Tu éternues. Tu viens d'inspirer cette poudre. Elle t'a fait inhaler du mercure. C'est mauvais pour toi. Tu le sais bien. Et pourtant, tu vas devoir tenir. Tu ne peux pas te défiler. Du moins, tu ne peux plus. Plus maintenant. Tu la vois alors se reculer alors qu'elle prend la parole, brisant le rythme de votre combat. Tu l'écoutes parler, tes lames toujours en main. Son frère est mort... Tu comprends mieux sa rage et sa haine désormais... Tu sais que tu ne peux pas la ressentir. Tu ne peux pas l'aider. Ce combat n'est pas juste. Vous ne vous affrontez pas pour la justice. Non. Ce combat est une confrontation d'idées pure et simple. Elle se bat pour la vengeance, et toi, par devoir. Renier la mission qu'on t'a donné serait ignoble. Mais la laisser mourir au combat, en refusant de comprendre ce qui l'anime le serait encore plus.

Tu restes silencieux, alors qu'elle fait à nouveau changer de forme son mercure, prête à attaquer de nouveau, avant de te lancer quelques mots. Tu fermes les yeux, soupirant, alors qu'elle lance sa dernière imprécation. Tu sens alors une décharge te parcourir le corps. Comment une pulsion destructrice, te clouant sur place, jusqu'à te faire poser un genou en terre, alors que tu portes une main à ton torse, lâchant une de tes épées. Tu sens tes os et ta chair se faire écraser, broyer par les particules de mercure, qui exercent une pression interne aussi bien qu'externe, alors que le sang coule sur tes doigts, une blessure naissante commençant à te barrer le torse. Tu craches alors quelques gouttes de sang, avant de reprendre la parole, relevant lentement la tête.

• Je ne mourrais pas. Pas ici, ni même maintenant. Peu importe ce que tu peux en penser. Je sais bien que je ne bat pas pour la justice aujourd'hui. Ce n'est pas eux que je protège. Pas juste eux. Regarde ce bâtiment. Regarde, et comprends. Cette école a été la tienne, et celle de ton frère. C'est là où vous avez appris. C'est là où il est mort. Cet endroit fait partie de ton histoire, et de la sienne, que tu le veuilles ou non. Alors, si tu t'y attaques, tu t'en prends à une partie de toi même, comme si tu t'en prenais à ta propre chair... Comme si tu t'attaquais à la dernière trace laissée par ton frère. Je ne te laisserais pas commettre une telle erreur.

Tu frissonnes. Des images te reviennent. La tempête, le sang, la destruction, la mort... Tu te souviens encore clairement de cette nuit frappée du sceau de l'opprobre et de la honte. Cette nuit où ton excès de folle colère a tué ta propre génitrice. Cette nuit où tu es devenu un matricide. Cette nuit qui a marqué le début de ton cheminement vers la rédemption. Oui... Tu fermes les yeux, serrant les dents, appelant alors tes ultimes ressources. Tu sens le vent autour de vous se réchauffer. Tu sais que cette attaque est totalement folle. Tu sais que tu risques gros au vu de ce que tu vas réaliser... Mais tu le feras, peu importe le prix à payer.

Tu évoques alors Evan, cloué au sol, sans pouvoir bouger. Tu sens les flammes se mêler à la tempête qui vous entoure, avant qu'un déluge de feu ne s'abatte sur votre enceinte de combat, alors que le vent se resserre, finissant par vous happer tous les deux, pour vous emporter dans les airs. Tu sens le vent lacérer ta peau. Tu sens le feu te brûler, chauffant le mercure sur ta peau, le rendant brûlant, grillant ta peau et provoquant une brûlure dont la marque te restera probablement à vie... Tu ne dis pas un mot, tu n'émets pas un son. Tu te contentes d'encaisser, alors que le serpent redescend alors à toute vitesse vers le sol, s'écrasant sur le dallage, vous libérant alors tous deux de son emprise. Tu amortis le choc de ton mieux, sentant tout de même les effets d'une telle chute. Tu restes alors ainsi, allongé sur le sol pendant quelques instants, avant de tenter de te relever, en vain. Tu as beau tenter de te redresser, tu n'y arrives pas. Tu ne peux que tourner la tête. Tu grimaces alors, déplaçant ton regard sur le côté, observant ton adversaire à quelques pas de toi, sans même pouvoir l'atteindre. Tu ouvres alors la bouche, essayant de parler, te reprenant deux fois avant d'arriver à émettre un son, finalement très faible.

• Je ne pouvais pas te laisser te venger. Te couvrir les mains de sang n'aurait aidé en rien. C'est toi qui parlait d'harmonie. Et je ne pense pas que la vengeance en soit un bon exemple... Je ne te dis pas d'oublier tes sentiments, je te demande juste de ne pas tuer. Je ne peux pas t'empêcher de les haïr si tu le veux, mais t'ancrer à cela ne te permettra pas d'avancer... Tout ce que tu peux faire, c'est garder son souvenir, et avancer pour vous deux... C'est le meilleur conseil que je puisse te donner désormais...

Tu finis alors ta tirade, ta voix se faisant de plus en plus faible à chaque mot. Tu sens les ténèbres t'envelopper. Tu sens tes paupières se fermer. Et tu te sens finalement basculer dans le vide de l'inconscience. Tu auras combattu jusqu'au bout, sans même savoir si tu avais réussi à calmer sa rage... Ce n'est que plus tard que tu t'es réveillé, sans que personne ne puisse te dire ce qu'elle était devenu, ni même où elle était partie... Mais finalement, il t'aura fallu la puissance de la tempête pour calmer son maelström de haine et de rage. Tu ne sais pas si votre affrontement s'est terminé sur une défaite, une victoire, ou même un match nul, et tu t'en fiches. Tout ce que tu espères, c'est qu'elle ait fait le bon choix, et qu'elle ne s'égare plus... Ou tu devras aller la remettre sur le bon chemin. Et ce, même si pour le moment, tu dois encore trouver le tien...