Wild Sonata

La jeune femme se faufile. Silhouette gracile dans une obscurité volatile. Un esprit, faucon perché sur une gouttière esseulé, la guide là où ses sens ont échoué. Les yeux clos, elle avance. Concentration unique sur une âme folle et avilie par la méchanceté. La pulsation nerveuse lui donne le sentiment qu’il est touché. Blessé. Damaz a été bien plus que dangereux pour cet idiot qui les a provoqué. Elle se glisse lentement dans les ruelles, prédatrice aigle qui guette l’erreur qui fera son profit. Une âme entortillée autour de son poignet veille, les yeux fermés, tremblant et effrayé.

La jeune demoiselle, toutes armes dehors, avançait à pas prudent. Elle hésitait, sachant pertinemment que le seul faux pas pourrait mal tourner. Une erreur de plus qui pourrait faire mal à quiconque se trouvant sur le chemin des trois mages s’affrontant. Sang pour sang. La volonté de Misto restait sombre. Elle avait du mal à rester neutre devant tant de haine et de dédain pour autrui. Pire. Elle n’arrivait pas à comprendre pourquoi il avait pris leur vie.

Un cri bref de Runolf l’alerta. Passant d’une garde basse à une garde haute, elle pivota sur elle-même, tranchant l’air où se trouvait la présence menaçante qu’elle traquait. Seulement rien n’est aisé et tout est forcé, volé, violé. Les deux lames ne rencontrèrent que le vide alors qu’un premier coup de poing désarçonnait la jeune fille. Un second la plia en deux. Un troisième l’envoya valser en l’air et le quatrième l’éjecta au loin. Damaz, âme charitable, sauta du toit pour la réceptionner. Les os craquèrent et sa peau muta, changea. Panthère devint humain roi des chats. Misto sentit ses bras se refermer sur elle alors qu’ils glissaient de quelques mètres en arrière. Le mage adverse n’en resta pas là. Un bref éclat étincela.

« Full Field »

Le bouclier d’énergie s’illumina en recevant le choc, dévoilant le visage couvert de la pourriture nécromante du mercenaire. L’ennemi était maintenant connu. Il allait être battu. Les pupilles de Misto s’assombrirent en même temps que son environnement. Sous les doigts de Damaz, huit âmes pulsaient, résonnant au même rythme que les huit autres qui habitait le jeune homme. Danseur et musicienne dégénéré. Deux âmes possédant de quoi faire l’écho en une seule attaque bien placée. Sourire rapidement esquissé et fleurets rengainés. C’est sur un simple son qu’une idée des plus folles va se jouer. Huit paires d’âmes réunis dans un seul but. Seize créatures mélangées pour le juger. But commun qui deviendra idéal atteint.

Les premiers accords de l’aigle résonnent étrangement dans l’obscurité. Un Fa mineur qui semble se moquer alors que le Do majeur insulte toute une descendance de longue durée. Un Si bémol dont le son risible ne fait que manifester la proposition de contrat temporaire être les âmes des deux damnés. Pont entre deux univers totalement décalé, opposé. Un pas. Deux pas. Misto et Damaz sont dorénavant placés côte à côte dans leur humanité. Deux maitres dont les huit âmes chacun sont dispersées. Osulf, Brynjolf, Radulf et Asulf qui jettent un œil curieux à ceux qui sont leurs alliés. Henning, Runi, Rolf et Runolf imitant un semblant de rempart vivant pour protéger le chat, le chien, la hyène et le puma qui viennent de se matérialiser. Fennec, panthère, guépard et Escrifa se font désirer. Des informations diffuses qui se mélangent dans le cerveau des deux artistes engagés pour mener cette danse des damnés. Seize âmes qui se toisent avant de lentement, silencieusement, s’entrelacer et se maintenir à flot dans la réalité. Volutes discrètes qui sont maintenant de véritables créatures qui vont lui rappeler que la vie n’est qu’une éphéméride à respecter. Seize âmes outrées qui vont d’un seul instinct le juger. Nature sauvage qui dans une simple chanson est révélée.

« Nous serons … »

Escrifa qui s’obscurcit jusqu’à devenir gris. Puma inchangé qui sourit ironiquement sous la houlette d’un illusionniste parfaitement entrainé. Hyène peureuse et mortelle dont l’œil borgne ne quitte plus la cible épouvantée. Chien montrant les crocs d’un grognement dédaigneux qu’il a laissé s’échapper. Panthère brune qui admire ses griffes allongées. Guépard râleur qui secoue la tête comme s’il semblait perdu dans la nuit sombre de l’enfer d’été. Fennec à la queue verte sombre assis et silencieux près de leurs pieds. Chat blanc et discret qui observe ses homologues comme le ferait le plus grand chef de meute du quartier.

« Les huit juges de la vie bafouée. »

Huit paires d’yeux aux âmes hybride qui fixe le jeune poney interloqué. Magie des âmes indomptée qui serait presque à elle seule l’annonce d’une catastrophe cachée. Mais qu’importe en cette sinistre soirée. Le commandement lui revient à lui, simple créature immobile au milieu des chimères des cœurs mêlés. Armée silencieuse et dangereuse qui n’attend plus que lui pour attaquer. Ce soir, le requiem de la sauvagerie va sonner.