| Sujet: Petit Miku deviendra grand Mar 29 Jan - 19:42 | |
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Lorsque mes paupières se soulèvent, j’ai l’impression d’être sous la lumière acide d’une table d’interrogatoire tant je suis éblouis. Traumatisé, l’image du mage noir m’ayant manipulé s’impose à moi avec son sourire sadique en tout premier lieu. Comme réveillé d’un cauchemar, je me redresse en sueur avant de réaliser où je suis. Des murs blancs, une pièce sobre et parfaitement propre : un hôpital. Ma respiration haletante se calme progressivement, et je laisse mon corps retomber lourdement dans un froissement de draps. Les souvenirs de l’affrontement me remontent alors en mémoire. Le livre perdu, le kidnapping de ma famille, l’intervention d’Axel…
Tu m’as appelé ?
J’aurai pu être surpris, mais aucunement. Au lieu de ça, sentir une présence rassurante dans la pièce me fait esquisser un fin sourire. La tête d’Axel apparait au-dessus de la mienne, puis tout son corps penché au-dessus du lit. Il partage mon sourire d’une complicité sans pareille. C’est amusant, on voit à travers lui comme on voit à travers un fantôme. Il s’éloigne de quelques pas et je me place en position assise pour discuter plus facilement.
« Merci pour tout, Axel. » Un silence gêné s’installe alors qu’il passe sa main dans sa crinière rouge « Je suis désolé, c’est moi qui te remercie. »
Je ne comprends pas, cela doit se voir dans mon regard car Axel se lance dans une longue explication. Cela faisait un moment déjà que le mage noir en avait après les secrets de sa famille. Axel, après avoir longtemps étudié la magie, avait fini par être capable de lire les anciens écrits de la relique familiale. S’il en avait percé les secrets, il était incapable d’appliquer au concret ce qu’il avait découvert pour la simple et bonne raison qu’il ne maitrisait pas la magie perdue que je maitrise. Il était plutôt surpris que je ne connaisse rien sur ma magie. C’est vrai que quand on y pense, elle m’est tombée dessus comme ça, et vu la diversité du monde magique je ne me suis jamais demandé si elle était ancienne ou même perdue. Enfin bref, je me cramponne à ma couverture quand Axel continue son histoire, le mage noir, ses atrocités, Axel qui devient un cœur… Il est mort, bien entendu... La profondeur du drame me met les larmes aux yeux, et quand mon nouveau compagnon s’en rend compte, il panique et s’agite dans tous les sens avant de sortir des conneries plus grosses que lui qui, mystérieusement, réussissent à me faire rire.
« Miku ! Tu es réveillé ! »
Des bras m’enlacent perturbant ainsi mon équilibre et je me retrouve collé au matelas, la tête de ma sœur contre mon épaule. En cet instant où Axel me salue pour disparaitre tel un fantôme commence de joyeuses et bruyantes retrouvailles. Ania est venue en compagnie de mes deux parents, apparemment j’aurai dormi quelques jours comme ça. Pwah, c’est pour ça que j’ai l’impression d’avoir perdu quelques kilos ? Mes cheveux s’illuminent d’une pâle lueur sous ces intenses émotions, ma faiblesse est encore bien ressentie dans tout mon corps et je ne parle même pas des mouvements douloureux. C’est d’un soulagement, je me demande si vous vous en rendez compte… Se réveiller d’un cauchemar et réaliser que tout va bien, sortir des abysses des ténèbres pour rejoindre le paradis de la vie. Ma famille va bien, nous nous en sommes tous sortis. Malgré tout, il y a comme une fausse note et je tourne mon attention vers mon père qui me connait par cœur.
« Nous sommes désolé pour tout ça... »
Où veux-tu en venir papa ? Si je sens ta culpabilité, je ne…
« Je sais, je sais, tu n’es pas télépathe. Ta mère et moi sommes désolés de t’avoir menti. Je… Ne sais pas trop comment annoncer ça. J’ai beau y réfléchir, quelle que soit la tournure elle me semble trop brute. » Il pousse un soupir, renonçant visiblement à chercher une métaphore. « Nous ne sommes pas tes vrais parents, Miku. »
Mon regard s’agrandit, tout comme celui de ma sœur qui ne semble pas plus au jus que moi. Les mots du mages noirs résonnent à nouveau dans mon esprit. Ce ne sont même pas tes vrais parents, avait-il dit pour me déstabiliser, sans compter sur l’apparition d’Axel.
« Nous t’avons trouvé sur notre long pèlerinage en Earthland, au royaume d’Iceberg. Quelqu’un t’a laissé près de notre caravane avec un mot à notre attention. Nous n’av… - Pourquoi n’avoir rien dit ? Pourquoi ne pas nous l’avoir dit plus tôt ? »
Si ma mère avait été douce dans ses paroles qui se voulaient réconfortantes, Ania bouillonnait de rage intérieure. C’est vrai, elle ne devait même pas avoir deux ans quand c’est arrivé. Je n’écoute plus trop ce qu’elle vocifère, je me perds dans mes pensées comme si un voile était venu m’isoler dans une apathie absolue. Pas mes parents. Pas ma sœur. Quelque part, ces affirmations se réfutent d’elles-mêmes, elles ne sont pas problématiques en soit, ce qui l’est plus, c’est ce vide qui vient de naitre dans ma poitrine : Qui suis-je ? Comme au bord d’une falaise, j’ai l’interdiction de sauter tout en étant hanté par ce vertige menaçant, piégé entre deux mondes. Papa prend la défense de maman face à la tempête de questions d’Ania, la tension monte. C’est pour ça que j’ai une magie bizarre ? Je me redresse de mon lit et je me lève dans une grimace crispée de douleur, ils semblent y réagir car ils se sont tous tu.
« Mais qu’est-ce que vous racontez ? Je suis votre fils, Miku, et ça c’est ma sœur Ania. - Miku… - C’est vrai non ? Après tout, c’est quoi une famille, si ce n’est les gens sur qui l’on peut compter quel que soit l’instant, quel que soit le contexte ? Je m’en fiche si je suis adopté, personne ne vous a forcé à me garder, si ? Vous avez fait le choix de prendre soin de moi, de m’éduquer, et je suis fier d’être votre bambin blond surexcité. »
Je serre les poings, les muscles tendus jusqu’au visage au point de m’en briser les dents. Je ne veux pas pleurer et pourtant je sens les larmes monter, mes yeux s’humidifier contre ma volonté. A qui vais-je me rattacher si je n’ai plus de famille, plus de racine ?
« Vous êtes mes vrais parents, et personne ne vous remplacera jamais. »
Sur ces derniers mots, la famille Takyio déclare câlin général et je laisse tout sentiment d’égarement s’envoler dans les bras de ma mère. Les problèmes viendront plus tard, mais je serai prêt à les affronter un par un, parce que de merveilleuses personnes m’ont appris à vivre.
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