Misto acquiesça, consciente du manque d’option qu’elle avait à portée. Lucy ou le prince ? La jeune femme se maudit au centuple et tourna les talons.

- Ne t’avise pas de rester coincée !

Elle s’élança, écœurée de ne pas avoir pu anticiper cela. Osulf, bien devant sa maitresse, commençait à apercevoir l’arrière du carrosse. La louve accéléra et prévint la jeune mage de sa position. Celle-ci accéléra l’allure, la main posée sur ses deux fleurets, entamant un dialogue silencieux avec ses compagnons pour choisir la réplique appropriée.

Nous ne pouvons rien faire d’utile si tu dois immobiliser un groupe.
Je sais Runi, Asulf est également inutile.
Utilise Radulf, ça te permettra de les arrêter pendant quelques minutes au moins.
Et Lucy ? Je te rappelle que nous sommes dans un tunnel et que le son se propage plus loin.
Elle ne sera pas affectée.
Comment peux-tu en être sûr ?
Elle est trop loin.
J’espère que tu as raison parce que sinon on sera dans de beau drap.
Osulf, ralentit les, j’arrive.

La louve hocha la tête et fila comme une flèche pour rejoindre les roues arrière du véhicule qui avançait à bonne allure. Elle rassembla l’énergie que Misto lui proposa pour lancer son précédent sort sur une ampleur plus faible mais plus résistante.

- Fehu Uruz Jera !

Les racines se déployèrent dans le conduit et s’enroulèrent autour de toutes les prises qu’elles purent trouvées. Les rayons des roues furent bientôt totalement envahis et la végétation se risqua jusque sur le pivot de maintien. L’hasardeuse eut un sourire satisfait et freina devant la porte de Galileo.

A toi de jouer ma cocote

Misto attrapa l’ocarina de Radulf et entama sa chanson. Sa magie n’allait pas tarder à s’épuiser à ce rythme mais elle projeta tout de même l’illusion. La brume s’éleva dans le tunnel, dissimulant l’arrivée de la jeune fille. Un double apparu illusoire près d’elle alors qu’elle posait la main sur le montant de l’entrée du carrosse. L’illusion continua son chemin pour se précipiter dans les pattes des ravisseurs. Surpris, Galileo faillit les trahir mais Osulf l’en empêcha.

- On n’a pas le temps pour les remerciements, murmura-t-elle, alors maintenant vous allez sortir et courir. Je vous couvre.
- J…

Misto lui mit sa main sur la bouche en lui faisant les gros yeux avant de le tirer par la main dehors. Elle reprit son ocarina et modula quelques accords pour former un double du Prince dans le carrosse alors qu’Osulf filait au milieu de la mêlée pour leur faire croire à une tentative de reprise de contrôle de la part des deux magesses. La diversion marcherait pendant quelques instants, suffisamment pour leur laisser le temps de fuir et pour que l’illusion nouvellement crée s’illustre dans son environnement. Ils n’avaient plus qu’à rejoindre Lucy et les achever, ensembles.

- Finissons-les en un coup. Je commence à avoir faim et pour combattre ce n’est pas vraiment top …

La jeune fille poussa Galileo devant elle et se plaça côte à côte avec Lucy. Les deux fleurets luirent doucement dans l’obscurité alors qu’ils quittaient leur fourreau respectif. Misto se mit en garde et siffla. Deux fois. Osulf et l’illusion disparurent dans un battement de cil, laissant les deux jeunes femmes bien visibles à l’intérieur du conduit. Les adversaires étaient deux. En chapeau melon et botte de cuir qui leur donnait une élégance … Plus que douteuse. La jeune femme s’avança furtivement vers le sien, rapière au clair, et porta son double coup d’estoc sur l’homme. Les deux lames rebondirent sur la roche qui protégeait Charlie Chapline alors que Lucy commençait à s’attaquer au Chat botté. Au moins, elle avait choisi le bon adversaire pour rire un peu.

Alors qu’elle repartait dans un nouvel assaut, elle rassembla ses deux armes et frappa dans le dos. Son ennemi, visiblement plus lent, sentit le dos de son costard s’ouvrir comme un rose à la saison des pluies. Il grogna vaguement et matérialisa un pilier de pierre d’un mouvement laxiste du bras. Misto se retrouva projeter contre le plafond du tunnel. Réprimant un cri de douleur en sentant les irrégularités s’enfoncer dans sa chair. Elle retomba au sol, ses poings serrés à en faire blanchir ses phalanges. La Kashu se releva et se remit en garde, plus prudente que précédemment. Cela du plaire à l’autre hurluberlu puisqu’il en rit. Pathétique qu’il disait. Il allait en voir le tranchant du pathétique tiens.

Maitrise-toi un peu petite.
Ouais, ressaisis toi ou tu y passeras.
Asulf, tu ferais mieux de ressortir l’aider.
Peux pas. Demande à Henning.
Ah non. Elle se débrouille seule. C’est elle qui a merdé pas moi.

La gentillesse légendaire des esprits. Misto soupira et projeta son énergie dans Runi. Les notes de musique violacée luirent dans l’obscurité, prête à laisser un doux souvenir sur la peau de l’adversaire. La posture de la jeune fille changea, plus basse et plus agressive. Elle resta immobile, guettant le moindre déplacement qui trahirait la position de sa proie. Patiente et attentive comme un prédateur, elle esquiva un nouveau pilier avant de se remettre en position d’attente. Focalisée sur son objectif. Un mouvement sur son flanc droit attira son attention. Son pied fouetta l’air et s’écrasa durement contre un mur de terre. Raté. Elle recula et reprit sa pose initiale. Elle le repéra un peu plus loin et joignit ses deux lames pour une offensive.

- Judgement Soul

La demoiselle fit trois pas en avant pour le rejoindre, l’arme unique vrombissant dans son dos. Elle pivota sur elle-même et porta le coup de taille en utilisant sa vitesse pour l’amplifier. Le tranchant immatériel toucha sa cible. L’homme s’effondra sans connaissance alors que Misto suspendait son sort pour ranger ses fleurets. Elle remarqua que sa coéquipière en avait elle aussi fini et lui fit signe.

- Lucy, Galileo, allons-y !

La lumière à la sortie du tunnel éblouit Misto. Elle leva sa main pour se cacher les yeux, le temps que ceux-ci s’habitue à la luminosité naturelle. Ils reprirent la route tranquillement, côte à côte sur le carrosse. Le prince leur parla de tout et de rien alors que la Kashu, dos à eux, retirait son débardeur le temps de bander ses blessures. Elle maugréa deux trois fois en se faisant mal jusqu’à ce qu’elle capitule pour demander de l’aide à Galileo. Le dauphin, hésitant, avait rougit en passant la bande de coton par-dessus le soutien-gorge noire en dentelle de son escorte brune. Celle-ci avait patiemment attendu qu’il finisse pour remettre son haut et s’emparer de son repas. La jeune femme se régala d’un copieux sandwich alors qu’ils passaient la frontière entre Seven et Iceberg.

Le paysage changea lentement, se couvrant un peu plus de neige fraiche et immaculée à chaque pas. Le vent, doucereux, se leva pour leur rappeler qu’il avait changé de climat. Les flocons tombaient dru autour d’eux, les laissant profiter de temps à autres d’un aperçut de la forêt qui bordait la frontière. Le fond de l’air chuta, faisant frissonner la jeune fille. Elle soupira, regrettant d’avoir abandonné son manteau sur le chemin et choisit de sauter du toit où elle s’était installée pour déjeuner. Elle se réchaufferait en marchant et ça irait très bien.

- On est encore loin de la capitale ?
- Je dirais que, grâce aux enquiquineurs de toute à l’heure nous arriveront d’ici la nuit. Si vous regarder bien, vous verrez le fleuve Sigmund qui coule pas loin de là.
- Vraiment ?
- Oui Galileo. Je l’entends d’ici.
- Au fait, Misto, vous n’avez plus votre capuche.
- Je sais, fit-elle en remarquant une présence qu’elle ne connaissait pas à proximité.
- Vous êtes bien mieux ainsi. Si je puis me permettre.
- Je pars en éclaireur, je n’en ai pas pour longtemps.

Misto s’élança sur le chemin, s’éloignant temporairement de la caravane. Elle voulait voir si la présence allait la suivre. A son grand dam, celle-ci se volatilisa, comme si le fait d’avoir été repérée ne lui donnait plus de raison de continuer. Elle trouva cela légèrement étrange. Un espion ? Un assassin peut être ? Qui pouvait donc bien leur courir après en se dissimulant ? Elle s’immobilisa et scruta le ciel en attendant les autres. Osulf avait raison. Une tempête de neige allait bientôt éclater. Elle le ressentait dans la manière du vent de tourner, langoureusement, autour d’elle, transportant les flocons froids sur sa peau. Sur le fond de l’air humide qui lui traversait la chair de part en part également. Elle entendit un craquement dans son dos. Elle pivota et adressa un sourire à Lucy et Galileo.

- Nous avons encore cinq bonnes heures de marche et le blizzard se prépare. J’espère qu’on arrivera un peu avant parce qu’il n’y a pas de relais sur cette route-là. En attendant il vaudrait mieux que vous rentriez à l’abri Prince.

Il hocha la tête et s’exécuta sans discuter. Il connaissait les contraintes du climat après tout.

- Lucy, tu ferais mieux de t’assoir avec lui si tu ne veux pas attraper froid. Ne t’inquiètes pas pour moi, ça ira.

Misto grimpa sur son perchoir d’origine et s’allongea sur le toit en regardant le ciel. La fin de la traversée n’allait être qu’une question de vitesse contre le blizzard. Dure mais pas impossible.

- Ne t’en fait pas Lucy, tout ira très …

A peine eut-elle commencé sa phrase que le vent tourna et que le ciel s’assombrit. Oups. Les nuages se rassemblèrent en une masse compacte et la neige tomba plus drue, plus serrée. La température chuta également. Comme si ce n’était pas déjà assez froid comme ça tient ! Frissonnante, Misto sauta de son perchoir pour attraper la poignée de la porte du carrosse. Elle l’ouvrit et s’y engouffra, refermant illico la porte au nez des flocons.

- Mauvaise nouvelle, on est dans le blizzard et il a l’air plutôt … furieux.

L’adolescente s’assit à côté de Lucy en soupirant d’aise dans la chaleur de l’abri. Dehors, les chevaux avançaient nettement moins rapidement, au vue des conditions. Ils finirent même par s’arrêter, au grand soulagement de la jeune fille. Mieux valait rester immobile que de se retrouver perdu ou pire, noyés dans le Sigmund de toute façon. Il faisait un froid de canard aussi bien à l’extérieur qu’à l’intérieur du carrosse. La mage d’Eagle’s Claw bailla vaguement et s’installa confortablement sur son siège.

- Je ne sais pas pour combien de temps nous en avons, mais nous ferions mieux de trouver un moyen de nous occuper. Si nous nous endormons, nous courrons le risque de nous faire ensevelir et de mourir de froid.

Le prince haussa les épaules. Il savait tout ça, elle n’avait pas vraiment besoin de le lui dire. Nan, en fait, c’était plus pour Lucy que pour lui. Ils étaient tous les deux originaires d’Iceberg et donc habitué aux caprices du temps hivernal mais pas la mage de Fairy Tail.

- Tiens, en parlant de froid, je viens d’avoir une idée. Que diriez-vous d’une bouillotte ? Bon, d’accord, elle est poilue et elle peut râler mais au moins, elle tient chaud.
- Cela ne se … refuse pas vu les circonstances, grelotta le Prince.

Misto sortit un de ses ocarinas et s’attela à la tâche. Trois mélodies différentes retentirent dans l’abri. La première, entrainante à souhait, fit apparaitre Asulf, qui alla se nicher sur les genoux de Galileo avec autant de délicatesse qu’un pachyderme dans un magasin de porcelaine. La seconde sonna comme une complainte, invitant Henning à aller fourrer sa truffe dans le cou de Lucy pour un câlin réchauffant. Vint enfin le petit dernier et son chant doux pour invoquer la petite Osulf. La brune s’assit à même le sol alors que la louve se couchait sur ses genoux. Elle soupira d’aise en sentant la chaleur bienfaisante que celle-ci lui dispensait et relança la discussion.

- Hey Lucy, raconte nous une de tes missions à Fairy Tail. J’avoue que je serais curieuse d’en apprendre un peu plus sur vous et d’avoir des nouvelles de Gray. Je ne l’ai pas recroisé depuis l’incident du manoir de Jack Olan Tern. Et puis, entre Titania et Salamander, tu dois bien avoir des anecdotes à raconter, non ?
- Gray c’est qui celui-là ?
- Un nudiste Osulf. Tu ne l’as pas croisé mais nous oui. On a réussi à échapper à des fantômes grâce à lui.
- Un nudiste … Mon dieu ma fille, tu as un don pour t’attirer tous les types étranges du pays ma parole !

- Eagle’s Claw ? C’est un peu comme un nid où on peut tout trouver. Les bonnes comme les mauvaises choses. On est plus discret mais nous n’en restons pas moins une grande famille.

Le vent fit osciller la caravane, interrompant Misto et faisant sursauter Osulf. Elle le rassura d’une caresse et regarda au-dehors. La tempête balayait la zone autour du carrosse avec force et vélocité. Un vent pernicieux s’insinua dans la pièce, amenant un soupçon de givre avec lui. Misto frissonna et attrapa sa louve par le cou.

- C’est amusant de constater que la Maitresse et son bras droit sont régulièrement absents et qu’il me laisse le soin de porter la guilde avec ma sœur. Cela dit ça n’enlève rien de son charme à Eagle’s. Un jour nous deviendrons suffisamment forts pour pouvoir protéger tout le monde et guider les aigles sur les bons chemins.

Demi-vérité. Demi-mensonge. Asulf remua un peu sur les genoux de Galileo. Le prince se leva et s’approcha lentement de la jeune fille. Il retira sa veste à mi-chemin et la lui posa sur le dos avant de lui ébouriffer les cheveux. Il souriait.

- Un bien noble but pour une si jeune fille. Tu fais honneur à Iceberg Misto.

Il retourna s’asseoir sous le regard de la mage. Honneur à Iceberg ? Boarf. Quelle importance à son niveau ? Elle était plus ou moins hors la loi ici. Le bruit du vent parut se suspendre. Le dauphin arqua un sourcil en observant par la vitre le blizzard qui se calmait. Osulf sauta des genoux de Misto alors que celle-ci filait vers la porte. Elle l’ouvrit, laissant entrer un gros paquet de neige à l’intérieur. Les hivers d’Iceberg n’avait vraiment pas changé depuis son départ. Toujours aussi capricieusement généreux.

Elle sauta dehors et commença à déterrer le carrosse de sa gangue de neige. Asulf, Osulf et Henning le rejoignirent pour lui filer un coup de main. L’opération leur vola une petite heure, le temps que la nuit ne tombe en fait. Misto essaya la sueur sur son front et s’adressa à ses compagnons de route.

- Et si on arrivait à Midgard cette fois ? Maintenant que nous n’avons plus rien d’agaçant sur le chemin ?