Elle l’avait entendu à la guilde. À la frontière de l’est menant vers le sud de Fiore, en pleine forêt, de nombreux monstres vivaient librement. Leurs allures toutes plus étranges qu’absurdes et leurs tailles démesurément surdimensionnées suffisaient à effrayer ceux qui osaient passer par-là. Une occasion en or pour la jeune femme. Personne ne lui reprocherait de faire un peu de ménage. C’était décidé, elle s’y entrainerait sans plus attendre !



Les environs plus verdoyants que jamais. Une atmosphère luxuriante au point de provoquer une sensation d’étouffement. Et soudain, des créatures commencent à apparaître, naturellement, à leur aise, pas le moins du monde effrayées par l’intruse. Évidemment, puisque cette forêt est leur demeure. Le seul souci, aucune de ces bestioles n’est effrayante ou encore gigantesque. Bien au contraire, petites, mignonnes et inoffensives, on aurait presque envie de les adopter. Et même Seiren craque pour les petites choses mimi à croquer.
Un genoux à terre, une main tendue…

▬ Hola… Viens, n’aies pas peur. Je ne vais pas te manger…

Le regard fixé sur la petite bête adorable qui avance doucement, mais sûrement, Seiren se disait qu’elle allait faire demi-tour. Aucun monstre à deux têtes en vue, et puis abîmer le décor ne servirait à rien. Depuis quand se fiait-elle si facilement à ce qui se disait à la guilde ? Depuis quand elle leur faisait confiance ? Elle avait commencé à changer depuis sa rencontre avec Natsu-san et les autres. Au fil des missions effectuées, l’assurance, l’habitude et le confort s’installaient petit à petit. Sa main commence à tressaillir et s’affaisse. *Il faut que j’arrête. Sinon tout va à nouveau disparaître.*

▬ Ca pourrait être bien s’il y avait des gens amusants auprès de toi. Puisque cette tragédie pourrait être une comédie, tant que tu es avec eux.
▬ Oui ça pourrait être bien. Ta tragédie qui devient une comédie.

La fée en tombe sur les fesses. Les deux petites bêtes se tiennent face à elle et l’observent comme si c’étaient elles qui venaient de prononcer ces mots.

▬ Haha ! Impossible. Vous ne pouvez pas parler. Surtout pas pour dire des absurdités. Le silence s’impose quelques secondes. Quelques secondes de réflexion. *Happy parle. Happy est un chat avec des ailes. On est dans un monde empli de magie. Bien sûr qu’elles peuvent parler.* Soupire. Laissez tomber, j’ai rien dit.

Blasée, Seiren se relève et commence à rebrousser chemin.

▬ Tu es lente, mais intelligente. Tout n’est pas totalement perdu.
Seiren tourne la tête pour toiser les deux bêtes d’un regard plus noir que violet.
▬ Il semblerait qu’elle ne nous câlinera pas...
▬ Ne sois pas si déçu. Ce n’est pas ici qu’elle se montrera la plus tendre. Puisque les grosses bêtes qu’elle cherche vont bientôt sortir de leurs tanières pour chercher à manger.
▬ J’ai peur.
▬ Ne t’inquiètes pas. Elle va faire un peu de nettoyage dans la zone.
▬ Mais vous êtes quoi au juste ?
▬ Nous sommes nés de la magie pure pour aider les prêtres et prêtresses dans leurs divinations. Mais l’histoire fait que ces hommes et femmes sont devenus rares. Alors, nous aussi. Nous sommes dotés de capacités extra-sensorielles.
▬ Des êtres hyper-sensibles. Ce que tu ne seras jamais si tu continues à reforger ta carapace à chaque fêlure...
▬ Tu es bien arrogant pour une si petite bestiole…
Seiren le chopa par les oreilles.
▬ Je te retourne le compliment.

▬ GRAAAAAAOOOOUUUUUUUUUHHHHHHHHH !!

La terre trembla sous un poids lourd. Les oiseaux s’éparpillèrent en un seul envol et la bête apparue dans le dos de Seiren, la surplombant d’au moins deux fois sa hauteur. La tête baissée, la bête humait l’air et relâcha un souffle étrange. Signe d’un contentement ?


Elle ouvrit sa gigantesque mâchoire et laissa tomber un peu de bave qui coula le long du champ électromagnétique de Seiren, activée par précaution depuis le premier tremblement de terre.

▬ Ils sont attirés par les odeurs. Et tu sens bon.
▬ Très bon.

Tch.

Même sans lui faire face, elle sentit la patte se lever au-dessus d’elle, avant de se heurter à sa défense. Seiren riposta immédiatement en le repoussant sur une dizaine de mètres, défonçant arbres et rochers sur son passage, de quoi l’assommer pour un certains temps… Enfin c’est ce qu’on aurait pu espérer. Non rien. Juste étourdi et égratigné, et encore, c’était vite dit.

▬ Bon. Cette charmante discussion s’arrête là.

Isaya déposa au sol la peluche à la langue bien pendue et fonça sur ce qui lui servirait de punching-ball. Son adversaire fit de même, accourant chacun face à face pour un duel auquel Seiren décida de mettre fin rapidement. En activant soudainement sa technique de déplacement elle se glissa en un éclair sous la bête.

▬ Denpa ~ Hokaite ya kyuushuushite.

En appui sur ses bras, ses deux jambes pénétrèrent la masse velue pour frapper en plein abdomen. Kroek kraok… La bête s’envola dans le ciel dans un cri plaintif et arrosant par la même occasion, les environs avec le sang qui s’échappait de sa grande gueule. Pour avoir la force de ne pas plier sous le poids de la bête, Seiren avait entouré ses bras et ses jambes d’ondes électromagnétiques. Et une fois l’impulsion donnée, la force brute qui y est condensée fit le reste. Brisant les côtes, jusqu’à atteindre les organes internes.

▬ Et bien ce n’était pas compliqué. Je n’ai même pas pu utiliser ma nouvelle technique…
▬ On dirait que tu es déçue.
▬ Mais ça a dû alerter sa famille...
▬ Tu vas pouvoir continuer ton entrainement.
▬ Quoi ?! Attendez. Quelle famille ?
▬ Ce n’était qu’un jeune qui a dû échapper à la surveillance de ses parents.
▬ Ils sont déjà là.
▬ Quoi ?!

Encerclée par des montagnes. Ce fut la sensation accablante qu’eut Seiren.

▬ Et juste pour savoir… Comment vous avez fait pour survivre ici ?
▬ Nous n’avons pas d’odeur évidemment.
▬ Pourquoi ai-je posé la question, c’est si évident… Soupire. Bon alors éloignez-vous de moi. Et vite.
▬ On ne va pas être assez rapide.

Pendant ce bref échange, toutes les bêtes avaient ouvert leurs gueules. Une lumière grandissait du fond de leurs gorges, accompagné d’un son suraiguë comme si elles chargeaient leur batterie au maximum. Seiren attrapa aussitôt les deux petites bêtes et s’envola juste à temps pour éviter d’être rayée de la planète. Les boules d’énergie envoyées sur son ancienne position avaient tout balayé. Il ne restait qu’un gigantesque cratère et le néant.

▬ Heureusement qu’elles n’agissent pas ensemble comme ça tous les jours… Sinon la forêt entière voire plus aurait disparu depuis bien longtemps.

*Ces mastodontes vont me suivre à la trace jusqu’à Magnoria si ça se trouve. Il ne faut pas que j’y retourne avant de leur avoir réglé leurs comptes, si j’y passe pas avant. Bon pas le choix.*

La Fée abandonna les boules de poils à l’écart de la zone « estimée » de combat ». L’une d’elle lui souhaita bonne chance, tandis que l’autre resta silencieuse, observatrice.
À son départ, cette dernière se redirigea naturellement vers la zone dont elles avaient été éloignées.

▬ Tu es trop curieux.
▬ Chut ! Je veux juste voir.
▬ C’est bien ce que je dis.

Seiren réengagea le combat immédiatement en décidant de s’en prendre directement à ceux qui lui semblaient les plus faibles… ou plutôt les moins gros. Le Raitei no seisaku pour transpercer la bête d’une vague électrique. Le Hiketsu pour en rejeter une autre qui échouera violemment sur une autre. Le Shindou no houshasen pour enfoncer une quatrième bête dans le sol avant de foncer droit vers son cœur armé de son Raitei no seisaku hyperconcentré dans sa main.
Avec le temps et l’expérience, Seiren avait gagné en endurance et alternait beaucoup plus vite entre manipulation des ondes électriques et manipulation des ondes magnétiques… quand elle ne les employait pas en même temps. La force de la répulsion du Hiketsu augmentait un peu plus à chaque fois, alors que la précision s’affinait à chaque matérialisation électrique.

Toutefois les conséquences sur son corps étaient toujours aussi fulgurantes. Et bien qu’avec sa capacité à percevoir les mouvements des masses elle put sentir même jusqu’à la rage des parents, Seiren ne put esquiver l’une des queues à têtes de serpent qui s’écrasa sur elle.

Les jeunes n’avaient pas développé ces mutations. Du moins pas encore. Le premier qu’elle avait combattu avait tout juste une petite proéminence. Et les quatre autres n’en avait qu’une. Mais pour les parents, il fallait en compter huit. Soit seize adversaires supplémentaires à prendre en compte.

Kof kof kof !!!

La jeune mage avait réussi à glisser hors d’atteinte du serpent, activant le Hiketsu pour faire bouclier, le temps de cracher à son tour du sang lorsqu’il ne chutait pas de sa plaie ouverte au crâne.
Seiren voyait flou, mais elle percevait tout de même des têtes de serpent se projeter sur la protection invisible qui l’entourait. Le liquide qui dégoulinait était certainement synonyme de venin. Elle avait donc eu de la chance lors de la première attaque. Mais sous les assauts répétitifs des parents, le rayon de son bouclier s’amenuisait. Elle déglutit et contracta chacun de ses muscles…

Le Hiketsu disparut pour mieux réapparaître pour balayer la mère qui attaqua à ce moment-là. Le souffle du rejet l’éjecta sur plus de cinquante mètres. Mais de l’autre côté, le père envoya une nouvelle boule d’énergie que Seiren eut du mal à esquiver. Une partie de son manteau s’enflamma et elle dût l’abandonner dans sa fuite… Immédiatement contrée par les queues à têtes de serpent. Elle ne réussit à en déchiqueter qu’une avec le Raitei. Une autre la balaya dans la foulée.

Harcelée de toute part, Seiren se sentait prise au piège dans un étau infernal.
La mère s’était relevée malgré une patte cassée et le duo de bêtes faisait face à la Fée qui tenait difficilement debout. Comme au cœur du cyclone, ces quelques instants de calme fut l’occasion à chacun des adversaires de s’observer farouchement. Aucun des deux parties ne semblaient prêt à abandonner. Et surtout pas Seiren, malgré le pitoyable état dans lequel elle était. Mais c’était toujours dans les pires situations qu’elle trouvait un moyen de s’améliorer. Elle espérait qu’il en serait de même cette fois-ci… ou il n’y aurait plus de prochaine fois.

Les queues, excitées, s’affairaient à tout détruire autour d’elles, produisant de nombreux projectiles aux directions aléatoires… Ce qui donna une idée à Isaya. L’instinct revint au galop et les mots magiques passèrent dans un murmure inaudible des monstres.

▬ Denji no kousokou.

Juste quelques mouvements de doigts pour être sûr de s’habituer à cette sensation encore peu familière, puis les bras. Un des arbres qui valdinguait en l’air subit l’entrave électromagnétique. Comme saisit au lasso, il se planta droit dans la tête du père qui chuta sur le côté. Seiren voulut attraper un autre arbre en plein vol, mais la mère fut plus rapide et s’élança sur elle en guise de riposte. Un premier blocage réussit grâce au Hiketsu, mais la mère continuait d’avancer, insistante et téméraire, obligeant Seiren a reculé grâce à sa technique de déplacement. Être plus loin, au cas où la longueur des serpents ne l’atteigne. Et l’évidence assomma la Fée.

Pour se débarrasser des serpents, il fallait trancher cette queue centrale. Mais les huits serpents l’accablèrent simultanément, plongeant droit sur Seiren en plein modelage de l’électricité. Défense improvisée créée avec l’électricité, des barreaux apparurent pour former un quadrillage bleuté luminescent au trait étonnamment régulier. Quatre têtes tombèrent, littéralement décapitée. Puis l’électricité s’échappa de sa forme imposée et s’étendit à nouveau librement, grillant sur son passage les quatre dernières queues.

Et alors que la mère hurlait toute sa douleur, Seiren était encore abasourdie par la variation qu’elle avait pu appliquer aussi rapidement. Plus il lui était facile de manipuler les ondes, plus sa pensée et sa concentration s’affinaient et plus elle arrivait à modeler ce dont elle avait besoin. C’était toujours très éphémère puisque Mère-Nature veillait à ce que tout revienne à sa place, mais cet état de fait était flagrant depuis son entrainement avec Laxus.
Mais la jeune mage s’écroula à terre, les conséquences se faisant cruellement sentir. Encore du sang de perdu et l’inconscience qui l’attire…
Mais la bête revient inlassablement à la charge. Seiren ne peut plus se lever. Trop d’esquives, trop d’attaques éclair, trop d’utilisations simultanées. Alors elle réitéra sa nouvelle incantation.

▬ Denji no kousokou.

Et même si l’obscurité arrivait aussi vite que son adversaire, vu sa taille, elle ne pourrait pas le rater. L’entrave autour de l’abdomen emprisonna la bête qui s’envola pour mieux atterrir sur le sol, la tête la première.

Ce fut la dernière vision de Seiren avant de sombrer…

▬ Elle a réussi à évoluer en plein combat...
▬ Mais elle brûle la chandelle par les deux bouts.
▬ C’est certain...

Seiren ne saura jamais que les deux petites bestioles toutes mignonnes étaient aussi capables de changer de forme. Ce furent elles qui la transportèrent de l’autre côté de la forêt, auprès de Poluyssica. En revanche, la petite Fée se rappellerait toute sa vie du sale quart d’heure qu’elle passa à son réveil. Heureusement que Wendy était passée à ce moment-là où Seiren aurait pu voir son état empirer.

*Note pour l’avenir : ne pas approcher Poluyssica-san.*

La naïve jeune femme ne se doutait pas que si elle avait le malheur de passer à la guilde, elle en prendrait à nouveau pour son grade. D’ailleurs, Wendy se garda bien de la prévenir, craignant que Seiren ne fuit définitivement la guilde…