Il vous ait déjà arrivé de vous demander pourquoi est-ce que ça n'arrivait qu'à vous ? Ou bien pourquoi tout avait l'air de s'écrouler autour de vous ? Ou encore pourquoi est-ce que tout avait changé comme ça ? Eh bien oui, c'est le genre de question que je me pose a peu près tous les jours en ce moment. Entre Ran, Miki et Su, je n'en sors plus. Heureusement pour l'instant, aucun œuf est apparu de nouveau. Je me vois bien déjà avec trois esprits, mais avec cinquante... Mais bon, je n'en étais pas là. Nombre de fois où j'avais fais le point sur ma vie dans mon lit le soir, ça se résumait toujours à la même chose ; monstre. Que de mauvais actes, ou presque. Je n'aime pas parler de mon passé, ou de moi. De toute façon, je ne lie pas d'amitié avec les gens. Il y en a qui sont bien gentils et avec qui j'ai déjà fait équipe plusieurs fois, mais ça s'arrête là. De toute façon ils ne doivent voir en moi qu'une enveloppe charnelle recouvrant du vide. Quel intérêt de s'intéresser à une personne comme ça ? Moi-même je les fuis dans tous les cas. S'attacher c'est l'engagement de prendre le risque de perdre son cœur un jour. J'en ai déjà fais les frais. Alors pourquoi vouloir recommencer ? Bref.

Je m'installe au comptoir, la mine déconfite, pour une fois. La barmaid me regarde, puis me sert un jus d'orange et vient s'installer face à moi. Un sourire, alors que je me contente de lui adresser un simple regard grimaçant. Il n'y a rien à dire, ni à faire. Je crois qu'on a tous des périodes un peu plus sombres que d'habitude. Et bien moi c'est en ce moment.

-Tu n'as vraiment pas bonne mine. Qu'est-ce qui t'arrive alors ?
-Rien de grave, va.
-Hmm... Courage, ça va finir par passer, j'en suis sûre.
-Merci, je vais aller faire un tour, à plus tard.

La brune me sourit de nouveau et retourne au nettoyage de la vaisselle pendant que j'emprunte le télé-porteur et franchit les grandes portes de la ville. Les arbres perdaient leurs feuilles, signe que c'était l'automne. C'est une belle saison je trouve. Toutes ces couleurs allant du rouge au jaune, jusqu'au marron, passant par le orange et autre couleurs. Les enfants qui sautent dans les tas de feuille pendant que les agents d'entretien leur hurle dessus, masqués par leur rire cristallin. C'est aussi une saison bien triste, annonçant l'hiver, la mort. La fin. La végétation se meurt, le soleil est moins présent. Parlons-en du soleil tiens, il fait étrangement beau pour un jour d'automne, surtout ici. Je me souviens encore des premiers temps, quand je venais d'arriver à Angel's Sky. J'avais vraiment du mal à m'acclimater aux températures. Le soleil ne tient pas vraiment chaud ici au final, mais je crois qu'on s'y habitue quand on habite là, surtout dans les bâtiments de la guilde, à des kilomètres de la terre ferme, le vent est quand même frais par moment. Mais je crois que pour rien au monde je délaisserais cette ville et cette guilde.

Il n'y a pas grand monde dans le parc aujourd'hui, ça va être agréable. Je m'assieds sur un banc et pose l'étui de mon violon. Ça fait un moment que je n'en ai pas fais et ça devrait me détendre. Je l'accord à l'oreille, comme on me l'avait apprit, prépare les cordes et l'archet puis me mets debout pour mieux jouer. Une mélodie mélancolique commence à vibrer dans l'air, je ferme les yeux et me souffle la mélodie pour moi-même. Le vide entier, je me laisse juste emporter par la musique, douce, dur, émotive. J'esquisse quelques mouvements de danse, totalement emportée. Je n'entends pas les gens, je continue de danser et jouer. Ran, Miki et Su volent autour de moi, riant et chantant sur l'aire du violon. Ma magie en est comme « inspirée », je la sens plus puissante, me picotant le bout des doigts, fourmillant dans mon corps. La mélodie commence à s'achever, et pourtant l'électricité monte en moi. Les dernières notes soufflent sur les cordes où l'archet glisse et s'évapore dans l'air. Je détends mes muscles, mon corps se recouvre de foudre, je la laisse se contrôler seule, un éclair jaillit de cette enveloppe électrique pour venir frapper un lampadaire éteint, qui s'allume suite à la décharge. Oh, c'est pas mal ça. Je souris puis entend les applaudissements qui fusent.

-Bravo ! Bravo ! C'était magnifique !
-... Merci...

Je ne sais que dire, c'est tellement touchant ! Ça met le baume au cœur, à en croire ce sentiment qui me tord le ventre. C'était tellement imprévu. La musique à ce don impressionnant d'apaiser les cœurs et rendre heureux les gens. Après tout, ça nous fait oublier nos petits ou gros soucis quotidien le temps de quelques minutes. C'est impressionnant. Le soleil décline déjà doucement et les gens en riant reprennent leur rythme de vie, un peu plus souriant qu'avant. Je suis heureuse. Je ferais bien de rentrer d'ailleurs. Sans me presser, je reprends le chemin de la guilde, dans le crépuscule.

-Wouah c'est dingue Amy ! Tu as un don naturel pour la musique !
-Si tu le dis.
-Mais oui ! Tu as déjà fais des représentation publiques ?

En y réfléchissant, non, je n'en avais jamais vraiment fais. Je me souviens bien si de cette chanson en mission, mais je crois que c'était tout... Ah ! Pendant le tournoi, c'est vrai... Le soir du premier jour, j'avais joué une mélodie à Miku, oui, je me souviens... Aaaah, sa tête de blond émerveillé restera gravé dans ma tête, ça m'avait tellement touché. La musique adoucit les mœurs comme on dit. N'étant plus très loin de la pierre de téléportation, je hausse seulement les épaules en guise de réponse, une sorte de oui et non. Au vu de la tête que fait Miki, même si c'est peu, j'ai l'impression qu'elle lit dans mes pensées quand un sourire vient illuminer son visage. Je ne préférerais même pas savoir à quoi elle pense, par contre. Il y a quelques personnes dans la grande salle, qui me jette un coup d’œil rapide quand j'arrive en son centre. Diable que je déteste cet endroit d'arrivée, c'en est presque déstabilisant. La question muette de la brune au bar me décroche un sourire pour une fois. Elle a l'air satisfaite, c'est tout ce qui compte. Et c'est en voyant ça que je me dis, pourquoi pas ? Après tout, il faut bien un début à tout, à une amitié. Tout le monde n'est pas identique. Il est temps que je change.