Avis de tempête

La nuit. Cette nuit chérie où tout est un véritable défi. L’aigle vole dans les rues. Il tournoie, se dérobe, s’envole. Les toits sont son voie, les ruelles sa proie de premier choix. Des cris. Dans sa nuit. Dans son ouïe. Un regard prédateur qui s’étrécie. Une main qui crochète une gouttière, experte. Un pied qui se pose silencieusement dans l’obscurité. Une course qui commence vers la source de cette voix qui ne cesse de hurler. Un éclair qui traverse le ciel tourmenté. La pluie qui tombe sur la brune dissimulée. Le tout forme un rythme qui se marie durement avec le cri effrayé. Cauchemar éveillé ? Prédateur qui s’approche, toutes griffes illuminées par la lune au dehors.

La silhouette de l’adolescente s’efface dans la faible luminosité alors que ses yeux fixent le lieu où ses pas l’ont guidé. Trois personnes. Une femme, seule. Deux hommes qui la veulent. Un rictus dégouté se peint sur le visage de la mage, exaspérée. Elle s’avance dans la ruelle, discrètement, dangereusement. Elle se hisse à la hauteur de l’oreille du premier malfrat.

- Je peux vous aider messieurs ?

Elle susurre malignement. Elle recule pour esquiver la dague apparue comme par enchantement. Misto leur fait un pied de nez, sautant gracieusement, hors de portée. Du moins l’a-t-elle crut un court instant. Deux mains qui enserrent ses bras. Son cœur surpris qui bat. Son rythme faussé qui va le lui faire payer. D’autres potentiels dangers qui apparaissent sous ses yeux agacés. Le fauve enfermé commence à se débattre avec fermeté. Sa tête heurte le nez de son ravisseur. Touché. Son pied le cueille dans sa masculinité. Coulé. Un fleuret qui chante, une fois dégainé. Le prédateur qui devient proie assommée. La jeune fille reprend l’ascendant sur la bande d’esclavagiste qui sévit devant son regard d’enfant.

- Vous n’irez nulle part bande d’idiot.

Une cible qu’elle protège, le temps qu’elle se soit enfuie. Un bruit de pas qui s’efface. Un poids en moins sur l’aigle effronté qui va maintenant affronter la vingtaine de mercenaire agacé par son interruption. Un rire. Qui perce la voute étoilée. Une pluie salvatrice qui lui dégouline sur le visage alors qu’elle esquive un couteau. Une entaille qui perce son épaule à la peau claire. Du monde. Trop de monde. Toujours plus de monde. Un danger qui ne cesse d’affluer. Pour elle. Et une mission dont l’objectif est clair net et concis. Les éliminer. Jusqu’au dernier. Misto soupire. Elle aurait des remords. Elle en avait toujours eu. Même si c’était pour un bien voulu. Elle n’aimait pas la mort. Pas plus qu’elle ne souhaitait tuer.

- Si la neige n’a pas cessé de tomber sur mes pas
Je ne retrouverais plus jamais mon chez moi.
Toi qui es venu me croiser,
Je t’annonce que ton Requiem vient de sonner.

Son corps se modifie alors qu’elle se baisse pour éviter de se faire embrocher. Un katana qui lui passe à un cheveu de la tête alors qu’elle entame la seconde partie de son récital pour annihiler la vie.

- Pourquoi dois-je sentir si tôt la morsure du froid,
Alors que déjà l’hiver de la fin n’est pas encore là ?
J’en appelle à ce frimas neigeux de deux ans,
Qui me hurle de convoquer ses vents violents.
Fimbulvetr

La tempête de neige se lève et enveloppe les esclavagistes. Un par un. Mais ce n’est que le début des ennuis. Le blizzard magique n’est que le premier tour de cette mort qu’elle leur a promise. La neige recouvre peu à peu tout de son manteau blanc immaculé. Misto prend une brève inspiration et lance le second et dernier sort de son arsenal pour achever les quelques âmes survivantes qu’elle a put remarquer.

- Piégée dans le berceau du temps,
Je rêvais de songes gelés.
Mais rien que pour toi, j’ai chanté
Cette berceuse d’une voix apaisée
Niflheim

Spectre de la mort tout juste sortie de l’enfance, la jeune fille semble pleurer alors que la tempête s’est apaisée. Une première larme qui s’écoule sur son corps gelé. Une seconde qui tombe sur la neige clairsemée. Une main qui attrape la cloche autour de son cou alors qu’elle tombe à genou. Elle se met à pleurer silencieusement. Elle avait le choix mais elle n’a pas pris celui qu’elle aurait dû. L’adolescente a l’impression de s’éloigner lentement de tout. De cette voie qu’on lui avait donnée, de ce monde qu’elle voulait protéger. Un de ses loups lui lécha la joue alors que son apparence normale se reformait.

On ne fait pas toujours ce qu’on voudrait.