Depuis ma rencontre avec la vieille femme, je me sentais plus moi-même que jamais. Je n’avais pas l’impression de devoir jouer une personne coincée, trop recroquevillée sur des principes qu’elle n’avait pas choisis. Enfin libérée de cette vie que je n’avais pas choisie, je pouvais respirer à plein poumon, courir sans me sentir poussée contre le sol. La journée que j’avais passée en compagnie de Valentin m’avait fait le plus grand bien. Elle m’avait certainement rapprochée du petit et de mes propres valeurs. Mes amis sont importants, ma propre vie l’est aussi et c’était à partir de ce moment-là que j’allais la vivre à mon goût et à mon rythme.
J’étais revenue à Era. J’étais en mesure de retourner en mission, peu importe ce que le grand patron allait en penser. Je marchais les couloirs, montais les marches et ouvrais les portes avec assurance et vivacité. Les gens que j’avais déjà croisés ne me reconnaissaient plus, mais je m’en fichais. Je voulais faire mon travail, prouver à tous ceux-là que je n’étais plus une gamine et que j’avais l’intention de devenir quelqu’un d’importante dans ce bas-monde. La porte du patron était au fond de ce couloir-là. De la même manière que j’avais fait tout ce chemin, je m’y rendis, frappai deux coups et entrai avec lenteur. Ma tête passa en premier pour voir s’il allait me faire signe. Il me présenta la chaise juste en face de lui. Je ne me fis pas prier pour m’y asseoir bien confortablement… peut-être même trop aussi…
J’espère que vous n’avez pas l’intention d’entrer dans mon bureau avec des tatouages la prochaine fois, hein?
Hein? Qui a parlé de tatouages?
On ne sait jamais quelle surprise vous nous ferez la prochaine fois… Enfin, vous sentez-vous apte à travailler, Philips?
Ouaip.
Très bien, alors je vous confie cette mission : Trouvez-moi ce gang et montrez-leur que le Conseil ne se laisse pas malmener aussi facilement…
C’est tout?
Non… tâchez de ne pas faire trop de dégâts… Je sais que votre magie est redoutable, mais évitez qu’on soit obligés de reconstruire une ville entière, voyez?
Son nez pointu pointé dans ma direction tentait de me culpabiliser. Je ne regrettais plus ma magie, je n’en avais plus peur non plus. Si je devais l’utiliser, c’était que je devais le faire. Je sortis de son bureau en lui faisant un salut militaire et il me répondit d’un soupir. Bah quoi? C’était pas ce que nous étions : des soldats? On nous envoyait au front et peu importe ce qui vous arrive, on trouve toujours un moyen pour vous remplacer. Je pris le train et me rendis à Crocus. Les dernières informations indiquaient que le gang faisait ses manigances là-bas.
Arrivée sur place, je faisais ma propre enquête avant de poser des questions aux gens. Rien de louche par ici, on me dit de chercher dans les bas-fonds de la ville. Ah ouais? Il faut croire que même les escrocs préfèrent vivre entre deux poubelles que dans une maison de luxe… J’étais surprise de voir à quel point les deux côtés de la ville étaient différents. Crocus n’était pas si riche que cela alors imaginez son quartier pauvre… Les gens sont rassemblés autour de tonneaux de feu pour se réchauffer, ça sentait la pourriture à plein nez, ils toussaient à répétition, des maisons leur manquaient la porte d’entrée.
Malgré cette pauvreté évidente, j’arrivais à cerner un groupe d’individu qui ne se mêlait pas à la masse, leurs vêtements m’avaient l’air tout à fait normal, mais ils avaient un visage à cogner dedans… C’était certainement eux… Je pris un vieux manteau à capuchon qui traînait par-là pour me mêler au peuple et les observais du coin de l’œil. Ils bavardaient, riaient. Je pus certainement entendre le nom du Conseil à leurs lèvres. Puis, ils se mirent à bouger. Ils passaient derrière une maison pour se rendre dans une ruelle. Je lâchais le manteau et les suivis de loin. Ils marchaient comme si personne ne se doutait de quoi que ce soit, comme s’ils étaient l’Invincible Gang du Ghetto. Je secouais la tête avant d’apercevoir un raccourci qui me permettrait de les surprendre sur leur chemin. Arrivée devant eux, je m’exclamais avec optimisme :
Alors les gars, on va où comme ça?
Euh, vous êtes qui vous?
Oh je sais qui c’est! C’est la nouvelle! Vous en avez entendu parlé?
Un peu… Allez suis-nous on est sur le chemin du retour.
Il faut croire que mon nouveau look paraissait tellement rebelle que j’arrivais à me faufiler dans un groupe de méchants imbéciles. Je les suivis sans commenter quoi que ce soit. Je laissais les choses aller et si je pouvais atteindre leur chef aussi facilement c’était l’idéal. Nous arrivions à leur camp de rassemblement où d’autres groupes arrivaient en même temps que nous. Ils posaient des questions aux types qui m’accompagnaient et ils répondaient tous la même chose : « C’est la nouvelle! » J’ai l’air si débutante que ça? Le gang était composé au minimum d’une vingtaine d’individus. La grande porte principale se ferma derrière les nouveaux arrivants. Je cherchais une issue de secours et la trouvais plutôt éloignée du hall. Le chef fit son entrée. Il monta sur une marche pour être en mesure de voir tout le monde. Les cheveux grisonnants, on l’avait sûrement nommé chef à cause de son ancienneté…
Mes amis! Pour l’ordre du jour, j’aurai une mauvaise nouvelle à annoncer et un nouveau plan pour contrer le Conseil à vous révéler. D’abord… notre nouvelle recrue ne peut nous joindre. Elle est décédée cette nuit, dévorée par un animal sauvage…
Les membres de gang se retournaient avec lenteur dans ma direction. Avant d’être encerclée, je me dégageais de la foule pour rejoindre le chef tout en avant. En me voyant approcher, il cessa de parler, fronça ses épais sourcils avant de me demander :
Qui êtes-vous?
Le père Noël!
…
Vous êtes tous en état d’arrestation. Gardez le silence ou tout ce que vous direz sera retenu contre vous.
Ils riaient aux éclats, tous, sans exception. Lorsque je leur montrais mon badge sous ma veste, ils cessaient de rire et devenaient hostiles. De leur poche, pantalons, chandail, ils sortaient leur arme de prédilection. Je riais, mais je jouais le jeu en sortant mon wakizashi de ma ceinture. Le chef prit du recul, laissant ses troupes me charger comme des animaux. Oh non tu n’allais pas t’en sortir si facilement. J’envoyais des papillons lumineux détruire le haut des portes du bâtiment pour que tout s’écroule devant. Il n’allait pas s’enfuir, ça non.
Les enragés étaient déjà à ma portée et m’attaquaient aléatoirement. Ma connaissance du combat et mon expérience me donnaient un avantage sur eux. Massue, épée, fléau étaient au rendez-vous, mais j’esquivais avec l’agilité d’un singe. Je les prenais à leur propre jeu en retournant leur arme contre eux, en utilisant mes arts martiaux ou ma magie. Ce fut long, mais je parvins à les mettre au tapis, me gardant le chef pour la fin. Il sortit un sabre de son fourreau et m’attaqua en premier de manière pas élégante du tout. Ses mouvements étaient lourds et lents, mais dangereux et précis. J’attendais d’avoir enregistré le rythme de ses coups avant de l’attaquer d’un coup de lame dans les poignets et de le menacer en lui mettant sous la gorge. Il leva les mains dans les airs, tremblant de douleur et sans pitié, je lui donnais un coup de pied dans le dos pour qu’il rejoigne ses copains au sol. Je les menottais tous avec l’aide de la garde et les ramenais à Era par moi-même. Les seuls dégâts avaient été faits sur ce vieux bâtiment pour bloquer les sorties et pour m’en créer une nouvelle. Mon patron était plutôt content de ma performance, mais il trouvait plutôt dangereux que je traîne le gang par moi-même à travers Fiore. J’haussais les épaules en répondant que je préférais mettre ma propre vie en danger que celle des autres soldats du Conseil. En sortant du bureau, les gars de l’autre côté de la porte me souriaient. Ils avaient vraiment porté attention à ce que j’avais dit? Je leur répondis d’un clin d’œil avant de quitter le bâtiment pour une bonne nuit de sommeil!
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Jeu 19 Sep - 13:11
