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Les délires d'un soir d'orage
 MessageSujet: Les délires d'un soir d'orage   Les délires d'un soir d'orage EmptyMar 19 Fév - 23:17

Anonymous
Invité


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Sofia s'était levée avec la mine pâteuse. Il lui semblait avancer dans un univers lent et cotonneux. Elle se déplaça lentement hors du lit, se traînant jusqu'à la cuvette qui lui servait pour ses ablutions matinales. Ses traits étaient tirés, et son teint pâle, ses joues rosies par la fièvre. Son visage lui paraissait trouble dans le petit miroir qui surplombait la vasque. Visiblement, n'importe qui aurait pu lui dire qu'elle était malade. Et il semblait que c'était quelque chose d'assez virulent qui l'attendait. Elle s'était longtemps entraînée à maîtriser l'appel de la pluie. Mais l'énergie demandée pour les multiples changements de saisons l'avait rendue faible et fragile. Et comme, même si cela la faisait grincer des dents, elle ne maîtrisait pas encore bien cet état naturel, sans compter le lancement même du sort, elle avait reçu un certain nombre de douches froides.
Les quelques gardes qui s'étaient risqués à la regarder d'un peu trop revenir avec sa robe trempée avait fini dans les douves. Sauf que le froid, l'humidité, et la fatigue semblaient avoir eu raison de sa santé de fer. Elle sentait le feu dense courir dans ses veines, roulant sous sa peau comme un surplus d'énergie. Pourtant, sa peau était glacée, et l'air lui semblait vide de toute chaleur, humaine, magique ou artificielle. Elle consulta d'un œil trouble son calendrier. Elle n'avait qu'un simple tour de garde aujourd'hui. Elle survivrait sans doute...

Cependant, lorsque son chef de section la vit arriver, il la renvoya aussi sec. Elle ne pouvait discuter les ordres d'un supérieur, ce qui ne l'empêcha pas de grincer des dents tout le chemin du retour, puis de ruminer sa mauvaise humeur dans son oreiller. Elle ne voulait pas être dispensée. Cela ne pouvait que freiner sa carrière, et elle avait bien d'autres choses à faire. Pire encore, il lui avait proposé un médecin. Elle ne laisserait personne l'approcher, encore moins quelqu'un qui pouvait la prétendre faible. Cependant, toute sa rancœur et sa colère ne purent la préserver du sommeil réparateur qui la guettait. Elle s'endormit d'un lourd sommeil de plomb, ceux qui sont infectés par la maladie. Chauds, brumeux, incohérents... Et cette chaleur qui courait en elle, ne lui laissant pas le moindre répit, ces étincelles sans début ni fin qui ruisselaient sur son corps comme la sueur froide née de la fièvre. Ses lèvres séchées l'appelaient à se lever pour boire un peu. Il fallait l'admettre, son état empirait. Elle rampa jusqu'à la cuvette, buvant un peu d'eau fraîche. Elle n'était pas faible. Tout irait très bien... Le froid glacial de l'air sur sa peau brûlante la poussa à retourner s'abriter sous les couvertures. Elle perdit la notion du temps.

Puis commencèrent les délires. La folie douce de la fièvre, qui altère la réalité, la mêlant à nos rêves et visions. Mère Flora qui tricotait, en équilibre sur la vasque... Jeff, ses yeux luisant dans l'ombre, tenant un poignard à la main... Pourquoi ne la laissaient ils pas ? Elle était fatiguée, que ces fantômes la laissent... La main fraîche d'une jeune femme qui lui murmurait des choses à l'oreille. Des choses qu'elle ne comprenait pas. Mais la main était douce et fraîche, et apaisait sa fièvre. La jeune femme se leva doucement. Elle suivait la douce sœur Margareth qui lui faisait signe sur le rebord de la fenêtre. Elle s'avança en titubant, se contentant d'enfiler un peignoir par dessus sa nuisette. Elle enjamba doucement le bord, regardant le sol loin, loin en bas. Mère Flora lui faisait signe, dansant sur le sol dallé. Sofia s'assit sur le rebord, souriant. Elle avait chaud, si chaud. L'air lui faisait du bien. Et elle voulait revoir sa famille... Elle s'accrocha à la gouttière, et se laissa glisser jusqu'en bas. Là, elle suivit sa mère, qui portait un paquet linge, sans doute pour aller le laver à la rivière la plus proche. La jeune femme se glissa hors des murs d'Era par la fenêtre d'une salle désaffectée. Elle errait maintenant dans la plaine, se dirigeant lentement vers la forêt, suivant le rire des fées qui voletaient autour d'elle. Cette froide matinée de fin d'hiver soulageait sa chaleur interne... Son souffle formait de petits nuages dans la brise matinale. Mais elle était bien... Si bien... Cependant, elle aurait aimé que le paysage soit plus coloré, pour aller avec les fées. Elle sourit faiblement, appelant l'énergie qui coulait en elle. Elle entendit comme un murmure inquiet. Sans doute le bruit du vent dans les branches. Mais elle était douce avec la nature...

Les temps froids sont passés, la nature s'est reposée, entend mon chant, esprit du printemps.

Le sol autour d'elle commença à se dégivrer, tandis que de petites fleurs sauvages commençaient à croître. Le soleil caressait doucement son visage, tandis que la douceur printanière se répandait autour d'elle. Elle commença à danser au lieu des fleurs, avançant lentement vers la forêt, propageant le printemps, comme une cicatrice colorée dans la monotonie de l'hiver. Elle aimait danser. Plus que tout. Elle dansait beaucoup au temple de l'Ordre. On disait que chaque Oracle avait un talent particulier, propre à lui même. Pour elle, c'était la danse. Elle avait aussi hérité du talent pour le chant de sa prédécesseresse, Dame Alicia, mais la danse était sa marque personnelle. Qu'elle léguerait sans doute à la suivante... Elle oscillait maintenant dans la forêt, recouvrant les branches de bourgeons tendres et verts, et de feuilles jeunes et belles. Elle en voulait plus.

La nature s'est éveillée, les bourgeons ont poussé, entend mon couplet, esprit de l'été.

Une nouvelle décharge d'énergie la parcouru. Paradoxalement, elle se sentait moins brûlante. Les feuilles autour d'elle prirent une teinte plus sombre, un vert plus soutenu. Des fruits commencèrent à pousser sur les espèces précoces, tandis que d'autres espèces de fleurs remplaçaient les premières. Sofia dansait toujours, dans sa robe de chambre qui voletait dans la douce radiance de l'été. Elle avait chaud, si chaud.... Danser la caressait de la tendre étreinte du vent. Au dessus d'elle, le ciel dégagé de l'été se chargea de lourds nuages. Des nuages d'orage. La chaleur devint lourde, répondant à la fièvre de la jeune femme. Celle ci tituba, puis s'écroula près d'une souche. Elle se sentait mal. Où étaient les fées, les amis, sa famille ? Un grondement sourd retentit au dessus d'elle. L'orage. La foudre. Destructrice et meurtrière. Elle frappait la terre de son implacable sentence, brûlant et anéantissant les impurs. De nouveau, cette impression ténue d'un murmure inquiet. La foudre qui naissait de la chaleur brûlante de l'été...

Mais était ce tout ? La foudre était l'énergie qui animait les choses... Sa plus pure démonstration d'existence. La quintessence. Tout comme la chaleur. Une énergie qui certes, pouvait détruire, étouffant la nature sous son manteau cruel. Mais plus que cela, c'était la flamme vitale, le feu sacré qui brûle en chaque être, et qui lui donne la vie. La Flamme Brûlante.

Sofia se mit à gémir en sentant sa chaleur corporelle commencer à monter, monter. Puis dans un cri de délivrance, l'énergie repartit. La foudre s'abattit violemment devant elle. Puis la jeune femme s'écroula. Elle ne se réveilla que quelques heures plus tard, couverte de rosée, et passablement glacée. Son pouvoir s'était progressivement coupé, et la nature l'avait rappelée à l'ordre. Sa fièvre semblait passée. Juste ciel, qu'est ce qu'il faisait froid ! Elle se leva en hâte, se ruant vers Era, se demandant vaguement comment elle avait atterrit tout là bas. Un des gardes eut un sourire moqueur en la voyant arriver. La jeune femme prit une teinte pourpre en constatant qu'elle ne portait qu'une fine nuisette, que cachait difficilement sa robe de chambre. Elle lança l'opportun dans les douves, puis fila dans sa chambre. Elle avait l'impression ténue que quelque chose avait changé. Elle s'agenouilla, et tâcha de faire le vide dans son esprit, pour trouver la source de cette sensation. Elle trouva rapidement. Un autre verrou avait sauté. Quelque part, un esprit soupirait de soulagement. Sa protégée s'en sortirait cette fois encore.
   
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