. Je ne vois personne aux alentours, en même temps j’ai quelques minutes d’avance.

Etant donné que je suis arrivé en avance, je m’adosse contre un mur car je ne sais pas si mon coéquipier viendra à temps ou non. Je lève alors les yeux vers le ciel aux allures monochromes, aucun soupçon de nuage n’osait faire face à la lumière du soleil. Seul le bleu régnait, bleu des plus purs comme il en existe nulle part ailleurs. Le plus surprenant est la chaleur fournie par le soleil qui reste toute aussi chaleureuse et intense, même pour cette période automnale. Je baisse les yeux alors, lassé de la monotonie du ciel, et me fait éblouir par le reflet du soleil dans un miroir abandonné sur le sol, au beau milieu du chemin. Quelqu’un a dû le faire tomber… Je regarde l’heure, cela fait maintenant une dizaine de minutes que ma partenaire n’est toujours pas venue. Mon dieu, peut-être qu’il s’agit de son miroir et qu’elle l’a fait tomber lors d’un conflit avec les ravisseurs. Je décide alors de le ramasser, je le lui rendrai quand je la reverrai si elle n’est pas encore en route pour Bosco… Maintenant la question est : Où dois-je aller ?

Je réfléchis un instant sur place en regardant mon reflet dans le miroir pour analyser la situation. Ma coéquipière a peut-être été enlevée et je suis seul au point de rencontre. Imaginons qu’elle arrive en avance, elle pourrait m’attendre ou bien… prendre les initiatives et dans ce cas faire semblant de se faire enlever ! Bon, maintenant où est-elle ? Pour l’instant, la seule hypothèse que je peux faire est celle du bateau suspect de tout à l’heure, je dois donc y retourner. Mais au cas où si ma coéquipière ne serait pas encore arrivée… J’ai une idée ! Je dépose alors un bout de papier au sol sur lequel j’écris Victoria VII qui est ma destination. Si jamais elle arrive après moi, elle saura que je serai là-bas, enfin… seulement si elle trouve le bout de papier. Il n’y a plus qu’à espérer que je n’arrive pas trop tard. Je mets donc le miroir dans une de mes poches puis je me mets à courir le plus vite que je peux.

En direction du bateau à toute vitesse, je bouscule légèrement les gens qui marchent sur le port, tente de me faufiler entre eux pour gagner du temps. Ceux-ci poussent un grommellement de mécontentement lorsqu’ils se sentent offensés mais je n’ai pas le temps de m’excuser alors je les ignore. Puis j’arrive enfin sur le quai et je me dis : S’il me voit c’est la baston direct, il me reconnaîtra directement, et il risque de ne pas être seul. Alors je décide de passer par la mer. J'enlève mon haut puis prends mon élan et plonge dans l’eau de manière à faire le moins de bruit possible pour éviter d’attirer l’attention. Puis je remonte à la surface, recrachant de l’eau de mer au goût affreusement salé, pour nager vers le bateau. M’accrochant à la poupe, je ne sais pas trop comment établir le contact avec Loremy pour lui signaler ma présence alors je décide de monter sur le bateau discrètement, et m’approche de la cabine où sont situés les cages afin de vérifier si elles sont vides comme à ma première venue. Par le hublot, je vois une jeune fille emprisonnée ainsi qu’un homme grand et bien portant qui semble monter la garde.

Que faire ?

L’hésitation m’envahit. Si j’entre dans la cabine, l’autre va se ramener et ça sera du deux contre un et je pense avoir aucune chance de gérer ce combat. Mais admettons qu’elle puisse sortir et qu’elle ne fait que m’attendre, je devrai lui faire comprendre que je suis là. J’attends alors que le gros se retourne pour faire jaillir un rayon lumineux de la fenêtre en direction de la jeune fille qui semble dormir. Par contre, si cette fille n’est pas Loremy, ça risque de mal finir.