Des mages, un peu partout, qui se bousculent et se colportent des nouvelles amusantes. Leurs corps s’animent ensembles et créent une danse imprévisible. Jamais Kôta n’avait autant apprécié d’observer les mages de la guilde de son coin. Il n’était pas souvent présent dans la salle principale de Blue Pegasus, même s’il passait la plus claire partie de son temps dans les locaux. Sa chambre était son refuge, il se l’était toujours dit, c’est là qu’il lisait, se laissait aller à méditer, réfléchissait à l’avenir, aux aventures qu’il venait de vivre, et à ce qui lui restait à faire. Mais récemment, sa vision des choses avait évolué. Peut-être qu’il aimait être dans ce refuge, mais après-tout, est-ce juste d’appeler ça ainsi ? Un refuge, c’est un abri, une protection. La chambre – simple – de Kôta, qu’il n’avait jamais partagé avec quelqu’un, lui servait donc à se protéger des autres ? Peut-être est-ce comme ça qu’il réfléchissait auparavant, mais depuis un certain temps, il avait compris que c’était aux côtés des autres qu’il avançait. Il avait rencontré des personnes qui l’avaient changé, imperceptiblement, enfin qui lui avaient fait prendre conscience qu’il était temps de changer. Sa chambre n’était plus un refuge. Quand il s’y rendait, il laissait la porte ouverte. Depuis sa dernière mission avec Ayumi, la mage de Fairy Tail qui lui avait sauvé la vie, il s’était fait une promesse de mieux s’intégrer à la guilde. Une promesse pour lui, mais aussi pour Bob, son maitre. Ce dernier était tout émoustillé de voir le jeune homme de plus en plus présent dans la pièce de vie, partageant son temps libre avec les autres membres, et les nouveaux qu’il apprenait à connaître.

Partager, voilà qui lui faisait du bien. Il revoyait quelques têtes, des gens qu’il avait aidé à rejoindre la guilde mais qu’il avait perdus de vue. Il reprenait des nouvelles de personnes trop longtemps oubliées. Il prenait goût à la vie de la guilde, il apparaissait sous un nouveau jour pour tout le monde. Tout le monde le connaissait, car cela faisait quelques années déjà qu’il habitait là. Tout le monde l’aimait, car il était amical, même s’il disparaissait, distant, pendant des semaines. Mais tout le monde ne pouvait que se porter mieux de le voir se porter mieux. C’était la magie d’une guilde. Le fait que toutes les émotions, dans une pièce commune, convergent vers la même jouissance de l’instant présent.

Kôta se leva de sa chaise, il s’était installé à l’écart de tout le monde pour lire les nouvelles du matin tranquillement, puis s’approcha du bar. Il demanda une grenadine et on la lui servit directement, avec une paille – on connaissait ses habitudes. Il se retourna et contempla à nouveau le monde, en plein cœur de l’effervescence des mages. Il leva son verre à hauteur d’œil et vit toute la scène sous une ambiance violacée et pétillante. Trois garçons tournaient autour d’une fille sans arriver à se démarquer, un groupe jouait à un jeu qui paraissait amusant et s’écriaient dès qu’ils avaient un bon lancé de dés, d’autres bavardaient, prenaient des nouvelles, accouraient au panneau de mission… Personne n’était tout seul.

Un jeune homme arriva aux côtés de Kôta et commanda un verre d’alcool. L’ambiance était en effet à la fête, le soleil se couchait aux travers des larges vitres et baignait la pièce d’une chaleur épanouissante. Kôta se tourna vers son voisin et le scruta de haut en bas. Il l’avait déjà entrevu, mais jamais ils ne s’étaient réellement parlé, il lui semblait. Son prénom commençait par Da-quelque chose. C’était tout ce qu’il savait sur lui. Kôta réfléchit un peu, fouillant rapidement dans sa mémoire, puis se souvint.

« Damaz, c’est ça ? Enchanté, je m’appelle Hirata Kôta. On ne s’est jamais parlé, je crois, mais je crois que pourtant ça fait un moment que tu es arrivé. Enfin tu pars beaucoup en mission il me semble. Faut pas avoir peur du fait que je parle beaucoup mais c’est comme ça, j’ai jamais trop réellement cherché ce que ça voulait dire. L’important, c’est que je parle, nan ? Excuse-moi d’être trop bavard. Je tiens juste à te faire savoir que je suis content de te rencontrer et que tu peux compter sur moi si jamais tu souhaites une quelconque aide ou n’importe quoi… Je serais là. »

Kôta se mit soudainement à rougir, et leva sa paille à hauteur de la bouche pour boire et attirer l’attention ailleurs que ses joues rosées. Il manqua le tir et la paille se planta dans son nez. Le barman, qui observait la scène, se mit à exploser de rire. Kôta était désemparé, et rougit encore un peu plus.

« Sacré Kôta, tu me fais sacrément rire quand tu t’y mets, tu le sais, ça ? »

Kôta se mit à rire à son tour. Il se demanda ce que penserait ce Damaz de lui. Pour une présentation originale, ça l’était, du moins il n’avait jamais tenté un tel registre. Le barman posa son verre devant Damaz. Ca n’avait pas la même essence que la grenadine du garçon. La porte d’entrée s’ouvrit soudainement, et une sorte de messager traversa la pièce sous les yeux de chacun pour disparaitre dans l’escalier qui conduisait aux appartements de Bob. C'était chose fréquente, sans doute un avis de mission, bien qu'il était assez tard pour ce fait. Kôta fixa à nouveau son attention sur Damaz. Quel genre de personne était-ce ?