L’air à Fiore est plutôt bon en soi, mais c’est la présence d’Ash qui me permet de profiter pleinement de chaque seconde, de me rendre compte que je suis vraiment chanceuse d’être ici. En m’installant avec lui, c’est comme si je recommençais tout. Qui suis-je ? Amber, enfant des rues de Seven, rattachée à nulle part, ni personne. A part Aston, qui se souvient réellement de moi ? Je me suis peut-être montrée trop spontanée en m’invitant moi-même chez lui, mais je n’avais pas d’autre moyen viable de le recontacter directement… Une lettre ? Et s’il n’avait pas pris la peine de l’ouvrir ? Non, il fallait que je le rencontre en face-à-face, pour savoir vraiment ce qu’il pensait, et je suis donc arrivée chez lui. Sans scrupules, j’ai utilisé ma magie des émotions sur lui pour savoir ce qu’il pensait. C’était la seule fois que je le ferais. J’ai sentis quelque chose de chaleureux, de discret, timide, mais réel. Envers moi. Ça m’a fait un plaisir fou, comme si… comme si enfin quelqu’un se souciait de moi. Sans trop en parler, j’ai pris mes marques dans sa petite maison. On vit à deux, sans formalités directes, comme si on l’avait toujours fait, comme s’il était… normal, que deux amis vivent ainsi si proches. Oui, nous sommes des amis, n’est-ce pas ? Rien de plus. Juste de la chaleur, une chaleur timide, mais agréable.
Il est grand, humainement parlant, mais tellement têtu ou borné, ou je ne sais quoi. Je veux dire, il est tellement empli de bonnes attentions, d’espoirs vaillants. On sent qu’il peut faire de bonnes choses. Mais il a une espèce de blocage qui entrave tout ça. C’était frustrant, au début, pour moi, de le voir se démener mais se décourager aussi vite. Il m’a confié, un soir, qu’avant, il ne baissait jamais les bras, mais qu’en « ces jours sombres » (je vis chez lui mais les jours sont quand même sombres ? ca m’a fait mal sur le coup) il se laissait abattre facilement. J’ai posé les bonnes questions ; au boulot, il n’y a rien de spécial qui puisse le déranger. Non, le véritable problème, c’est son épée. Hiken, épée soi-disant sacrée. Elle draine sa force, elle draine sa personne. Il en devient dépendant, alors qu’il répugne de plus en plus à l’utiliser. Il devient autre quand il la dégaine. Il a une nouvelle force, mais une force peu convaincante, une force… mauvaise. Oui, c’est ça, je crois. L’épée est mauvaise pour lui. Elle a un potentiel trop puissant pour qu’un simple homme comme lui ne l’utilise, c’est triste à dire, mais c’est la vérité. Il n’est pas (encore ?) apte à utiliser Hiken. Plus j’aborde le problème avec lui, plus il se montre froid. Au début, tout allait bien, mais au fil des jours, il s’est assombri. Il sombre progressivement, et je ne sais pas quoi faire pour l’aider. Lui changer les idées ? Je m’y efforce continuellement, mais après deux heures passées l’un avec l’autre à rire, il se renfrogne, annonce que le devoir l’appelle, et disparait. Il ne peut pas vivre sans son devoir. Je passe au second plan. Il le sait, et je le sais. Ça fait mal, mais l’appel du devoir est ancré trop profondément en lui, je n’y peux rien.
Aujourd’hui, il est rentré tard, et j’avais préparé un repas avec quelques légumes achetés au marché du quartier. Il m’a souri, sans un mot, en me voyant épuisée pour avoir fait ce genre de festin. On s’est installé, face-à-face, et on a mangé. Il n’aime pas parler pendant ces moments alors j’ai appris à me taire. Quand nos assiettes sont vides et nos ventres remplis, la conversation a enfin pu commencer. Lui qui est d’habitude si distant, m’a pris délibérément la main et l’a serré fort. Il m’a dit que j’étais bonne pour lui, que je lui permettais de ne pas perdre pied sous tout le travail. Je lui ai dit qu’il n’avait pas à autant se forcer de travailler. Il a acquiescé, son regard s’est éteint, et il a lâché ma main. Je me suis levée pour le laisser dans ses contemplations muettes, lasse de devoir le voir ruminer sans cesse, et je suis sorti dehors en passant par une fenêtre pour grimper sur le toit de sa maisonnette. L’air était frais, l’ambiance agréable. Il m’y a rejoint, et il s’est excusé. Il s’est blottit contre moi, et il m’a parlé que le souvenir de sa mère se faisait trop pesant, qu’il songeait à aller la voir de plus en plus, mais que sa promesse était loin d’être rendue : il n’arrivait pas à maitriser l’épée. Je lui ai rappelé l’évènement dans les plaines proches de la ville où il a réussi à contrôler Burst, une des formes de sa maudite épée. Il m’a dit que j’ai réussi à lui faire passer une étape, mais qu’il en reste tant. Je n’ai pas su quoi répondre, attristée de ne pas pouvoir l’aider.
La beauté de Fiore m’émerveille un peu plus chaque jour. Il m’a dit qu’il a ressenti la même chose, des années auparavant, quand il s’y est installé. Je lui ai demandé pourquoi il n’avait pas énormément d’amis – personne n’est passé le voir depuis que je suis là – et il m’a dit qu’il était trop concentré sur son travail pour se le permettre. Sa vie est donc vouée à servir, à porter Hiken ? Oui, il le répète inlassablement. C’est courageux. Il sacrifie sa vie pour une cause juste. Il a rejoint le Conseil Magique pour ça, pour servir, acquérir la mobilité facile, aller au contact des gens. Il m’a pourtant confié quelques craintes : ces derniers temps, la population est moins proche de lui. Autrefois, il lui arrivait de marcher tranquillement, et quelques personnes venaient le saluer, le bénir pour sa fonction. Il les aidait tellement, en effet. Aujourd’hui, les gens sont devenus méfiants. Le Conseil n’arrive pas à guérir tous les maux. Le monde se meurt et les gens cherchent une autre alternative. Moi par exemple, l’autre jour, j’ai surpris un voleur au marché et je l’ai arrêté en un rien de temps. C’était un mage, mais ses boules de feu étaient lancées sans aucune précision et il m’a été aisé de les éviter pour arriver jusqu’à lui et le mettre KO. Les gens m’ont applaudi, ils étaient contents qu’un malheur soit aussi vite réprimé. Quand, le soir, heureuse, j’en ai parlé à Aston, il m’a confié que, si ça avait été lui, il n’aurait eu que quelques remerciements, sans plus. A cause de son manteau du Conseil Magique. Je lui ai demandé d’en parler à ses supérieurs, mais ses supérieurs directs ne peuvent rien faire pour changer l’image dégradée de l’organisation. Aston lui-même, malgré ses actes braves, n’est pas haut placé dans la hiérarchie. Ce n’est qu’un pion, qu’un soldat. Il manque de tact, il ne sera jamais diplomate, ou je ne sais quoi. Ce qu’il veut, c’est être en contact avec le peuple, avec le mal pour le stopper directement. Il sera sur le terrain toute sa vie. Et si je reste avec lui, je le verrais partir, tous les matins, en me mordant les doigts jusqu’à son retour.
Justement, alors qu’on est tous les deux sur le toit, il parle, pour la première fois, de la situation. Du fait que je vive avec lui. Il me demande ce que j’ai prévu, pour la suite. Je ne sais pas moi-même. Il me dit que je peux rester avec lui tout le temps que je souhaite. Nos regards se sont croisés, se dérobant au paysage, quand il a prononcé ces mots. « Reste autant que tu le souhaites ». J’ai vu dans ses yeux, j’ai senti au timbre de sa voix… Quoi ? Ma magie s’exerce parfois malgré moi, il y a des réminiscences qui agissent contre ma volonté et qui me permettent de connaître les émotions d’une personne autour de moi. A cet instant précis, ma magie s’est activée sans que je ne le demande, et j’ai compris ce que ressentais Ash en m’invitant chez lui. J’en ai eu les larmes aux yeux, j’ai ouvert les bras et je les ai passés autour de son corps. Pas très habile, il a refermé ses mains sur moi, lui aussi. J’aime son naturel un peu tendu, ses gestes imprécis, timides. Je l’aime.
Nous restons blottis l’un contre l’autre pendant une éternité, l’espace de toute une vie.
Quand l’étreinte se desserre, nous sourions tous les deux. La lune est haute dans le ciel. Nous nous levons et nous redescendons dans sa maison. Le feu crépite dans la cheminée. Il enlève ses habits du Conseil et les pose prêt du fourreau de l’épée, sur une petite table au fond de la pièce principale. Je l’observe du coin de l’œil. Il frôle du bout des doigts le manche de l’épée, comme transi par une voix inaudible qui l’appelle de l’intérieur, mais son mouvement furtif se résorbe et il revient vers moi. L’air grave, il me dit que si je veux rester, il va falloir faire attention. Je lui réponds que j’en suis consciente. Nous regardons la lame, au loin. Elle nous nargue, il y a quelque chose de mauvais en elle. L’Autre, comme Aston l’appelle. La nuit, il sanglote dans son sommeil, il fait un mauvais rêve, toujours le même au vu des paroles qu’il prononce en dormant : il se fait poursuivre par l’Autre et se fait vaincre, puis l’Autre s’approche de moi-même et me tue. « Non, pas Amber, ne la tue pas, pas elle, s’il te plait, je ferais tout pour te servir, mais pas elle, je t’en supplie… » Ses plaintes étaient longues, dans la noirceur de la nuit, et m’empêchaient de dormir. J’en deviens moi-même pétrifiée. Je ne lui en ai jamais parlé, mais Aston sait que j’en suis conscient. Il y a cet Autre avec nous deux, qui nous observe, qui nous contemple, et qui va frapper, un jour ou l’autre.
Nous nous couchons. Je suis allée chercher Aston alors qu’il se préparait à dormir sur son petit canapé et je l’ai guidé, dans le noir, jusque dans sa chambre. Son lit est suffisamment grand pour nous deux, et sans un mot, nous nous y allongeons, chacun de notre côté. La nuit est particulièrement violente. Il s’est débattu tout seul dans son sommeil. J’ai tenté de le calmer, dans l’impossibilité de le réveiller. Ses propos, ses gestes étaient un doux euphémisme pour montrer sa rage. Au bout de dix minutes, il se calma. Je ne réussis pas à m’endormir. Il avait terminé sur ces paroles « C’est trop tard, Il est déjà là. » et elles me hantent.
Le matin, il se lève avant moi et se prépare. Il a reçu une missive urgente : il doit partir pour une prison et y rester 24H pour remplacer quelques gardiens. Il n’est jamais parti aussi longtemps, et l’écho de son cauchemar est encore présent dans mon esprit. Je ne sais pas s’il est raisonnable qu’il y aille, mais je ne peux l’en empêcher. Je lui propose de venir avec lui, mais il invoque les procédures pour me dire que c’est impossible. Je lui vois s’en aller, et, étrangement, mon pouvoir se déclenche une nouvelle fois. Je ressens une émotion violente en lui, quelque chose de terrifiant. Ash n’est pas dans son état normal. Qu’importe les procédures ou autres formalités, je ne peux pas le laisser seul. Je me prépare rapidement et je le suis à la trace jusqu’au train, puis jusqu’à la prison. Quelques pas avant qu’il n’y arrive, je le rejoins. Il est étonné, voire énervé de me voir là. Il me demande pourquoi je l’ai suivi, j’ai menti que je pouvais l’aider. Il a soupiré et m’a dit que je ne pourrais pas rentrer de toute façon. Je l’ai quand même suivi jusqu’à la première porte où on vérifia son identité. Le garde était nerveux, et j’ai utilisé ma magie sur lui pour comprendre d’où cela venait. Il n’était pas nerveux de nous voir arriver nous, même si moi, il me recala, mais il était nerveux pour autre chose, quelque chose qu’il préparait depuis longtemps et qui était imminent. Mais quoi ? Je confie mes inquiétudes à Ash, comme quoi cet endroit regorge de mauvaises émotions. Mais il reste muet, et rentre. Moi, n’étant ni du conseil, ni prisonnière, ne peut rentrer. Je vois Ash, happé par les ténèbres de la prison, tandis que je reste à l’extérieur. Comment rentrer ? Maintenant que je sais qu’Aston est séparé de moi par une barrière quasi infranchissable, je panique réellement. Je pressens quelque chose d’affreux. Il n’aurait pas dû venir ici, il n’aurait pas dû travailler après sa nuit désastreuse. Je fais le tour de l’immense prison jusqu’à trouver une autre entrée où les gardes ne me connaissent pas. Je prétexte venir pour une visite. Par chance, les heures accordées aux visites viennent tout juste de tomber. On me demande qui est-ce que je viens de voir, sachant que très peu de criminels peuvent recevoir des amis ou de la famille, et je dis un nom au hasard lu dans un journal. Le garde réfléchit quelques secondes puis me laisse entrer. Bingo.
Je suis dans la salle des visites, sous le nom d’ « une amie », et le prisonnier vient me parler. Il grogne en m’avouant qu’il ne me connait pas. Je lui murmure que c’était le seul moyen pour moi d’entrer dans la prison, en prétextant être une amie à lui, et je lui demande s’il sait par où je peux continuer mon avancée sans me faire surprendre. Le prisonnier éclate de rire et appelle les gardes, avouant qu’il ne me connait pas. Les gardes me demandent de sortir, je me débats, j’appelle Ash, en vain. Ils me trainent jusque dehors, mais je ne me laisse pas faire et j’assomme un garde. C’en est assez pour eux et ils m’assomment à mon tour.
Je me réveille au son d’une voix. C’est Ash, je ne l’avais pas reconnu. Il est furieux. Il me demande pourquoi j’ai fait tant de remue-ménage, ayant presque compromis sa mission. Il me dit que, pour la sécurité de tous, je resterais dans cette petite cellule jusqu’à la fin de son service. Je suis humiliée, je lui demande pardon et de rester avec moi, mais il me regarde à peine. Il s’apprête à partir quand une explosion retentit en secouant les murs. Il sort à la va-vite, je le suis, ne voulant pas croupir dans ma cellule – il ne dit rien et me laisse venir avec lui. On s’approche d’un couloir empli de cellules, plus loin. On remarque qu’une loge est vide, le mur de l’autre côté détruit par une moyenne explosion, et trois silhouettes courant au loin dans la plaine. Aston peste contre un garde pour qu’il ouvre la grille de la cellule, et, une fois ceci fait, il la traverse en quelques enjambées et saute dans le trou, allant à la poursuite des trois évadés. Je fais de même, échappant aux gardes et à ma rétention provisoire. Je cours aux côtés de mon ami, aux côtés d’Ash, mais il ne me voit pas. Ses yeux sont focalisés sur les trois silhouettes lointaines. Un garde nous suit et nous rattrape. Je lui demande, sachant qu’Ash ne voudra pas parler lui, comment c’est possible. Le garde avoue qu’il ne sait pas, car aucun engin explosif n’est stocké dans la prison et les prisonniers ont normalement des menottes qui les empêchent de traverser l’enceinte. Or, au loin, on distingue leurs bras, libres, dans la pénombre de la nuit tombante. Une autre détonation, minime, retentit. On tire sur les trois fugitifs, au risque de nous toucher également. Mais ils continuent, rescapés de la valve des balles. Le garde, peu habitué à courir sur de longues distances, s’essouffle et stoppe. Aston prend de l’avance et rattrape progressivement les trois détenus qui se dirigent vers une large forêt. D’un coup, les trois détenus se retournent et nous font face. Aston sort son épée sous sa forme enflammée, la lame-torche resplendit dans la nuit. Il demande comment ils ont réussis à s’en aller. L’un d’eux rigole, s’approche et tend ses bras devant lui. Je sens la magie prête à jaillir et, d’instinct, je plonge sur Ash pour le protéger. En effet, du creux des mains du fugitif sort une sphère qui roule jusqu’à nous et finit par exploser. On est projeté plus loin, je suis blessée mais Ash est sauf. Le temps qu’on se relève et qu’on reprenne nos esprits, ils ont disparus dans la forêt. Ash, sans un mot, reprend son épée et part à leur poursuite. Je l’appelle mais il ne m’entend pas.
Le garde essoufflé arrive à ma hauteur. Il dit que, dans la forêt, il sera impossible de retrouver la trace des trois fugitifs. Je lui avoue que ma magie me permettrait de les sentir à la trace, et il accepte de m’aider à avancer, boitant d’une jambe, pour qu’on puisse retrouver Ash et les trois hommes. Nous nous enfonçons dans la forêt noire, et je ne peux m’empêcher de revoir le visage d’Ash, ce visage fermé, brutal. Ce n’est pas lui, ce n’est pas le Ash que je connais. Même s’il se dévoue au travail, cette fois-ci, il apparaissait plein de rancœur, ce qui n’avait aucun lien avec l’action. J’ai peur de ce qu’il peut faire.
Au bout d’un quart d’heure, où le garde m’a aidé à avancer sous mes indications pour retrouver la trace des autres, nous sommes tombés sur Ash qui combattait à la fois les trois mages. Ash était mal en point, mais il avait réussi à mettre un détenu KO. Restait à l’écart celui aux explosions, qui semblait prendre du temps pour en préparer une nouvelle, et un autre qui manipulait une magie aquatique. Ash déjoue les sorts du mage avec son épée et le met à terre. Pourtant, le dernier semble prêt à envoyer l’explosion. Il lance la sphère sur Ash, mais Ash la renvoi avec une lame d’air de Blast. La sphère retourne à l’envoyeur et explose sur le détenu qui tombe à la renverse, carbonisé. C’en est fini, je m’avance, seule, vers Ash, en titubant. Je voudrais rentrer à la maison, oublier tout ça. Mais Ash fait demi-tour et retourne vers la prison sans s’arrêter vers moi. Je lui demande, désespérée, ce qu’il fait. Il répond qu’il y a quelqu’un qui les a aidés à s’enfuir en prison, et qu’il doit retrouver cette personne. Il retourne, avec un rythme rapide et saccadé, vers la prison, l’épée en main. Des gardes arrivent et s’empressent de maitriser les trois détenus. Je pars, seule, à la poursuite d’Aston. Mon Aston, où es-tu ?
J’arrive à la prison sur ses talons. Malgré mes cris, il ne se retourne pas. Il va à la rencontre d’un garde et demande à s’entretenir avec lui personnellement. Ils s’en vont tous deux dans un bureau. Ash aurait-il trouvé qui est celui qui a orchestré l’évasion des trois détenus ? L’expression de son visage en s’avançant vers l’homme était horrible. Non, ce n’était pas Ash, cette personne-là. Je m’empresse de rentrer dans le bureau pour voir ce qui s’y passe, mais un garde m’en empêche car ils ont demandés à ne pas être dérangés. J’hurle que si on n’intervient pas, Ash va…
… tuer… ? C’est le mot, mais je ne le dis pas. Je dis qu’un grand danger va arriver, que Ash est fou et qu’il ne faut pas le laisser seul. Le garde, décontenancé, ouvre la porte et voit Ash en train d’étrangler l’autre homme. On s’empresse tous deux d’éloigner Ash, qui nous fusille du regard. Il dit que c’est cet homme qui les a aidés, que c’est un infiltré du même gang que les trois prisonniers, qu’on peut le voir grâce à un tatouage qu’ils portent tous les quatre. La taupe, démasquée, pour échapper à la fureur de Ash, saute à mon cou et place une lame sous ma gorge. Il menace Ash de me tuer s’il avance ne serait-ce que d’un pas.
Je me mets à pleurer. Je n’ai pas peur de la mort, même si c’est regrettable. Non, je pleure à cause de l’expression d’Ash, du moins, de la personne qui se fait passer pour lui. Car ce n’est pas Ash, cette personne-là. C’est l’Autre. Il me regarde, moi et le garde, avec amusement, mélangé par du dégout et du mépris. J’utilise alors mon pouvoir sur l’Autre. Je ne sens que du mal, aussi puissant qu’il me force à stopper. Je suis tétanisée.
«
Aston, je sais que tu es là, quelque part. Je ne t’en veux pas, je sais que ce n’est pas toi qui fait ça… »
L’Autre s’approche.
«
Tu la tues si je fais un pas ? Alors, qu’est-ce que tu attends ? »
La lame se rapproche de ma gorge. Le contact est glacial. Je continue à murmurer.
«
Ash, continue ton combat, délivre toi de l’Autre, tu es bon, tu peux le faire. N’abandonne pas. Je t’aime sincèrement, je crois en toi. »
Et mes dernières paroles s’éteignent car la lame me tranche la gorge. Mon corps tombe, je me sens partir rapidement. J’entends un tumulte. L’Autre bondit sur le garde, se fichant de moi et le tue. Il tue également le second garde innocent, puis quitte la prison précipitamment, laissant nos trois corps sans vies derrière sa marche macabre.