Sofia glissa discrètement son ordre de mission dans la large manche de sa tunique. Une mission qui était gênante en soi. Un traître. Depuis quelques temps, des informations filtraient, et le Conseil craignait qu'un traitre se soit glissé parmis les gradés. Du coup, en tant de modeste recrue, elle avait reçu pour ordre de s'arranger pour trouver des données. La jeune femme avait une vague idée de où trouver une source efficace de données. Même si cela ne lui plaisait guère, elle allait devoir passer par là...
La jeune femme descendait doucement les marches à l'entrée de la petite ville près du centre du Conseil. Vêtue légèrement, maquillée, parfumée, toilettée, elle avait évité de se regarder dans son miroir avant de partir. Elle détestait l'idée même de porter ce genre de tenues. Mais elle n'avait pas le choix. Quand on voulait prendre un homme par les sentiments, il suffisait de l'attraper par la ceinture. Pathétique. Mais vrai. En l'occurrence, ses repas pris au réfectoire du Conseil (ainsi que quelques menaces senties) lui avaient permis d'entendre parler d'un endroit où les hommes du Conseil venaient régulièrement pour combler le vide dans leur cœur que leur personnalité « époustouflante » ne suffisait pas à combler. A savoir, des femmes. Un lieu de débauche et de luxure, où ils venaient dépenser leur solde pour un regard, une danse, ou un peu plus s'ils en avaient les moyens...
Elle sut rien qu'en entrant qu'elle détestait cet endroit. Surchauffé, ce mélange écoeurant de sueur masculine, de testérone, et de parfums féminins, la fumée des cigarettes, et des substances pour aider ces messieurs à remplir l'office qu'ils étaient bien incapable de faire d'eux même, plus la musique qui pulsait en fond... L'exact inverse de ce que la jeune femme aimait. Elle se coula doucement jusqu'au vigile. Un homme ridiculement musclé. Le volume ne signifiait rien quant à la force réelle, c'était la première règle du combat. Et bien sûr, on ne parlait pas de la capacité de la personne à en faire usage... Elle vint se plaquer contre lui, plaçant ses mains de façon spécifique sur son corps. Elle devait sentir son rythme cardiaque pour savoir quand elle était la plus... efficace.
Bonsoir...
Bonsoir
Elle avait franchi l'étape un. Il la regardait maintenant de haut en bas, la jaugeant, et sans doute la déshabillant. Juste ciel, déjà qu'elle portait si peu de tissu, était ce nécessaire ? Enfin... Elle ferait avec. Elle passa et repassa la main en une lente caresse sur son torse, insistant sur ses pectoraux.
J'aurais besoin d'une petite chose...
Son rythme cardiaque accélérait doucement sous les caresses. Elle sentit... l'impatience du vigile, croire contre sa jambe.
Dis toujours ma mignonne, qui sait, je pourrais te satisfaire...
Répugnant. Bonjour les sous entendus grossiers. Ce genre d'hommes était typiquement celui à abattre... Ce qu'elle aurait bien fait d'ailleurs, mais cela aurait été consigné sur son dossier, et elle ne souhaitait pas l'entacher. Déjà qu'en arriver là était suffisemment dégradant... Elle s'évertua néanmoins à lui sourire, appuyant un peu plus Mr l'impatient contre le ventre de son propriétaire.
J'aurais besoin de... discuter avec le boss...
Elle le vit instantannément déçu. Il espérait avoir mis la main sur une belle prise destinée à lui, et à lui seul. Quelle naïveté. Plus on désirait une personne, moins on avait de chances de l'obtenir... Mais elle devait le garder encore un peu sous son contrôle pour aboutir.
Si j'obtiens ce que je veux... Il y a des chances pour que nous nous revoyons... Et que j'ai besoin de quelque chose que vous serez en mesure de... satisfaire...
L'Impatient repartit de plus belle, et un léger sourire éclaira le visage du vigile. Elle passa doucement la main sur le visage. Tenir son cœur n'était plus nécessaire, elle était arrivé au bout.
Alors, avons nous un deal ?
Au fond du couloir à gauche, troisième porte. Dans une heure, ce sera mon tour de garde devant la porte, je m'arrangerai...
Merci...
Elle fila en lui adressant un léger clin d'oeil. Bon, un premier passage par les toilettes des dames, le toucher comme ça n'avait pas été des plus plaisants. La prochaine fois, elle demanderait une mission plus brutale que celle là. Vaincre des criminels, dussent ils être cachés dans un égoût, était préférable à ce genre de pitoyable numéro de charme dans ce bouiboui... Beurk. Les Sœurs seraient horrifiées de la voir comme ça. Mais il fallait parfois prendre sur soi...
Du coup, elle dut patienter une petite heure. Elle la passa au bar, à se faire acoster par tout et n'importe quoi. Les hommes qui passaient, qu'elle dut parfois fuir en se réfugiant dans les toilettes, quand elle reconnaissait certains collègues qui auraient pu faire sauter sa couverture à coup de « on s'est pas déjà rencontrés ? ». Et bien si. Même si faire le lien entre elle même et cette version si peu habillée était difficile. Des danseuses parfois. Quand en constatant qu'elle repoussait tout les hommes, en arrivait à l'étrange conclusion qu'elle préférait les femmes. Et surtout, désamorcer les tentatives très lourdes du barman. Par la Sainte Mère, s'il n'y avait pas une très bonne cause derrière ça... La jeune femme se moquait éperduement des fuites au Conseil, mais elle devait bien monter en grade... Du coup, elle se retrouva coincée comme conseillère thérapeutique du barman de cette maudite boîte de plaisir crasseuse. Les hommes faisaient une véritable montagne de presque rien. Du coup, les consoler étaient en général assez simple.
Quand enfin l'heure interminable fut écoulée, elle vit son vigile « préféré » lui faire un petit signe de tête, et se diriger vers le fameux couloir. Elle abandonna le barman en pleine crise de souvenirs érotiques pour se diriger enfin vers son objectif. Le vigile lui fit un petit clin d'oeil avant de déverrouiller la porte.
C'est une commande spéciale, s'il crie un peu, ce n'est rien, il en a besoin pour qu'on puisse... satisfaire ses besoins...
La suite derrière était plus luxueuse que ce à quoi la jeune femme s'attendait. Ce site de proxénétisme devait marcher mieux qu'elle ne le pensait. Plus écoeurant encore de penser au nombre de collègues qui devaient passer par ici. Sa cible ne se trouvait visiblement pas dans le salon richement meublé. Elle retira ses chaussures, puis avança discrètement dans la suite. Elle vit rapidement la vapeur qui s'échappait de sous une porte. Elle poussa discrètement la porte, entrant sans faire de bruit. Visiblement, il avait un coup prononcé pour les bains très chauds, elle n'y voyait absolument rien. Elle laissa son énergie couler. La température descendit drastiquement dans la pièce. Certes, elle n'avait pas le même accès à toute la puissance de l'hiver dans un bâtiment, et encore moins dans une salle de bain, mais elle avait néanmoins de quoi faire. La vapeur autour d'elle se condensa au fur et à mesure qu'elle faisait baisser la température.
Harrold Betysh gérait ce confortable gagne pain depuis une dizaine d'années maintenant. Il était très fier de ses filles, qu'il menait soigneusement à la baguette, leur payant des extras pour les informations croustillantes qu'elles obtenaient sur l'oreiller de leurs clients. Informations qu'il revendait le triple. Prenant un bon bain pour se délasser de cette longue journée de « labeur », il n'avait pas senti la demoiselle entrer. Ce ne fut que lorsqu'elle émergea de la vapeur comme une apparition qu'il se redressa doucement, nullement gêné par sa tenue.
De son côté, Sofia ne s'émouvait pas outre mesure de voir un homme nu. C'était plus laid que gênant de toutes les manières.
Mr Betysh ? J'aurais une offre à vous faire, dont je suis certaine qu'elle vous intéressera...
Mais bien sûr ma délicieuse enfant... Mais pourquoi ne viendriez vous pas me rejoindre avant que nous ne discutions ?
Visiblement, le fait que la vapeur se condense autour de la jeune femme ne l'alertait pas plus que ça. Sofia s'assit sur le rebord de la baignoire. Betysh se rallongea, fier comme un prince en s'exhibant. Tant mieux, plus il s'étalait, plus ça arrangeait la jeune femme. Elle passa une main sur son visage. Là seulement, il frissonna en fronçant les sourcils. Trop tard... Sofia trempa un doigt dans l'eau de la baignoire.
Frost Breath
La surface de la baignoire gela, emprisonnant l'homme dedans. Il tenta de se dégager, luttant contre son carcan de glace.
Maintenant, je vais poser mes conditions. Si vous voulez que je vous laisse la vie sauve, et que votre minable clapier pour filles de joie reste debout, vous allez me fournir toutes les informations que vous obtenez de vos... protégées, en particulier celles concernant des membres du conseil...
Navré chérie, je ne fais jamais rien gratis.
Sofia sortit le seul éventail qu'elle avait réussi à dissimuler dans une tenue aussi légère, puis le déplia. L'homme lui sourit. Elle lui infligea une longue balafre en travers de la joue avec. Il cria.
Inutile de crier, personne ne viendra. Voici le prix pour ces informations. Le sang qui ne coulera pas sur la glace.
Il lui cracha au visage. Sans s'émouvoir outre mesure, la jeune femme s'essuya.
Je prend cela comme un signe de soumission. Si jamais les informations que j'obtiens sont non satisfaisante, je m'arrangerai pour que cet établissement coule, de manière légale ou non.
Harrold était un homme qui aimait jouer. Et cette demoiselle lui fournissait un jeu très intéressant.
Et si nous buvions un verre pour sceller cet accord ? Il se peut que j'ai quelques informations pouvant vous palire, très chère...
Sofia lui sourit aimablement, annulant son charme local. S'il y avait une fuite, elle la trouverait vite. La prochaine étape sera de l'éradiquer. Mais pour cela, elle aurait besoin de nouveaux ordres.