La noirceur et la fureur.

Implacable, impartiale. Elle le suit, le poursuit, devient l’ombre de sa folie. Humain difforme aux griffes énorme. Sang qui gicle, éclabousse, les deux artistes de sa vague couleur rousse. Deux paires d’yeux indifférents devant la fin des âmes qui leur barre le chemin. Un fleuret émoussé qui assomme celui que passe un peu trop près. Une précipitation qui leur fait traverser un labyrinthe de la folie, acteur de malheur et de tuerie. Deux êtres talentueux qui gâchent tout. Une jeune brune qui n’envie rien en sauvagerie à son compagnon félin. Henning, lointain garde-fou devant cette fureur qui détruit tout. Alecto qui cherche une façon de faire tomber ce monde effroyable.

Tisiphone qui soupire à l’oreille de tous ceux qui les observent à travers les lourdes cages de fer. Compliqué. Quoi d’autre pour cette Mégère qui danse sur les parois d’un couloir sanglant et redevenu prospère. Un corbeau noir dont la musique pure est devenue encore plus noir que les ténèbres qu’elle chasse en courant dans cet interminable foire. Horrible aigle devenu tueuse pour son devoir. Se fondre dans le noir, assommer, égorger, à nouveau recommencer. Tous ceux envers qui sa fureur peut être dirigée vont y passer. Un pas, deux pas, un coup de pied qui dégage la porte qui voulait les arrêter…. Elle s’interrompt dans sa pensée. Un lourd battant de bois d’où s’échappe la lueur d’une pièce éclairée. Quatre yeux étrécis qui se fixent. Qui lancera le premier, l’assaut de la terreur sur ses sombres guignols de torture et d’horreur ?

Vous n’en sortirez plus. Prisonniers, bande d’idiot sanglant et écervelé. Vous un cadeau à mon futur client, un cadeau au plus offrant. Vous serez les pièces maitresses une fois que vous brisez.

Le son lointain d’un automne qui touche à sa fin. La main de l’adolescente qui saisit celle de Damaz. El Paz. Celle qui doucement leur intime de se calmer. Une jeune fille qui contemple avec dégoût qu’ils sont comme eux. Des tueurs, des terreurs, des tortures vivantes qui ne font que briser ce qui leur parait contre nature.

- Damaz.

Une fureur qu’elle sent s’amplifier, s’endiabler. Un instinct animal qui prend le pas sur un duo d’artistes qui s’est laissé aller. La brune posant doucement une main sur le bras de son coéquipier. Vague coup de griffes qui laisse une entaille sur son poignet. Douleur mère de la réalité. L’adolescente se coule sous les bras du jeune homme. Le tirant sauvagement à sa hauteur. Doigts chatouillant doucement ses cheveux alors qu’elle sent dans son cou son souffle chaud. Elle cesse de bouger. Elle attend, chassant volontairement Mégère qui menace de les faire couler avant même de leur avoir permis de respirer. Faible rugissement de sa part, une brève contradiction qui s’apaise quand il remarque le poignet tranché.

Henning qui observe, neutralité immaculé dans la folie rouge damnée. Sa voix vaguement masculine répond du tac au tac à cet écho si humainement dérangée.

- Ferme la, esprit de malheur. Ou alors montre-toi qu’on parle toi et moi. Il est grand temps que tu assumes ce que tu ne fais que décupler.

La panthère devient dès lors ce qui ressemble de loin à la plus sinistre des bêtes de cet environnement de torture. Un loup qui n’est plus rien d’autre qu’un grizzly blanc et mécontent. Il a identifié le danger, il sait ce qui semble les menacer. Il veut l’éradiquer. Les protéger. Réminiscence d’un vieux roi oublié. Héros d’un autre temps qui vient enfin de se réveiller. L’âme changeante et insoumise qui est un jour venu à se suicider pour tous les protéger. Il se savait prêt à recommencer. Sans aucune hésitation s’il le fallait.

Alecto qui relève la tête. Tisiphone qui lève les mains dans un geste doux d’innocence alors que Mégère a déjà disparut. Une jeune fille qui relâche son ami et lui montre la porte devant laquelle ils se sont arrêtés. Invitation silencieuse à écouter ce qui s’y déroule et à ordonner la fin de cette mission de folie. Des preuves chéries qu’ils récupéreraient sans doute dans un futur proche. Mais le temps comptait.

- Damaz, l’hiver vient de commencer. Nous devrons très bientôt retourner là-haut.