Le principe de toutes choses, c'est l'eau, tout vient de l'eau et tout retourne à l'eau.
Goethe.
Le soleil et l'eau, ennemis, s'étaient pourtant ici unis, dans une petite crique isolée de Akane Beach. La lumière, blanchâtre, se reflétait avec puissance et élégance dans le bleu profond et délicat de l'eau, maître de ce lieu oublié par la population. Enfermée par une falaise recouverte de verdure, de mousse et de lierre, l'eau formait presque une oasis encerclée par la plage et la sécheresse. Loin de toute agitation et des touristes, cette crique était une petite terre fertile silencieuse ou l'eau s'agitait avec une douceur maternelle au rythme des vagues.
Seul dans cet univers paradisiaque, j'observais avec calme et rêverie l'eau translucide, transformée en miroir où se reflétait le ciel et tout ce qui se trouvait au dessus d'elle. Cet endroit où l'herbe avait réussi à pousser malgré la sécheresse de la plage me permettait de m'abandonner à la rêverie, de me détendre et de réfléchir, à l'abri de l'agitation et du regard des hommes, insupportables et moqueurs. Ayant retiré ma veste noire et mes chaussures, je me retrouvais e chemise et pied nus, couché dans l'herbe humide, laissant mon visage se faire caresser par la brise maritime.
Malheureusement, les vacances n'étaient pas au programme de la journée. Me relevant en soupirant, je m'époussetais les épaules et les cheveux pour enlever le sable mélangé à la terre qui s'y étai mélangés. Me mettant debout, je me mettais à observer avec sérieux l'eau qui était devant moi.
Cela faisait quelque temps que je m'entraînais pour apprendre à maîtriser une nouvelle technique, dans une salle vide de la guilde prévue à cet effet. Ce lieu de bien moindre mesure n'était décidément rien face à une plage calme où je pouvais trouver toute l'eau qui m'étais nécessaire pour exploiter ma technique à son plus haut point. Ce lieu me permettra en plus de m'isoler en toute sécurité et sans risque d'être gênée.
Kangoku, la prison d'eau.
Cette technique consistait à créer une masse imposante d'eau autour de la victime, l'emprisonna sans air, pouvant éventuellement la conduire jusqu'à la noyade. Une personne peut mourir à partir de neuf minutes d'immersion sous l'eau, mais la perte de connaissance s'effectue au bout de deux minutes environ. Ma puissance actuelle ne me permettra certainement pas d'assurer une prison jusqu'à la perte de connaissance, mais cet outil me permettra d'affaiblir considérablement mon adversaire, et servira sûrement de moyen de persuasion.
Pour arriver à cela, je dois créer de l'eau et la concentrer sur un point précis, soit autour de mon adversaire. L'idéal serait de recouvrir intégralement mon adversaire, mais je pourrais également recouvrir seulement la tête de ma victime. Ceci me permettrait sûrement de me fatiguer moins, mais pourrait engendrer quelques complications, comme par exemple le fait que la personne se débatte, accessoirement.
Avec quelques mouvements hésitants mais tout de même confiants, je tentais d'utiliser ma technique dans le vide, sans cible particulière. Je me servais de l'eau environnante pour m'assister dans ma création, mais cela ne suffisait pas toujours : parfois, alors que l'eau commençait à prendre forme, ma prison se détruisait, s'écoulant de nouveau vers la mer. C'est alors que je recommençais, encore et encore, au fur et à mesure que le soleil descendait vers l'horizon.
Tandis que le ciel se teintait de rouge et que la lumière commençait à disparaître, j'étais agenouillé sur le sol, épuisé par ce travail. L'apprentissage de cette technique était bien difficile, cette fois-ci. Malgré mes efforts, je n'arrivais pas à faire tenir cette forme de manière stable, et elle se désintégrait alors subitement au bout de quelques secondes.
Me décidant à essayer une dernière fois, je me relevais, tentant de stabiliser mon souffle rapide. Fermant quelques secondes les yeux pour me concentrer, je levais lentement le bras droit vers l'avant, la main ouverte. J'ouvrais brusquement les yeux, et créais alors, devant moi, petit à petit, une forme tout d'abord difforme d'eau qui grandissait au fur et à mesure, puisant dans mes réserves magique et énergique déjà bien faibles. Serrant les dents, je transformais petit à petit cette forme en une surface qui pouvait paraître tout à fait lisse, sans perdre ses attributs aquatiques comme la transparence et, surtout, le manque d'oxygène.
Avec une énergie que je ne soupçonnais pas, je réussissais à garder cette forme aussi longtemps que je le pouvais, soit un peu moins d'une minute. C'était un résultat assez satisfaisant qui allait sûrement s'affiner au fur et à mesure de son utilisation.
Encouragé par cette performance, je continuai mon travail jusqu'au milieu de la nuit, tandis que la chaleur laissait place à une fraîcheur douce et agréable. Lorsque je quittai le lieu, je maîtrisais la technique suffisamment à mon goût. Il ne me restait plus qu'à l'essayer durant un combat.