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Valse monochrome.
 MessageSujet: Valse monochrome.   Valse monochrome. EmptyDim 23 Déc - 23:42

Anonymous
Invité


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Ce jour-là, la solitude l'avait poussé à sortir de chez lui. C'était une journée portant les derniers rayons de soleil parmi les frasques de l'automne. Oh, il ne s'en doutait pas encore, mais le porteur d'Excalibur allait ... Enfin découvrir un pan de son humanité, aussi infertile soit-elle en ces temps troublés. Dans son référentiel, Atios était seul. Seul contre ses responsabilités. Seul contre tous. Seul contre tout ce qu'il avait à affronter. Comment dire ça ? Plus on veut se tenir haut, plus les gens ont tendance à nous séparer d'eux. Personne. Personne à Angel's Sky ne semblait vraiment l'apprécier. Il était toujours aussi seul que dans la guilde des fées. Ange, fée, peu importe le titre. Il semblait qu'une constante importante de sa vie soit la solitude.

La solitude, sa plus fidèle allié et amante. Jamais, jamais il n'avait pu la tromper, jusqu'à maintenant. Seul parmi les anges, qui regardaient le porteur de l'épée de lumière avec envie, admiration et passion. Seul parmi les joyeuses fées, qui n'avaient jamais su l'intégrer parmi celles-ci, tout en reconnaissant sa férocité à vouloir devenir fort. Et dernièrement, seul parmi les assassins aux crocs argentés. Même chez ses ennemis, il n'avait pas pu trouver de sentiments humains atteignant sa véritable personne. Il était seul. Totalement seul. Aussi seul que ces arbres muets dans la forêt, incapable de s'étreindre les uns les autres.

Pour autant, il devait voler. Aussi loin que possible. Pour le bien de tous. Pour le salut de tous. Même des fées et des anges aveugles. Même des assassins qui l'abhorraient. Seul et fort. Seul et portant le masque du héros impétueux, égoïste et prétentieux. Mais à quoi bon un héros quand le monde est en paix ? Les mages épris de la justice devaient s'ennuyer ferme. Et il avait une certaine admiration pour certains mages de Silver Fang. Ils étaient plus proches les uns les autres que lui n'avait jamais été proche de ses camarades de guilde. Jaloux ? Peut-être. Après tout ... Il était seul. Il dédiait sa vie à sauver et rendre meilleure celle des autres. Et dans sa solitude, il était condamné à voir le gens heureux. Son rêve de voir tout le monde heureux le remettait fréquemment face à cette simple constatation. Atios était le seul à ne pas pouvoir être heureux. Sans arrêt, la destinée lui prenait ce qu'il avait de plus cher. Sauf une chose. L'épée responsable de toute sa longue vie.

C'est les idées noires, qu'il tentait de purifier, en se baladant dans la mer des feuilles aux multiples couleurs. Il espérait qu'elles s'échapperaient et qu'elles se répandraient dans le silence de cette forêt vide et solitaire, dans le nord de Fiore. Comme si les arbres seraient ses seuls à la confession, à être le témoin de ses véritables sentiments. Même être un dragueur ne lui allait pas. En fait, Lashawn avait eu tort. Il aurait dû et devrait rester une machine. Une machine sans âme, sans conscience, capable de continuer à se perfectionner, à faire les tâches de façon cycliques, sans jamais regretter, sans jamais pleurer, sans jamais montrer aucune faiblesse, incapable de décevoir, incapable de réaliser, incapable de jalouser.

Mais le destin allait lui sourire. Enfin. Aussi fou que cela pouvait paraître, le concernant, il allait pour la première fois, rencontrer une personne qui arriverait à le faire se sentir aussi humain qu'il avait toujours rêvé d'être. Malheureusement, il n'allait pas le réaliser en premier lieu. Dans cette forêt aux feuilles spiralantes, dansantes, multicolore, il avançait, le regard morne, froncé, les mains dans les poches, sans savoir où il allait. De toute façon, il ne pouvait pas se perdre. De toute façon, il ne craignait plus rien. Il était le hochet du destin, celui qui ne mourrait pas. Et il n'avait pas envie de mourir. Il avait juste envie d'être bête et heureux. C'est sur ces envies qu'il n'arrivait ni à s'avouer et à assouvir, qu'il avançait, en silence. Et au loin, il la vit, assise dans ce spectacle onirique et automnal. C'était une fleur de Lys. Une magnifique fleur de lys, assise au milieu d'une saison qui faisait défaut à sa parure naturelle. Délicate, fragile, elle était assise, au sol, en train de dessiner. Cette demoiselle, aux yeux verts émeraude, était un régal pour les yeux. Mais attention à la variété de cette fleur de Lys. Il en avait connu une aux yeux bleus. Celle-ci avait été douce et aimante. Celle qu'il avait sous les yeux ... N'était autre que l'apprenti du maître-espion et assassin de Silver Fang, Bastian Tomaso.

Karito, la tête penchée sur ses planches, tentait de se concentrer sur le paysage de la clairière. Elle s’était levée tôt ce matin avec une envie irrésistible de sortir prendre l’air en forêt. Désir devenu réalité puisqu’elle était assise ici depuis près de … cinq heures ? La jeune femme avait marché pendant plus de la moitié à la recherche de quelque chose de sympa pour distraire sa passion. Elle n’avait malheureusement trouvé qu’une clairière. Et encore, elle n’en était pas du tout satisfaite. Faute de mieux, elle avait toutefois commencé, histoire de tromper l’ennui de cette journée sans autres choses à faire. Chienne de vie. La prochaine fois, il irait trainer en ville pour attraper un petit assassinat ou elle retournerait mettre le feu aux poudres avec les nobles d’Enca ou encore des rebelles. Elle se plongea alors dans ses pensées en dédaignant son crayonné et son environnement. Mauvais plan pour un assassin mais bon, elle était seule et ne se sentait pas en danger.

Une fleur de Lys bien plus jolie que toutes les roses, mais qui avait pour point commun, des épines acérées et mordantes. Atios, avait rougit légèrement en la voyant. Parce qu'une partie de lui était très attachait à cette copie parfaite de celle qui lui avait tout appris jusqu'à maintenant, concernant le contrôle de l'épée sacrée. Celle-ci avait disparu presque en même temps que sa soeur, mais sa conscience avait refusé de l'admettre. Une partie de lui désirait prendre dans ses bras cette demoiselle qu'il avait rencontré il y a peu, Karito Shizuka ... Mais cela lui était impossible.

La jeune blonde laissa son esprit se tendre vers ses dernières rencontres. Bastian. Son maitre pas toujours très net mais d’une grande gentillesse. Il aurait pu la chasser mais au lieu de ça il l’avait gardée et prise sous son aile. Après, ses raisons restaient tout de même un bien grand mystère. Clifford, le petit dirigeant du chaos qu’était Silver Fang. Curieusement moins fort que les autres, il n’en restait pas moins tout aussi imposant. Et enfin il y avait … Atios.

Peu importe comment il le voyait, elle restait une mage illégale. Une meurtrière. L'ennemi de son existence. Qui portait le même visage que celle qui lui avait appris à traquer ces gens-là. Outre l'oxymore qui séparait les deux personnes qui faisait naître en lui cette envie, il n'avait pas envie d'être proche d'elle. Dangereux. Tomaso risquait de s'en servir contre lui. Il ne pouvait pas permettre à ce pervers patenté d'utiliser une jeune fille pour lui faire baisser sa garde ... Surtout quand cela était fort possible. Il détestait Karito Shizuka. Elle portait le seul masque qui avait emprise sur lui. Ce n'était pas juste. Lui qui se vouait à ne jamais faillir, ce vœu était fortement compromis par la mouvance de la demoiselle en train de crayonner. Mais combien de temps s'était-il écoulé, avant qu'il se rende compte qu'il l'observait sans vergogne ? Un peu plus gêné, fâché contre lui-même, le jeune homme à la chemise blanche, au pull jaune vanille, à la cravate rouge et au pantalon noir de costume, fit un mouvement de recul, pour repartir sans être entendu.

Ce dernier avait beau être un mage légal jusqu’au bout des doigts de pieds. Qui plus est, on lui répétait sans cesse qu’il était dangereux, qu’il était instable … et bla bla bla. Karito ne voyait en tout honnêteté rien de dangereux en lui. Elle aurait juste voulu … Le serrer dans ces bras ?! La jeune femme secoua vivement la tête à cette pensée. Non. Non non et non. Elle ne marcherait pas dans ce genre de chemin. Elle ne pouvait pas et puis, ça ne serait pas prudent et puis, qu’en ferait-elle une fois lancée là-dedans ? Déjà qu’elle appréhendait la façon dont elle irait chercher le démon de la Luxure … Mieux valait qu’elle taise ses sentiments sur ce cher brun à tête d’ange. Ça valait mieux pour tous. Un bruit la tira de ses pensées. Sans bouger, elle avertit son observateur.

C'était la meilleure solution, les concernant. Après tout, ils étaient dangereux l'un envers l'autre. Mais son karma légendaire vint le frapper, encore une fois. Tout aurait dû bien se passer, après tout. Tout aurait dû se goupiller d'une façon simple et claire : Atios partait et les deux antipodes continuaient leur vie chacun de leur côté, passant à côté d'une merveilleuse aventure qui leur était inconnu. Mais non. Cette branche céda bien sous le pas du jeune homme, provoquant un craquement qui l'empêcha de continuer sa route en sens inverse. Le jeune homme, le dos tourné, se raidit. Décidément, encore la chance, pensa-t-il... Et la réaction fut plus que logique, puisque celle qui parvenait à lui faire chavirer son cœur de pierre, froid comme de la glace, était une tueuse de profession ... Ainsi, dans son dos, il entendit distinctement :

Identifies toi sinon je t'élimine !

Shizuka soupira. Elle venait de faire une prestation digne d’un chat surprit en train de faire une bêtise. Bon. Elle aviserait bien après la réponse de son mystérieux voyeur et, s’il ne faisait rien, elle irait le cuisiner en personne. La jeune femme avait horreur d’être observée à son insu. Alors il allait subir son châtiment cette saleté de voyeur !

Aha. La belle affaire. L'harmonieuse voix de la demoiselle venait de lancer un bien piètre ultimatum. Lui ? Se faire éliminer ? Oh, il aurait tellement voulu que cela pût être vrai, quelque part. Il pouvait tuer la plupart des êtres humains avec une facilité ci-déconcertante que l'on douterait parfois de la provenance de ses pouvoirs magiques. Mais il savait qu'il ne devait pas se laisser corrompre par ses pouvoirs. Il ne pouvait pas. C'était son devoir. Pas une seconde fois. Alors, arrogant, prétentieux, - parce que de toute manière, c'était la seule façon qu'il avait de se venger et de se protéger face à la stupidité de l'assertion de la jeune demoiselle -, il dit alors sur un ton qui se voulait légèrement amusé et agaçé, donc insolent :

Aha, bien sûr, c'est ça... Et moi je peux me changer en fille, ahaha..

Oh, tant d'effronterie en si peu de mots... Il avait sûrement vendu sa véritable identité, mais il s'en fichait. De toute façon, c'était l'effroyable vérité. Le jeune héros, déjà maudit par son karma, avait fini par en attirer une seconde. Celle de l'étoile des amoureux. Qui l'avait maudit de sorte à ce qu'il trouve l'amour. Mais désormais, la malédiction s'était encrée dans son âme au point que cela en devienne une capacité naturelle de son corps. C'est pourquoi, le jeune homme était résigné à être ainsi jusqu'à la fin de ses jours, si ceux-ci venaient eux-mêmes, un jour.

La voix calme et ironique. La blonde releva la tête. Il avait dit cela avec une telle désinvolture, comme si il pensait qu’il était à l’abri de tout sur cette terre. Mon démon. Il n’y en avait qu’un seul pour réagir comme ça tout en faisant preuve d’une délicatesse pachydermique et d’une discrétion de craie qui grince sur un tableau noir. Karito laissa échapper son nom maintenant qu’elle était certaine de son identité.

Atios ! Grogna la jeune demoiselle.

Eh oui.. Atios le savait, mais celle-ci n'avait pas eu l'éducation nécessaire à la finesse d'une telle perle. Et ce n'était pas Tomaso qui pourrait corriger les imperfections, il serait même plutôt du genre à en rajouter. Un beau gâchis. Mais pour autant, ce n'était pas non plus ses affaires. Pouvait-il réellement transformer cette fille en une princesse ? Elle en avait tous les atours naturels nécessaires... Mais pouvait-elle apprendre à se comporter comme telle ? Il fallait insister. Avec un peu de chance, elle le laisserait partir. Toujours sur cette envolée cassante qui lui était si propre, il ajouta alors :

Nonon, je te promets que c'est pas lui. C'est le pape de Zentopia.

Comme d’habitude, il faisait preuve d’un tact … Douteux. Elle se leva et se tourna dans sa direction les points sur les hanches pour répliquer.

Il en profita alors, fier de tant d'impertinence, pour continuer de se retirer plus profondément en sens inverse de la demoiselle. Pour autant, il était le seul à l'entendre de cette oreille :

Tu tombes bien, j'allais aller chercher un modèle pour mon dessin !

Ah, question impertinence, elle était décidément pas mal non plus ; il s'était raidit dans sa fuite. Ou alors ce n'était pas de l'impertinence ? Atios ne savait pas quoi penser. C'était à la fois risible et à la fois attirant. Mais il ne pouvait pas dire oui. Parce que lui, il savait que ses idéaux, il les suivrait même contre elle, bien que à contrecœur. Oui... Ils ne pouvaient pas être ensemble. Pas ici. Pas maintenant. Ni jamais. Alors il fallait continuer de partir. Pour le salut respectif de leurs codes moraux. Presque comme une complainte irrévérencieuse, il ajouta, dans une dernière tentative de rompre ce lien qu'elle voulait créer avec lui :

Ouais, mais non, je suis vraiment pas le pape de Zentopia, donc question modèle... Tu comprends, je suis pas fait pour ça. Bref. Sur ce. C'est pas tout ça mais...

Allais-tu réellement fuir ? Une partie de lui venait de lui sourire avec dédain. Tu peux être proche d'elle et profiter de sa présence, qu'elle veut t'offrir, et toi tu es assez bête pour te punir et te confiner dans ta solitude ? Assez, il ne savait plus quoi faire. Il ne voulait pas souffrir. Il ne voulait pas devoir affronter Karito. Que ce soit maintenant ou dans le futur. Il devait partir. Il savait que c'était mieux comme ça. Alors pourquoi ? Pourquoi son cœur s'était-il mis à battre de plus en plus fort dans sa poitrine, comme pour lui rappelait qu'il n'était décidément ni à l'aise avec les filles, ni à l'aise tout court avec les autres ? Ce battement régulier et intense lui expliquait à quel point il regretterait ses deux choix. La tentation de se laisser submerger était grande. Cède. Ne cède pas. Cède. Ne cède pas. Que faire ? Il n'en savait rien. Et il était paralysé par l'indécision. Le seul moyen qu'il avait de se calmer était de tout laisser s'échapper. Il soupira.

Nom d’un archidémon ! Elle n’allait pas le bouffer, très loin de là même, et il essayait quand même de se sauver ? AH NON. Ça n’allait pas se passer comme ça ! La jeune femme ramassa ses affaires et lança dans le vent une autre réplique stupide. Une de plus ou une de moins, elle ne ferait pas pire qu’avant de toute façon.

Je m'en fous que ce soit le pape ou une vierge ! Ramène ta fraise ou je viens te chercher avec les intérêts mon grand !!

Bordel ... Ami du bon goût, de la poésie et de la finesse, au revoir. Karito Shizuka et sa délicate façon de parvenir à ses fins. Par des menaces. Mais ... Au nom d'Arès, savait-elle qui menaçait-elle, par tous les saints ? Atios pourrait la vaincre sans effort, l'écraser et punir l'irrespect dont elle faisait preuve envers sa timidité, son désespoir et son manque d'insouciance ! L'audace de la demoiselle parvenir à l'outrer ... Merde, il avait les yeux ronds, les mains entr'ouvertes, tout son corps était tétanisé par la surprise agacée et frustrée. Mais pour qui se prenait-elle, honnêtement ? Atios, profondément agacé, se calma dans un soupir, fermant les yeux, se tenant le visage d'une main, en rajoutant :

T'as tendance à oublier à qui tu parles, j'ai l'impression. Que voudrais-tu pouvoir faire pour me forcer, honnêtement ?

Cette question sonnant presque comme une froide et simple rhétorique, il se retourna, avant d'ouvrir lentement ses yeux, le regard froncé, planté droit dans ceux de la demoiselle. Le vert dû remarquer que les yeux foncés du jeune homme était plus clair que d'habitude. Ses yeux étaient teintés de cramoisi... Et cette couleur semblait presque la dévorer, l'aspirer. Oui, le jeune homme avait activé sa magie psychique, dans l'espoir de lui faire comprendre à quel point cette farce de mauvais goût où elle le prenait pour quelqu'un qu'il n'était pas, pouvait s'envenimer.

Shizuka tiqua quand elle remarqua le changement de couleur dans les yeux d’Atios. Oh le vilain. Il sortait la magie alors qu’elle venait avec un stylo et un carnet d’esquisse dans les mains ! Elle n’avait pas de mauvaises intentions non plus. Il venait de la vexer au plus haut point. Se servir de ses pouvoirs pour susciter la peur alors qu’on ne voulait rien faire de mal… C’était lâche et bas. Surtout quand le sort consistait à fouiller dans l’esprit de son interlocuteur. Et puis … S’il n’avait pas envie de rester il pouvait partir, elle ne l’en empêcherait pas. Mais il était clairement hors de question qu’il pense qu’elle ait peur parce qu’il sortait le grand jeu. PEUH.

Beaucoup craignait ces yeux et ce regard impassible, vide, morne, aussi froid que l'hiver qui s'annonçait, aussi impitoyable que la mort. Ces yeux qui piétinaient les cœurs et qui les mettaient à nu. Ces yeux qui permettaient de connaître la vérité. Qui distordaient les limites de son savoir concernant les autres. Ces yeux étaient aussi plus clairs que le sang, mais aussi impitoyable que des lames prêtes à le verser. Mais à la surprise de ceux qui les portait, elle éclata de rire, déstabilisant encore plus le jeune garçon qui n'arrivait plus à garder son regard stable, forcé de rouler des yeux. Elle était naïve. Stupide. Bête. Mais magnifique. Outrageusement magnifique. Combien de temps pourrait-il résister à ce qui était aussi franchement naïf ? Elle s'étira devant lui, là où d'autres auraient fui, craignant pour leur vie. Le son du vent s'était éteint. En fait, il n'entendait plus que son cœur battre, encore une fois, frappé par la stupeur et l'outrecuidance magnifique de la fleur de lys, partie ramasser ses affaires.

Ne monte pas sur tes grands chevaux. Comme si tu allais ne serais-ce que faire semblant de m'écouter !

Bien sûr que oui, je ne t'écouterais pas ! Pensa-t-il, frustré. Il ne comprenait pas. Ce n'était pas logique. Elle était bête. C'était triste de devoir se dire ceci. Elle était sotte. Elle s'avançait droit vers ce qui pourrait être sa mort, avec le sourire. Sotte. Naïve. Candide.

Atios serra les dents, énervé, avant de reprendre le contrôle de lui-même, excédé, avant d'ajouter, décider à la blesser, pour la punir de ne pas comprendre leurs positions respectives. Il savait que c'était digne du pire des cons, mais après tout, il s'en fichait. Le monde entier pouvait bien le détester, on ne peut pas être plus seul que seul :

Donne-moi une bonne raison de rester avec toi, apprentie de Tomaso..
Hum ... Tromper l'ennui en drôle de compagnie ? Lui répondit-elle, toujours aussi sincèrement naïve.
Tu n'es pas "drôle". Et l'ennui, je ne le trompe jamais bien longtemps.

Wouah. La répartie en or. Pour peu la jeune femme aurait bien tourné les talons et planté comme un palmier au milieu de nulle part. Mais un souvenir la retint. Et si elle s’en servait pour lier le dialogue ?

Frappez-moi. Ou plutôt, frappez-le. Oui, c'est ce dont il avait envie. Implicitement, aussi franc que la demoiselle, sa réponse avait été brève et sans hésitation. Et il s'en voulait d'avoir laissé échapper un compliment.

Bah. Si tu n'as pas envie, j'irais chercher un cavalier de bal avec du charisme ailleurs.

Tomaso ? Décidément, frappez-le ! Oui, son cœur criait cette envie. C'était pitoyable. Atios, tu es pitoyable. Pi-to-ya-ble. Et jaloux. C'est d'autant plus moche. Et le jeune homme le sait. Instinctivement, il se mord la lèvre. Le silence, lourd, pesant, tendu, se prolongea. Allait-il la laisser partir dans les bras de n'importe qui ? Ah merde. Il n'était pas fait pour tout ça. Il était trop vieux pour toutes ces conneries. Ou trop inexpérimenté, selon les points de vue. Il ne comprenait pas. Son coeur lui faisait mal. Et il s'en voulait de ressentir ça. Il ne voulait pas marquer de possessivité ... Sur une mage illégale.

L’attaque avait l’air d’avoir fait mouche. Atios paraissait légèrement désorienté. En même temps, la jeune femme espérait de tous son cœur qu’il accepte. Était-ce pour satisfaire ses propres désirs ? Les émotions de la jeune assassine blonde se mélangeaient trop. De manière trop puissante. Trop présente. Au final, elle avait lancé une pique qu’elle n’était pas sûre de gagner. Avait-elle réellement fait le bon choix ? Aurait-elle réellement la réponse qu’elle attendait ?

Faible. Lâche. Pitoyable. Ah, il se détestait. Il se détestait de ne pas pouvoir assumer ses véritables envies. Pourquoi ? Pourquoi avait-il si peur de s'avancer vers elle ? Il souffrait. Et il avait peur de souffrir. Et il avait d'autant plus peur de souffrir d'avantage. Intérieurement, le peu de stabilité émotionnelle qu'il avait réuni s'effondrait sous un maelström de sentiments incontrôlé. S'il revint à la réalité, c'est quand elle lâcha ses crayonnés au sol, le promptant naturellement à aller l'aider à les ramasser. Elle jura, aussi. Encore une fois avec une douceur et une finesse poétique rare et insoupçonnée. Belle métaphore. Il soupira profondément en réponse à la demoiselle, en réunissant avec soin les feuilles, tandis qu'elle faisait de même. Puis, une fois qu'ils eurent terminés, elle lui tendit la main, pour les récupérer. Atios lui posa dans les mains, alors qu'il regardait ailleurs.

Le silence entre eux était devenu trop pesant. Karito voyait bien que le jeune homme était paralysé. Elle se sentait coupable, instable. Elle voulait tour à tour le serrer dans ses bras puis l’embrasser tendrement. Lui dire ce qu’elle ressentait aussi. Bon sang. Pourquoi est-ce qu’elle ressentait ça maintenant ? La jeune femme se mordit la lèvre et rouvrit le dialogue pour cacher son désarrois devant l’afflux de sentiment qui l’assaillait.

Bon. Je vais laisser les apparences de côté. J'ai un bal ce soir et pas de cavalier amusant pour y aller. Cela te tente ou je m'en vais ?

BORDEL. Que répondre? Hein ? Hein ? Il n'en savait rien. Ses dents se balladèrent lentement sur ses lèvres, nerveusement. Saleté. Il détestait devoir répondre. Il n'aurait pas dû rester. Il l'avait su. Pourtant. S'il disait non maintenant... Il la laisserait partir. Mais il ne voulait pas dire oui. Crétin, malhonnête ! Oui, il se maudissait lui-même. Mais il parvint à une solution équitable et qui serait un bon compromis. La voix légèrement hésitantes, les joues légèrements rosés, il ajouta, sur un rire nerveux :

Tu vas rire ... Mais ... Mais je n'ai aucune idée .. De quoi répondre.

Voilà. C'était dit. Crétin. Si tu veux dire oui, dis-le ! Mais assumes un peu ! Il baissa ses yeux qui perdirent leur teinte cramoisies pour reprendre cette fameuse teinte sombre et plus commune, alors qu'il sentit le regard de la demoiselle aux cheveux blonds se posait sur le sien.

Une fenêtre inopinée. Ne voulait-il pas dire par là qu’il acceptait ? A moins que ce ne soit un gentil refus caché sous une trop grande politesse ? La demoiselle se maudit. Elle devait agir mais ignorait quel chemin suivre. Finissant par suivre son cœur, elle répondit avec hésitation.

Alors je peux prendre ça pour un oui et t'embarquer je suppose..

Aha. Bonne conclusion. Du moins, une partie de lui le voulait bien. Mais il n'était pas assez mature socialement pour avouer ce genre de désirs inutile et dispensés aux gens comme lui, qui se devaient de refuser la plupart des bonheurs en honneur à ceux qui ne pouvaient pas prétendre à disposer de ceux-ci. Comme la soie, une douce et agréable sensation s'empara de sa main. Ce n'était pas dur comme la garde d'une épée. C'était agréable. Elle le regarda alors et lui demanda s'il préférait qu'ils aillent se préparer chez lui ou chez elle. Aha. La bonne blague. Atios, si t'es un garçon, invite-là chez toi.

La question de Karito lui parut un peu osée. Ne devait-elle pas plutôt lui proposer de se retrouver sur place ? Non. Elle aurait trop peur qu’il lui fasse faux bond. Quoi que. Ce serait peut-être une bonne occasion pour faire taire ses sentiments sous une couche de mépris. Enfin. Trop tard. Elle avait parlé de manière spontanée et sans vraiment réfléchir aux conséquences. On lui avait toujours appris à agir vite et à réfléchir après. C’était donc devenu un mauvais réflexe.

Crétin. Tu n'oseras pas. Mais tu le feras. Baisses ta garde, elle le mérite. Tu en as envie. Tu le sais. Mais tu refuses de l'avouer. Pourtant. Hésitant. Le regard détourné. Le ton hésitant. Finalement, il lâcha, d'une traite :

Aucune idée. Si je dois me changer, j'ai ce qu'il faut chez moi. Et ... Si tu dois te changer, j'imagine que ça doit être vrai aussi pour les filles.

Logique. Donc implacable. Mais surtout avantageux. Continue de détourner ainsi la logique pour te couvrir Atios, tu es le plus courageux et le plus viril de tous les porteurs de l'épée sacrée. Après tout, tu perds juste les moyens devant une fille alors que tu restais de marbre face aux pires démons et psychopathes de Fiore. Où allaient-ils ? Atios ne savait pas. Il détestait ne pas savoir. C'était trop effrayant. Et sa position timide était encore moins supportable. Son rire mélodieux était comme le son d'une douce flûte ou ocarina, en train de charmer le peu de fierté qui l'empêchait de devenir mou comme un marshmallow. Et la muraille, froide, impénétrable, de son cœur, céda encore un peu plus, sous la pression d'une déloyale attaque portée contre sa joue. Shizuka était rusée. Fourbe. Et lui, n'était qu'un garçon timide en train de de tomber amoureux. Un garçon timide et ennuyeux, de ceux qui n'étaient décidément, pas capable de briller comme tous ceux qu'il avait pu fréquenter en mission.

Karito ne savait pas trop quoi penser de cette réponse. C’était tellement … logique en même temps. Un moyen vraisemblable pour l’éloigner surement. Atios lui paraissait tout de même différent de l’autre fois. Plus … incertains. Plus … timide ? La demoiselle secoua la tête. Impossible. Elle devait certainement rêver. Pourtant son cœur lui hurlait le contraire. Dilemme Cornélien. Le devoir ou l’amour ? Personnellement, la blonde avait mis le premier au placard et n’avait jamais connu l’autre. Que pourrait-elle donc faire dans cette situation ? Elle devait trouver quelques choses pour rester plus elle-même. Elle, la petite blonde pas commode qui aligne connerie sur connerie mais qui réussissait toujours en s’en sortir. Elle, l’assassin au service d’un autre qui ne devait pas montrer ses sentiments ni ses désirs. Une belle et dangereuse petite poupée armée et sans état d’âme.

Merde. Putain de masque bancal qui se fait la malle …

Il était un véritable loser, il le savait. Dieu de la mort? Une belle arnaque. Porteur de l'épée sacré ? Sans ça, il serait resté un garçon qui se réfugiait dans ses propres illusions pour ne pas faire face à l'horreur de son insipide existence. En comparaison de cette faible mais magnifique, joyeuse et pleine de vie, fleur de Lys, qui brûlait de passion, il était juste en pleine imposture. Il se détestait tant. Il aurait voulu être comme tous ces mages de Fairy Tail ou de Angel's Sky. Normal et heureux. Mais lui, il avait le ticket du malheur et des responsabilités. Le ticket qui lui permettait de ne pas être une existence totalement inutile et lamentable. Mais la demoiselle le ramena à la réalité en disant :

Dans ce cas là, les hommes d'abord !

Comment ça, d'abord ? Ah oui. Il devait lui montrer le chemin. Il fit une légère moue. Enfin. Il avait l'habitude de faire taxi pour les autres, désormais. Il attrapa la demoiselle et la déposa dans ses bras, alors que six ailes d'or sortirent de son dos. Heureusement, en volant, sa maison n'était pas lointaine. Et le voyage se passa en silence. Atios évitait de baisser les yeux vers la demoiselle. Pourquoi ? Pourquoi se sentait-il si faible et désarmé face à elle ? Ah, enfer et damnation, il fallait qu'il se calme et qu'il procède naturellement, comme à son habitude. Arrivé dans la cour, il se permit un commentaire en dissipant l'enchantement de vol, un commentaire ou plutôt, des instructions mornes et désabusées.

Se retrouver suspendu dans les airs déconcerta un peu plus la jeune femme. C’était nouveau. Serrée contre Atios, elle huma son parfum en conservant le silence. Il agissait étrangement. Elle se serait presque attendue à ce qu’il l’envoi boulet dès le début mais il n’en avait rien fait. Pourquoi ? Dans quel but ? L’atterrissage dans la cour la tira de ses réflexions et de l’étreinte de son cavalier.

Si tu fouilles dans mes affaires et fait des commentaires sur celles-ci, je me permets de t'enchaîner chez moi. Juste au cas où.

M'enchainer ? Ai-je vraiment l'air d'un oiseau à mettre en cage ? Cela dit merci de l'info, maintenant je sais qu'il y a des dossier à faire…

Des dossier ? Il haussa un sourcil avant de rajouter naîvement : je ne suis pas quelqu'un d'administratif, tu n'en trouveras pas.

Mais elle sembla ne pas l'écouter et ouvrit nonchalante, la porte, comme si elle avait été la sienne.

Qui a dit que les dossiers serait de ta main et à toi ? Demanda-t-elle au jeune homme.

L’innocence de son interlocuteur fit sourire la jeune femme. Un beau sourire franc comme elle n’en laissait pas percer souvent. D’habitude, il était poli, complaisant, ironique, moqueur, sarcastique. Mais non, aujourd’hui, il était franc et pure comme de la neige vierge. Ses dossiers en question, si un jour elle les constituait – ce dont elle doutait fortement puisqu’elle retenait toujours ce qui l’intéressait – serait sans aucun doute rangé au fin fond d’un coffre et enterrée très profondément sans que personne ne puisse savoir où.

Ne comprenant pas où elle voulait en venir, alors que celui-ci monta les escaliers vers l'étage, où se trouvait sa chambre, Karito sur le talons. Et dans une tempête, celle-ci se posa en tailleur sur le lit, comme si celui-ci avait appartenue à la jeune fille par le passé et qu'elle y retournait. Comme toujours, la gêne n'était pas ce qui arrêtait la jeune fille. Néanmoins, la discussion et l'ambiance était devenue plus gérable pour le jeune homme et il se sentait moins en conflit avec ses désirs les plus humains et les plus naturels.

Plutôt simple. J’aurais pensé que tu serais plus personnel que ça. Mais je ne suis pas là pour parler décoration.

Shizuka était satisfaite. Le jeune mage semblait plus à l’aise maintenant qu’il était dans un lieu connu. Elle avait vraisemblablement fais le bon choix à ce qu’il semblait. Être assise et l’observer alors qu’il était debout laissaient au garçon timide, la dominance. Voilà pourquoi il se sentait plus à l’aise. La blonde le regarde vaquer dans ses armoires, la tête penchée sur le côté, attendant vraisemblablement un stimulus pour sortir de sa torpeur d’attention sur les habitudes et la démarche du jeune homme.

Atios n'en releva pas plus, alors qu'il farfouillait dans ses affaires pour sortir le costume de soirée du gentleman typique. En sortant et comparant des chemises, il dit alors, à l'adresse de celle qui semblait presque fouiller la pièce du regard :

Hm... Mes vêtements pour fille sont dans l'autre armoire. Dit-il, en indiquant du doigt une armoire à côté de celle où il se trouve... Avant de rajouter, spontanément et gêné : Et ... Tu ne comptes pas sortir ?!

Inconfortable, le silence se prolongea alors qu'Atios, tentant de dissiper cette nouvelle situation désagréable, dit, hésitant :

Je veux dire ... Je vais me changer ... Et ...

La remarque fit rougir Karito presque autant que son imagination. Non. Non non et non. Elle dissimula son embarras dans les tissus devant elle. Il ne devait pas voir. Il ne devait pas savoir. Oh mon démon, que cette gêne était stupide. Elle en avait vu des hommes nus pourtant ! Vu et tué d’accord, elle plaidait coupable mais ce n’était tout de même pas la première fois ! Elle inspira pour se donner un peu de courage. Rien qu’à l’idée qu’il puisse …

Et ... Et il allait tout enlever. La demoiselle à côté de lui, qui mettait sans dessus dessous ses chemises, marqua un temps d'arrêt et sortit le visage de l'intérieur de l'armoire, pour le regarder, en silence, quelques secondes. Elle avait, pour la première fois, un peu de rouge sur les joues. Cela, au contraire d'Atios, ne l'empêcha pas de répondre sans aucuns temps d'arrêt :

▬ [color=grey]Tu ne seras pas le premier que je vois s'habiller mais si ça peut te rassurer, je ne vais pas m'amuser à ça. Je ne ...

Hein ? Hein? Je ne quoi ? SI tu ne vas t'amuser à ça, pourquoi tu te caches le visage dans mes affaires, maintenant, hein ? Hein ? Dis-le-moi ! Comment ça, pas le premier ? Impardonnable ! Il ne pouvait pas laisser sa fierté masculine se faire piétiner par une fille de son âge ! Elle en avait vu d'autre, tant mieux ! Lui était un garçon qui pouvait se targuer de connaître l'anatomie des filles pour devoir la supporter de temps en temps ! Jamais il n'allait laisser l'affront s'éclipser en silence. Elle n'avait pas peur de le voir se déshabiller ?! Soit. Lui non plus ! Du moins, tenta-t-il de s'en convaincre.

La réplique, à défaut de réussir à refaire gagner de la contenance à la demoiselle, piqua au vif son opposé masculin. C’était clair, elle avait vraiment un don pour faire les pires boulettes de l’humanité…

Tel un jeune coq, il gonfla le torse et dit alors, légèrement frustré :

Ne me sous-estimes pas ! Je ne suis pas .. Il grommela avant de lentement ajouter : Bastian ou n'importe quel garçon que tu as croisé !!

Avec … Bastian ? Comme si … Non jamais. C’était son Master pas son amant bon sang ! Comment pouvait-il croire que … ? Quant aux autres garçons, c’était stupide de se comparé à des cadavres mais il ne savait pas. Il ne saurait pas. Elle ne souleva donc pas. Même si le fait qu’il se mette dans une posture un peu bancal la surprenait, elle ne pouvait pas vraiment faire ça.

Oui. Il n'était peut-être pas aussi doué que Coloro avec les sentiments, peut-être pas aussi doué que Jerenn ou Bastian avec les filles, mais jamais, jamais, ô grand jamais, il ne perdrait la face, face à ceux-ci sur ce terrain-là ! Son orgueil et sa fierté bafouée brûlaient avec une passion provocante en réponse à la bravade. Alors, bien que gêné parce qu'il disait, il continua, sur sa lancé outrecuidante :

J'ai déjà vécu assez longtemps pour ne pas me confondre avec ceux que tu as déjà pu voir !

La fierté masculine. Une belle connerie. Il n’irait pas au trois quart de ce qu’il venait de décider. Un coup de tête n’est pas vraiment la bonne manière d’agir en général. Surtout sur ce genre de terrain savonneux comme un tableau d’instit’ un dernier jour de cours parce que les gosses c’était arrangé pour être sûrs de ne pas bosser. Et au final ils finissaient punit de leur impertinence avec une dictée oral de leur Némésis le prof. Cela allait-il donc se passer ainsi avec Atios ?

Alors ... Alors, Karito Shizuka, tu vas voir de quoi il est capable ! Procédant d'un geste précis, il dénoua sa cravate et la jeta sur le lit, désinvolte et en pleine rébellion contre sa pudeur et la comparaison de son invitée. Puis, ce fut autour du pull et… et enfin à la chemise. Mais il n'arrivait pas à enlever le t-shirt. Il se retourna, résigner face à sa limite, jusqu'à chercher des vêtements de rechange, tandis que la demoiselle s'amusait désormais à piller ses robes. Elle les prenait, les reposait et ne semblait pas pouvoir se décider ; en attrapant une autre, elle finit par lui mettre sous le nez et le regarda dans un mouvement de tête interrogateur. Elle eut une réponse désintéressée de la part du garçon qui n'avait même pas cherché à poser un œil sur elle :

Portes ce qui te plaît. Crois-tu sincèrement que je suis le plus versé dans l'esthétisme féminin ?

Rah. Elle avait horreur de ce genre de réponse. Si elle lui demandait son avis ce n’était pas pour se prendre un poêle dans la tronche parce que M. avait décidé qu’il ferait chier le monde. Insistante et persévérante, elle reclaqua devant lui une porte de son armoire, pour le forcer à la regarder, en ajoutant de vive voix, cette fois :

Répond honnêtement. Oui ou non ?

Idiote. Quand on possède un physique tel que celui qu'elle pouvait se targuer d'avoir, cette question perdait tous son sens. Soupirant, agacé, il finit par ajouter, pour récupérer sa liberté et son attention saisie par Karito :
Pour ma part, je dirais que tu es naturellement faite pour porter des robes, bien au contraire de mon cas. C'était dit. Elle savait ce qu'il pensait de sa capacité à porter des robes, maintenant.

La jeune femme fit la moue. Ses deux maitres le lui avait dit ça. Elle le savait donc plus ou moins. Elle voulait seulement un avis sur son choix. Déçue, elle rangea la robe et se remit à farfouiller en répondant maussadement.

Bof. J'ai tendance à préférer les combinaisons mais c'est l'avis masculins qui l'emporte après tout…

Aller en combinaison à un bal ? Et pourquoi lui avoir demandé son avis, si c'était pour en venir à cette conclusion si peu féminine ? Raah, décidément, il ne comprenait pas ce qui se passait dans le crâne de la demoiselle qui jouait avec ses robes. Mais si elle voulait être la plus belle ce soir-là, il savait comment faire. Dans un soupir - Attends-moi, je reviens - , il abandonna ce qu'il faisait et se rendit dans la chambre d'à côté, où il retira d'une commode, une robe blanche, il revint jusque la demoiselle et lui glissa entre les mains, en ajoutant :

Elle a les mêmes mensurations que toi, normalement. Elle devrait t'aller comme un gant.

Il lui présenta un chef d’œuvre en revenant. Shizuka le saisit avec mille précautions. Honorée par un tel présent, elle le remercia. Elle sortit de la chambre d’Atios, à la recherche d’une pièce où elle pourrait se changer. Hésitante, elle passa lentement le tissu sur sa peau et goûta à sa douceur. C’était étrange de se voir porter une robe qui ne lui appartenait pas. Celle-ci portait plus l’odeur d’une inconnue que celle d’Atios ou encore de sa maison. Elle jeta un œil dans le miroir. Elle eut du mal à se reconnaitre. Mais, qu’est-ce que cela donnerait au côté d’Atios ? Est-ce qu’elle aurait ne serait-ce que le quart du charme nécessaire pour prétendre l’accompagner … ? Elle secoua vivement la tête et ajusta les plis pour reprendre le contrôle d’elle-même.

La conclusion de cet échange se fit par un "Merci" et un "Pas de soucis", envoyé respectivement l'un à l'autre d'abord par la jeune demoiselle qui se préparait à enfiler son costume de princesse au jeune homme, qui se préparait à se transformer en prince l'espace d'une soirée. Le claquement de la porte permit à Atios de se changer en toute confiance, alors qu'il cherchait à savoir exactement comment il s'en était retrouvé là. Se regardant dans la glace, il regarda sa main qui avait été étreinte par la demoiselle, plus tôt. Il se surprit alors, à se demander si tout le corps de son invitée était d'une douceur comparable, ou si elle était encore plus tendre et délicate, là où il n'avait pas pu poser les mains... Pensée qu'il voulut étouffer en même temps que sa propre gorge et qu'il faillit fracasser sa main dans son propre visage, au travers du miroir.

Alors, il décida d'aller la chercher. Le plus tôt il aurait fini d'escorter la tueuse de Silver Fang, le plus tôt ils retrouveraient leur quotidien. Elle auprès de Silver Fang. Et lui, auprès de la solitude; Tapant contre la porte de l'ancienne chambre d'Arthuria, il demanda alors :

T'es prête ?

La voix du jeune homme la surprit alors qu’elle détaillait les lieux. La chambre de femme lui paraissait curieusement mal venue alors qu’il était seul. Etait-il déjà pris ? Avait-il une personne à loger ? L’habitude d’héberger des demoiselles en détresse ? Karito réagit avec désinvolture.

Entre et juge par toi-même. Fit la voix familière de la fameuse tueuse, promptant le jeune homme en costume à inspirer un grand coup et ouvrir la porte, en s'attendant au pire. Et il soupira en rentrant face à ce qu'il vit. Il laissa échapper alors :

Rah. J'aurais dû m'en douter.

S'approchant très près de la princesse en devenir, il fixa la robe. Elle ne l'avait pas mal mise... Mais décidément, elle manquait de douceur, quand il s'agissait d'elle-même. Comme si elle n'avait jamais appris à plaire à qui que ce soit. Comme si la délicatesse qu'elle aurait dû avoir en mettant ce genre d'habit, ne lui avait jamais été inculquée. Et la robe d'Arthuria ne pouvait pas être portée de cette manière. Il ne pouvait pas permettre Karito de se déshonorer face à celle qui aurait pu être sa jumelle. Se remémorant de souvenirs confus, ses mains fusèrent sur la robe, l'ajustant avec maestria : les rubans étaient ici, très importants et il les noua avec la même précision que si c'eut était la détentrice originelle de la robe qui les aurait noué. La robe se fit légèrement plus serrée, comme si elle épousait à la perfection les formes délicates et harmonieuses de Karito. Finissant le tour de la demoiselle, il finit nez à nez avec elle, le regard posé dans ses yeux.

La réaction et les actions d’Atios prirent la jeune Shizuka au dépourvu. Elle détourna les yeux en le sentant ajuster la taille, replacer les rubans. Le vêtement plus proche de sa peau et les mains du jeune homme la firent frissonner. Il lui rappelait, avec sa perfection maladive, son défunt Père. Sylva qui lui interdisait de sortir de sa chambre en sous vêtement. Sylva qui veillait toujours à ce que son chignon soit droit. Sylva qui ne la prenait dans ses bras que pour rajuster le nez dans son dos. Le contact de leur deux front surpris tout autant la jeune fille. Elle l’écouta en se noyant dans son regard.

Voilà. Comme ça, tu es parfaite. Tout aussi parfaite qu'Arthuria, du moins. Mais ... Attends, il manque quelque chose.

Instinctivement, il lui attrapa la main et la fit s'asseoir devant une coiffeuse. Puis, fouillant dans les tiroirs de celle-ci, il en sortit un large et dernier ruban blanc qu'il procéda à lui mettre, en la coiffant lentement. Il était tellement aspiré par la nostalgie, qu'il laissa échapper, sur un ton plus faible qu'à l'accoutumée :

Ça me rappelle le bon vieux temps. Où cette maison était moins vide.
 MessageSujet: Re: Valse monochrome.   Valse monochrome. EmptyDim 23 Déc - 23:47

Oméa K. Shizuka
Oméa K. Shizuka

Ajatar Virke

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Valse monochrome. 101910122

Ni une ni deux, sans trop savoir comment ni pourquoi, la blonde se retrouva en train d’être coiffée, ornementée, décorée comme une docile petite poupée. Le soupir mélancolique d’Atios la tira de son absence de réaction. Il avait l’air si triste et … Et …

Et Karito, fit quelque chose qui le sortit de sa frénésie perfectionniste : elle attrapa une de ses mains qu'elle porta sur une de ses joues à la peau plus raffinée que la soie. Il se maudit. Il avait mis du parfum. Réflexe, quand il sortait dans des diners mondain. Mais sa gêne disparut alors que son cœur et son âme se fracturèrent un peu plus sous cette innocente et naïve question :

Moins vide ? Arthuria est partie ?

Partie ? Avait-elle été jamais là ? Illusion venue comblée son manque d'affection, sa conscience de plus en plus réveillée s'était débarrassée de ses pions les uns après les autres, contre sa volonté, le remettant face à la réalité de sa situation dans le monde : seul, encore, et sûrement pour toujours, seul. Il baissa les yeux, son visage se crispant, comme s'il souffrait. Dans une complainte il laissa échapper alors :

Oh ... Elle n'est plus apparue depuis un moment. Comme les autres, je l'ai sûrement effacée.

Shizuka sentit son cœur se serrer à ces mots. Sa pression sur la main du jeune homme s’accentua alors qu’elle essayait maladroitement de lui faire sentir sa compassion. Compa… ssion ? Encore un sentiment nouveau pour la demoiselle. Jusqu’à présent, elle n’avait connu que l’homologue négative de celle-ci : la pitié. Il se mordit la lèvre avant d'ajouter, sur un ton plaintif :

Tous les rêves ont besoin d'une fin pour en rester.

C'en fut trop. Ses yeux se teintèrent de légère larme alors que son visage s'effondra contre l'épaule de son invitée qui ne devait pas comprendre à quel point elle venait de détruire un peu plus le coeur du tourmenté porteur de l'épée sacrée Excalibur, qui ajouta, comme une bravade de la dernière chance :

mais je suis heureux de voir que l'une de ses descendantes existe toujours.

Oui, car si Shizuka existait, aujourd'hui, c'est que Arthuria était parvenue à protéger sa descendance, dans un lointain passé :

même si elle n'a plus conscience de ceci, elle ne se sera pas battue en vain...

Elle ne savait pas quoi faire. Elle devait faire quelque chose. Elle refusait de le laisser s’enfoncer comme ça.

Bouge nom d’un archidémon ! Agis bordel !

Elle se releva alors, le forçant relever son visage fin, déformé par la tristesse qui s'était échappée de force. Elle fit lentement volte-face, pour l'affronter de regard à regard. A défaut d’avoir les bon gestes, elle chercha les bons mots pour les lui offrir.

Elle était peut être un rêve mais tous les rêves se revivent.

Ah, Shizuka, tu vas si loin en disant ça ... Et pourtant, il est tétanisé, dévoré par l'appréhension alors qu'elle pose son front contre le torse du jeune homme, dont la main été désormais posée sur la partie découverte du dos de la jeune fille.

Papom. Papom. Papom. Les oreilles d'Atios bourdonnaient. Et la demoiselle ajouta, alors, au loin :

Si je n'étais pas engagée, je t'aurais peut-être bien suivi de mon plein gré.

Elle l’avait avoué en toute honnêté, sans la moindre arrière-pensée. Sa franchise la perdrait un jour. Tout comme sa spontanéité. Dire qu’on lui avait toujours dit que c’était des qualités qu’un assassin n’avait pas besoin d’avoir. Elle espérait juste qu’il comprendrait par-là que si elle n’avait pas eu d’obligation, il aurait eu quelqu’un à ses côtés. Engagé par choix.

Venait-elle de lui indiquer qu'il n'avait aucune chance ? Il ne comprenait plus rien et une de ses pires craintes semblait se réaliser. Hagard, il se mit à réciter ses connaissances sur la magie, pour se défendre la douce idylle que Shizuka veut lui faire voir :

La magie peut tout réaliser, même les rêves les plus fous. Pour autant, un rêve est un rêve ; ils ne remplaceront la réalité que lorsqu'ils deviendront eux-mêmes réel.

Il prend une pause, la bouche pâteuse. Le regard vague :

Et je n'ai pas le pouvoir de créer quoi que ce soit de toute pièce par magie..

La magie ne résolvait pas tous les problèmes. Elle n’était que la porte vers le rêve et l’espoir. Vers l’ambition et la tyrannie. Vers les chemins les plus tortueux de la vie et ceux flamboyant de la mort. La création ne valait rien si elle n’était pas accompagnée du résultat souhaité. Shizuka le savait. On ne créait rien sans rien détruire. C’était l’équivalence et un des fondements de la vie. Une des règles les plus dangereuses si on ne savait pas qu’elle existait. La jeune femme se rapprocha, lui communiquant se qu’elle pouvait pour tenter de le ramener à son état normal.

Non. Sa magie devait détruire pour protéger. Après tout, sa magie la plus basique n'était autre qu'une lumière qui annihilait la vie. Son cœur se fait plus lourd, dans sa poitrine, mais l'arythmie dans sa poitrine s'adoucit, comme agonisante, corroborant un ton faible et blessé :

Et j'en ai assez de me jouer d'illusions pour me protéger....

Pas besoin d’être Madame Irma pour savoir qu’il avait souffert. Trop souffert. Avec raison. Sans raison. Il conservait sans aucun doute les souvenirs des horreurs et des trahisons sans pouvoir s’en défaire. Elle aurait voulu l’aider mais pour l’instant, elle était impuissante.

Il s'en souvenait distinctement. Des hurlements. Des gens qui tombaient, inertes, aux sol, les yeux fermés. Lui, coincé dans cette machine, voyant les sots qui pensaient que tous devaient mourir pour atteindre le paradis et l'illumination, grâce à lui. Comme un désaveu, il ajoute, amer alors :

Silver Fang n'aura jamais assez de contrat pour égaler le nombres de personne qui sont mortes à cause de moi.

Il était beau, le protecteur de l'humanité. Il n'était rien moins qu'un meurtrier de masse, à grande échelle. Le plan de Black Jack, de purifier une population par la magie en la détruisant ... Lui, l'avait mené à bien, loin, dans le passé. Et que ce soit ou non contre sa volonté, le faits resteraient pour l'éternité des faits qu'il devrait porter.

Une guilde incapable d’égaler le nombre de tués ? Il avait la culpabilité de ses crimes sur le dos. Des crimes qu’il n’avait certainement pas voulu commettre. Le meurtre inconscient. La pire des façons de tuer. Ça bouffait tout. La psychologie, le moral…

Que ce soit maintenant, ou dans le passé.

Il sait pourquoi il n'est pas heureux. Il sait pourquoi il ne peut pas être comme les autres. Parce qu'il n'a plus ce droit. Son innocence est morte depuis bien longtemps. Et c'est pourquoi, jamais plus il ne se permettra plus jamais d'être heureux.

... Me suivre est une erreur pour tout être humain...

Il relève son visage. Les étoiles le contemplent, avec dédain, là où elles siègent. Il sourit. Un sourire piquant glacial, destiné à non moins que lui-même : Ceux-ci devraient plutôt choisir leur propres voies sans jamais s'abandonner à l'autorité d'un autre. Il rit du paradoxe.

Le rire amère du jeune homme retentit douloureusement dans les oreilles de la jeune femme. Faux. Factice. Son poing se serra sur ses vêtements alors qu’elle écoutait silencieusement la fin de la tirade d’Atios.

Même si dans ma bouche, c'est ironique, puisque j'ai le pouvoir inné de contraindre les autres. Mais cette plaisanterie est aigre. Cyniquement douloureuse.

...La vie est faite pour faire des erreurs...

Mais peu importe comment cela pouvait-il être vrai ... Décidément ... Il ne pouvait pas ... Se pardonner ses erreurs. Atios est désormais une poupée. Une marionnette. Dans les bras de la demoiselle, qui l'emmène dans une danse où il n'a plus le choix que de voir ses défenses tomber les unes après les autres. Elle mène tellement cette danse qu'elle descend la seconde main du jeune de sa joue jusqu'à sa taille, dans un doux appel à la sensualité.

Karito ressent bien l’abandon du beau prend qui la tenait dans ses bras. Il venait de lui confier une parcelle de ses pensées, la naissance de certains souvenirs et le début de sa chute en enfer. Elle se resserra contre lui, toujours plus proche, toujours plus à l’écoute. Il ne tiquait pas, ne la chassait pas. Avait-il les mêmes sentiments que ce qui l’effleurait en ce moment ?

Sans peine, il n'y a pas de jeu ni de saveur. Alors quitte à faire une connerie, je veux qu'elle en vaille la peine !

Papom. Papom. Papom.

Alors, tu devrais trouver quelqu'un d'autre que moi. Car je n'en vaut clairement pas la peine.

Oui ... Il n'était pas capable de la rendre heureuse. Il n'était même pas capable de rendre heureux son entourage direct, qui préférait l'ignorer et le médire de loin. Comment pouvait-il être choisi par un joyau aussi magnifique ? Un ange qui était son ennemi ? Il avait la sensation que sa raison s'amenuisait de secondes en secondes.

Comment ça pas la peine ? Non mais … Qui se croyait-il pour être capable de juger des sentiments de la jeune demoiselle ? Comme si elle pouvait contrôler cela ! Elle se foutait éperdument qu’il soit incapable de lui offrir quelque chose en retour. Elle allait le lui prouver en misant ce qu’elle avait de plus cher.

Je pourrais parier ma virginité que c'est faux, mon grand.

Il ne cherche même plus à comprendre. Il cherche juste à désamorcer ce qui doit l'être. Il ne peut pas arrêter de lutter contre la douceur de ce qui le berce en ce moment.

Réalises-tu que tu paries ceci sur un être qui n'est même plus humain?

Un être humain qui s'était laissé dévorer par sa haine ? Qui régulièrement, voulait abandonner toute morale au profit de son désir d'être heureux ? Un être humain qui avait provoqué la disparition d'un royaume ? Foutaises.

Ah les hommes. Qu’ils étaient chiants quand ils essayaient de nier la vérité et les faits comme ça. Qu’est-ce qu’il voulait bon sang ? Qu’elle le lui impose ? Qu’elle abandonne maintenant en faisant taire ce qu’elle découvrait ? Elle jouait sa vie à chaque instant, elle ne craignait plus la mort depuis bien longtemps. L’avait-elle seulement craint à un moment ou à une autre ?

Je parie avec des démons. Alors, oui, je réalise ... Et oui, je le fais.

Aha. Un démon. Il était, à son sens, bien pire que tous les démons. Car lui, il avait le choix de choisir entre ses désirs et l'abnégation. Il avait le choix de surmonter tout ça. Mais il avait aussi la déception de voir qu'il faiblissait de plus en plus.

Les démons ont appris à ne pas parier avec moi, eux..
▬ Je n'ai pas peur. Ajoute-t-elle.
Effectivement...

Atios soupira, décidant d'être honnête, après tout ce temps à retenir ses craintes et ses peurs ...

Je suis celui qui a peur.

La jeune femme ne l’aurais pas deviné s’il ne l’avait pas dit. Ça se voyait dans les moindres parcelles de son comportement. Il avait peur. Mais de quoi ?

Tellement peur de perdre quoi que ce soit à nouveau qu'il ne veut pas prendre le risque de parier.

Parce que ces choses-là sont trop ... Humaines pour moi.

Des choses dont il a perdu tout droit de profiter. Des moments qui lui sont interdit, à lui, la divinité de la mort.

Trop humaine. Mais Merde ! Il était humain quoi qu’il en dise ! La culpabilité était un trait de caractère exclusif à eux. Avez-vous vu un prédateur animal ressentir de la culpabilité après avoir exécuter une proie ? Non. Pas un seul. Alors qu’il ne sorte pas une excuse aussi minable pour se voiler la face. On dirait un lapin craintif.

Tu n'as peur de rien et tu as crainte de tout. C'est très mignon.

Que répondre à ça ? Il ne pouvait pas comprendre ce qu'il se passerait s'il perdait pied. Pourtant, ce n'était décemment pas dans ses habitudes, ce genre de situation. Cette ambiance où la lumière blafarde et faiblissante plonger lentement la scène sous ses yeux dans une sorte de brume illusoire et mystique. Karito releva la tête et l'observa.

La jeune demoiselle se contentait d’attendre. De lui rappeler que, tôt ou tard, les vrais choses que l’ont fui nous tombe dessus sans raison et avec un seul dessein : nous damner de leur beauté.

Quel dommage. Cela dit je parierais quand même.

Atios détourna son visage, perdu dans ses pensées. En lui-même. Et même dans la situation. Il savait comment réagir, en combat. Il savait comment réagir, quand tout le monde se liguait contre lui. Il n'avait pas peur de se prendre des coups, dès lors qu'il savait quoi faire. Mais ici, ce n'est pas ses pouvoirs qui pouvaient lui indiquer la marche à suivre. Cette position qu'il tenait depuis un moment en devenait inconfortable, pour ses jambes. Il faiblissait littéralement sous la pression constante de la posture que Shizuka lui avait imposée. Combien de temps, tiendraient ses muscles ?

Karito sentait la tension dans le corps d’Atios. Elle-même se trouvait dans une position légèrement instable qui faisait travailler des muscles dont elle ignorait l’existence jusqu’à maintenant. Mais elle n’osait pas bouger. De peur de tout rompre. De peur de perdre cette étreinte si chaude et réconfortante dans laquelle elle avait l’impression d’avoir retrouvé un foyer qu’elle n’avait jamais connu.

Comme si j'étais en position de faire quoi que ce soit.
On a toujours le choix Atios.
J'aurais aimé l'avoir eu, par le passé. Désormais, je ne suis plus qu'une coquille vide qui joue avec ses souvenirs .. Alors, pour faire des choix qui semblent si insignifiants, par rapport à ce que je suis censé faire ...

Oui. Il savait quoi faire quand tout semblait perdu. Se relever. Faire de son mieux. Relever tous les défis, peu importe le sommet à atteindre. Trouver toutes les méthodes pour les surmonter. Parvenir à défaire l'opposition. Continuer de faire mieux, malgré les douleurs, malgré la peur et le désespoir. Aller plus vite, plus haut, toujours plus vite, toujours plus haut. Courir, sans jamais s'arrêter. Encaisser. Ne jamais abandonner. Se relever. Répondre, sans jamais se laisser démonter. Sourire, malgré toutes les horreurs. Ne jamais perdre espoir et le redonner aux autres.

Lui offrir les sourires là où il avait vu les trahisons. Compenser les vides, lui montrer le chemin de l’ascension. Le guider dans l’espace tortueux des lignes du destin. Panser blessures sur blessures. Chasser les craintes et bannir la déception. Lui donner un lieu sans jugement ni confrontation. Marcher dans ses pas, pour lui assurer un lien et un point de retour. L’aider. Le soutenir sans jamais se priver. Le protéger de ses peurs, lui donner ce que les autres ne pourront trouver.

Je ne suis pas capable de faire des choix rationnels dans notre cas présent car ça ne relève pas de la logique que j'appliquerais ailleurs. Ici, je ne suis pas entre la vie et la mort. Je suis entre les bras d'une fille ... Je ne suis pas à chercher à savoir comment sauver ou tuer quelqu'un... Je suis à me demander ce que je fais là.

Rectification, JE suis dans tes bras. Et ensuite tu ne te poses pas la bonne question.

La bonne question. La vérité, c'était qu'il n'avait pas le droit. Ode à la perfection morale, il n'avait pas le droit de céder à tout ce que Karito cherchait à l'exposer. Les liens étaient dangereux, pour lui. Il s'en souvenait. S'attacher aux autres était le meilleur moyen pour se fabriquer des faiblesses. Plus il jurait de protéger quelqu'un personnellement, plus cette personne était elle-même en danger à cause de cela. Il ne voulait pas échouer à nouveau à protéger quelqu'un. Il n'avait pas le froid de désirer quoi que ce soit.

Shizuka savait qu’elle serait plus un poids qu’autre chose. Une vie à protéger. Une gêne dans d’éventuelles escapades. La quatrième roue d’un carrosse pas très solide d’origine. Mais elle voulait l’aider. Le défendre. L’aimer. Tout se mélangeait peu à peu mais elle voyait pourtant clair à travers ce brouillard de sentiments désordonnés.

Que me veux-tu, sincèrement, alors ?
Ce que je veux ?
Oui. Après tout, je ne veux pas comprendre, je crois. Ou alors, je n'arrive pas à comprendre.

Oh, il n'était pas naïf à ce point. Il savait vaguement où elle l'invitait à aller. Mais décidément, non. Il ne pouvait pas. Ne se devait pas de. S'il le faisait, il trahissait ses idéaux, quelque part. Oh, ce n'était pas non plus aussi catastrophique que cela lui apparaissait. Mais décidément, non, non, non... Il ne pouvait pas. S'il cédait à cette entorse, aussi minime soit-elle, pourrait-il se regarder en face après ? Il était déjà assez impensable pour lui d'être là à hésiter... Elle resta sans bouger et détailla l'expression de son cavalier avant de l'attraper par le col de sa jolie chemise et de le tirer à elle.

Il ne cessait de réfléchir. Mais trop de réflexion provoque impatience et pousse aux pires actions plutôt que de sauver des ennuis. S’il n’essayait pas de ressentir, elle l’aiderait. Elle lui montrerait le chemin de campagne juste à côté des barrières de la morale qu’il tentait de sauver. Ils étaient seuls, il n’avait rien à cacher puisqu’il n’y avait aucuns témoins. Elle posa la question qui lui brulait les lèvres depuis un long moment.

Que ferais-tu toi ?
Je ne sais pas. Je sais juste que tu me mets dans une position étrange.

La jeune femme ne put s'empêcher de sourire. Mais Atios ne mentait pas. Un porteur d'Excalibur n'avait pas le droit d'aimer. Oui, ils étaient des machines. Oui, ils étaient des exécutants. D'une destinée déjà écrite. D'une destinée où ils n'avaient qu'un objectif. Mais lui ... Lui était l'exception à ce système. Il n'avait pas de destinée propre. Le destin avait pris le meilleur porteur qui lui était disponible, peu importe s'il ne le contrôlerait pas. La logique de cet univers était de faire confiance en la logique du jeune homme. Même s'il ne semblait pas avoir fait le pire des choix, semblerait-il. L'amour ... L'amour était le sentier de la plupart des tragédies.

Décidément, ce jeune homme était une vraie tête pensante. Toujours à penser au pire et à ignorer les sentiments. Il n’y avait pas la patte de la destinée dans ce qu’elle lui demandait. Il n’y avait qu’elle et lui. Peut-être l’espace et le temps comme unique bénédiction mais il n’y avait rien d’autre. La voie de la jeune Karito était d’offrir pleinement la vie à celui qui semblait l’avoir abandonnée. Lui montrer que, même si sa malchance était légendaire, il pouvait parfois lui arriver tout le contraire que ce que son salopard de Karma voulait.

Il faut parfois entrer dans des situations impossibles pour pouvoir se changer les idées et se rendre compte de ce que l'on est vraiment. Alors agis avant que ce ne soit l'heure d'y aller...
Agir ? Agir ? Mais ... Comment ?

De plus en plus gêné, avec des crampes à force d'être aussi tendu qu'un poteau, une de ses jambes lâcha, l'entrainant jusqu'au lit, Karito ... Eh bien, au-dessus de lui. Tic tac, tic tac. Il savait que sa chance allait disparaître. Il savait qu'il allait regretter. Il avait l'impression que deux épées s'approchaient lentement, en ciseaux, autour de son cou. Et une partie de lui voulait vraiment ne pas laisser passer cette chance. Il se savait lâche. Faible. Idiot. Il aurait préféré ne pas avoir le choix. Il se sentait misérable. Il savait que cela ne durerait pas pour l'éternité. Et chaque seconde d'hésitation allait l'éloigner de ce qu'il voulait. Mais il ne voulait pas trahir ses idéaux. La problématique de sa vie. Savoir si ou non, il avait le droit d'être heureux, malgré les règles qu'il s'imposait. Personne ne le punirait, là maintenant, s'il cédait. Sauf lui-même.

La patience de la petite Shizu’ commençait à toucher ses limites. Elle l’attrapa et le serra contre elle. Doucement. Tendrement. Comme quand elle avait dit au revoir à Sylva. Comme quand elle le ferait pour réconforter quelqu’un qui lui était cher. Comme elle le faisait maintenant avec la douceur infinie qu’elle réservait d’ordinaire à ses dessins.

Mais là, sous la poitrine de la jeune femme, qui le serrait, il n'avait pas l'impression d'étouffer. Il avait la sensation que son corps pouvait se relâcher. Il avait l'impression qu'enfin, il pouvait se laisser disparaître, sans aucun remords. Ses muscles se détendirent les uns après les autres, alors que ses bras glissèrent du dos de la demoiselle et qu'il se détendit pour la première fois depuis un long moment. Atios venait de perdre face à Karito Shizuka, qui s'était laissé reposer sur les draps sans pour autant les lâcher.

Tu vois que tu sais si tu en fais l'effort.
J'ai trébuché, en fait ... Murmura-t-il, n'ayant rien à cacher ni à se reprocher, sauf peut-être d'avoir des limites de tensions musculaires.

La jeune femme éclata de rire en le tirant pour qu'il s’asseye. Elle n'eut aucun mal à le faire bouger, puisque c'était désormais une docile marionnette qui avait perdu toute envie de se défendre. Elle le dévorait avec un mélange d’envie et de jeu, la faisant ressembler à un chat avec ses yeux plissés et son sourire éclatant.

J'avais raison de parier mais maintenant il va falloir y aller.
Y aller ? Où ça ? Demanda-t-il, surpris, émergeant légèrement de l'inconscience où elle l'avait plongé.
J'avais pensé aller au bal mais si tu as mieux et plus sympa je suis preneuse...

Grr. Elle osait. Elle osait. Elle avait osé. Et lui ne voulait plus que ça s'arrête là, désormais. C'était impensable. Soit elle était trop forte et manipulatrice, soit elle était naturellement manipulatrice. Mais cette conclusion serait trop cruelle pour lui. Il ne pouvait plus reculer, après avoir mis autant de temps à avancer vers elle. Ce serait comme vouloir briser son âme, si elle le repoussait maintenant.

La demoiselle savourait chacun des instants présents. Elle savait que tôt ou tard il l’enverrait paitre parmi ses pairs. Contrairement à ce qu’on pourrait penser, elle ne jouait pas. Jamais elle ne se permettrait de jouer avec ça. Que ce soit sur ses sentiments à elle ou ceux d’autrui. La franchise que son maitre condamnait mais que la blonde ne pouvait se permettre d’abandonner. C’était surement la seul chose qui lui restait de son passé oublié.

Combien de garçons sont tombés dans tes griffes, Shizuka ?

Flute. Prise au dépourvue par la question. Alors que la réponse était toute bête. La jeune femme fit mine de réfléchir avant de répondre :

Au total ? Absolument aucun. Ils sont tous morts à l'heure qu'il est.

Atios, le regard légèrement dépité, ajouta alors, nerveusement et en rougissant :

Tu ... Tu m'as fait quelque chose que tu es la première à avoir fait ! Tu... Tu vas devoir prendre tes responsabilités ! Je ne sais pas si ce que je vais faire est bien ou mauvais, mais ... Après tout, j'ai dit que je détestais ma vie artificielle, non?

Aha. Quelle ridicule. Lui qui agissait, désormais ? En imposant sa volonté ? Mais il ne voulait pas la laisser partir. Il ne voulait pas que ça s'arrête. Il s'en fichait du monde. De l'apocalypse. De tous ceux qui pourrait le juger en mal. Il s'en fichait. Il ne voulait plus qu'une chose. Que ce moment s'étale pour l'éternité et que jamais, cette douce sensation de sérénité ne s'éteigne jamais. Qu'il perdure, encore et encore, au-delà de toutes les épreuves ... Alors, Atios prit une grande inspiration et avança à quatre pattes sur Karito, sur le lit. Cela ne lui ressemblait pas. Mais il s'en fichait. Au diable l'avis des autres ... Si ça vie en était bien une, il avait le droit d'en profiter ... Et même s'il n'en avait pas le droit ... Il préférait trahir l'humanité entière que laisser partir Shizuka. Est-ce qu'il était en train de grandir ? Est-ce que quelque part, devenir honnête avec lui-même l'éloignerait de ce rêve ? Ou alors, cela était la première étape pour sortir de sa vie stagnante ? Il n'en savait rien. Mais ... Il savait une chose, là maintenant. Il ferait n'importe quoi pour être et rester avec la demoiselle.

La jeune femme le laissa approcher. Lentement, elle le laissa prendre l’ascendant une nouvelle fois alors qu’il agissait enfin comme ce qu’il se disait ne pas être. Il jurait haïr son présent plat ? Elle allait lui montrer un futur mouvementé. Il était enfantin dans ses actions ? Il allait prendre l’âge adulte qu’il avait fui avec méticulosité.

Tu l'as dit toi-même, oui.

La jeune femme se laissa faire sans mot dire, goutant à l'étrange sentiment qui naissait en elle. Une vie artificielle, aha. Oui, c'était bien ça. Une vie qui n'était plus la sienne. Mais celle du porteur de l'épée sacrée. Quelque part, Earthland avait beaucoup de chance qu'il se sacrifiait autant. Le jour où Atios laisserait aller ses envies plutôt que ses règles morales, un grand cataclysme se produirait. Il le savait. S'il cédait à ses chaînes, il n'aurait plus de limite autre que celle que les autres pourraient mettre pour l'empêcher d'atteindre ses buts.

C'est bête. Je te veux. Enfin, je pense.. Oh combien ça me paraît prétentieux que de dire ça, pour autant. Pour autant, aller plus loin ... Ne serait-ce pas risqué ? Pas pour moi ... Mais pour toi. Après tout, il y a Silver Fang. Et Tomaso.

On en revenait à son plus gros défaut. Forcément se mettre en deçà par rapport aux autres. Lorsqu'il comparait son incapacité à faire quelque chose ou à parvenir à quelque chose, il regardait ailleurs pour identifier les différences et se poignarder avec, jusqu'à parvenir à les combler. Après tout, pour quelqu'un qui veut devenir parfait, il est logique que de se reprocher et se blesser avec ses propres défauts et de se lamenter sur ceux-ci, surtout quand il est dur de les surmonter.

Toujours à s’inquiéter. Toujours à chercher, inconsciemment un moyen de s’échapper de ce qu’il souhaitait. Silver Fang ? La belle affaire ! Un prétexte bariolé qui agissait comme un groupe de saltimbanque sans être réellement sur de sa survie future. Bastian ? Ah ça oui, il n’allait pas être content. Mais faudrait-il encore qu’il l’apprenne. Karito savait parfaitement qu’il lui tomberait dessus tôt ou tard. Déçu de ne pas avoir le monopole. Coléreux envers les sentiments qu’elle n’avait pas su ou plutôt refusé de taire.

Bastian est mon maitre et j'ai mes libertés. Je m'en sortirais.
Et tu pourrais très bien être malheureuse par mes choix futurs ... Car moi aussi, j'ai mes libertés... Et en 300 ans, j'ai bien peur d'avoir perdu toute envie de ne rester à rien faire ...
Tu ne prendras aucun choix me concernant. Crois-moi sur parole.
Oh, je parlais bien des miens.

Oui. Il avait peur du futur. Il était égoïste dans le fond. Il voulait tout et aucuns risques. Et pour s'assurer de n'avoir aucuns risques, il suffit de ne pas en prendre. Le contraire de ce qu'il faisait à présent.

Encore une tentative de dérobade. Il n’aimait décidément pas marcher en terrain tumultueux on dirait. Mais savait-il seulement que c’est parce qu’il ne voulait fondamentalement pas le faire de lui-même que sa vie lui paraissait aussi morne ? C’est parce qu’on jouait sa chance au dé que la vie prenait soudainement des teintes arc-en-ciel et un sens qui nous échappait. Shizuka le faisait en pariant avec les démons. C’était dans ses moments où elle avait réellement l’impression de vivre pleinement. Pas besoin de penser au lendemain. Juste se focaliser sur le présent, sur sa propre survie. Ou, dans cet instant privilégié entre eux, à ses sentiments.

De toute façon, je ne suis pas du genre à choisir pour les autres. Preuve en est ...
Si je n'avais pas souhaité ça, tu n'aurais même pas posé la main sur moi Atios.

Alors pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi ? Lui qui était si banal ? Lui qui était si pitoyable, sans ses prérogatives et sa prestigieuse épée légendaire ?

Et bien parce que. Parce que. Parce que. Lui qui était tout sauf banal. Lui qui méritait la chance qu’il n’avait pas eue. Que tout deux n’avait pas eu. En y réfléchissant bien, il se ressemblait un peu. Pas d’avenir précis. Pas de passé certain. Juste un présent bancal et aléatoire.

Qu'est-ce que j'ai de différent des autres, alors ?

La véritable formulation de sa phrase aurait pu être : "qu'est-ce que j'ai que les autres n'ont pas ? Puisque dans son esprit, les autres, en tant que garçon, étaient forcément meilleurs que lui. Il n'était qu'un concept, un symbole, pas un être humain et un garçon, aux yeux des autres. Karito posa sa main sur la joue du jeune homme et descendit lentement ses doigts le long de son cou.

La fameuse question à laquelle la jeune femme ne pouvait pas offrir de réponse satisfaisante. Les autres étaient d’un ennui farouche. D’une perversité et d’un vice lassant. Quelque chose de stupide et de navrant qu’elle ne trouvait pas chez lui. Une facette de l’humain qu’on ne lui avait jamais offert. Quelque chose qui, au-delà des problèmes, lui rappelait sans cesse que ses actions avait un sens et un but autre que satisfaire des clients à moitié fou dans un but sanguinaire et meurtrier.

Quelque chose que peu d'homme peuvent prétendre avoir. Du charme.

Atios pouffa doucement, nerveusement, de rire. Lui, du charme ? Combiens le détestaient par sa propre nature et attitude ... ? Du charme ? La bonne blague. Il en doutait tellement fort. Mais quelqu'un ici avait un véritable charme, qui lui, ne laissait pas les autres indifférents, il le savait.

Elle avait encore réussit à sortir une bourde. Décidemment, s’exprimer n’était pas du tout son point fort. Loin de là même.

Du charme ... Je ne suis pas le seul à en avoir, crois-moi.

La blonde lui décocha un sourire franc.

Ah oui ? Je ne vois pourtant personne d'autre moi.
Oh, ici, la seule qui peut prétendre à avoir des charmes qui fonctionnent, c'est encore toi. Mais des hommes qui ont du charme, il y en a plein. Blue Pegasus s'acharne à les rassembler, tellement que ça en devient parfois étrange.

Atios soupira cacha son visage dans le cou de Shizuka, alors qu'il tenta d'articuler doucement, préférant taire ses mots à lui-même qu'à celle qui en était la destinatrice.

Blue Pegasus. Du charme. Beurk. Comment pouvait-on dire ça alors que la seule chose qu’il y avait d’attirant chez eux c’était … Rien. Une bande de chiffe molle qui se pavanait devant les photographes du Weekly Sorcerer au lieu d’agir. Qui voudrait d’un coureur de jupon qui hurle quand il se coupe avec une feuille ? Personne. Et certainement pas Karito.

Tu es ... Tu es belle. Tellement belle que je te verrais plus dans un château comme Mercurius que dans le taudis qui sert de quartier général à la clique de Clifford.

Oui. Elle était d'un pédigrée, qui, si mis côte à côte avec la guilde miteuse qu'était Silver Fang, était une insulte à ce qu'elle était réellement. Et lui, était plus du genre à se considérer comme une partie du mot miteux, en ce qui concerne les filles.

Un château ? Une cage dorée ? Non merci. Plutôt se pendre que de rester coincé dans les murs d’un nobliaux X ou Y pour lui servir d’ornement en soirée. Elle le faisait déjà en mission et cela lui insupportait. Alors imaginez les dégâts au quotidien. Elle préférait mille fois les saltimbanques de Clifford. A défaut d’élégance, ils avaient une vie palpitante rythmée par l’aventure alors que le château ne lui offrait que des intrigues de cour.

Blue Pegasus ? Du charme ? Ne me fait pas rire. Ils ne peuvent même pas prétendre avoir un quart de prestance. Leur belle gueule est photogénique le reste, c'est du vent.

Karito passa la main dans les cheveux du jeune homme dans un geste doux. Il sourit, faiblement. Pas à cause de ce qu'elle avait dit. Parce qu'il appréciait ce moment. Un moment qui se dissipait lentement à travers le temps.

Je ferais une bien piètre princesse. Et les cages dorées ne sont pas vraiment amusante si tu veux mon avis.
Et pourtant, tu es de celle dont j'ai envie d'être le prince, en ce moment..

Atios se releva alors, de toute sa hauteur, pris entre deux feux. Un prince oui. Il avait voulu l'être. Mais n'en avait pas la prestance. Il ne l'avait jamais eu. C'était le dernier élan de sa raison pour tenter de les séparer. L'élan de la dernière chance pour qu'ils s'éloignent l'un de l'autre, avant que les rouages d'une nouvelle destinée ne s'emboîtent.

C’était mignon comme il pouvait douter de ses choix et de ses paroles. Attendrissant à quel point il tentait à chaque fois de voir si elle allait flancher en route. Elle le laissait se complaire et tenter de sauver ses idéaux. Que pouvait-elle faire d’autre ? Il fallait parfois du temps pour accepter les fatalités.

Mais, je ne suis ni un prince, ni un héros. Je ne suis qu'un menteur qui n'est pas capable de choisir entre de se laisser aller dans la tentation ou non.

Atios soupira, comme fatigué, comme si sa résistance lui coûtait ses dernières forces. Car oui, ce genre de situation, ce genre de stagnante lourde où il ne pouvait rien faire pour accélérer ou ralentir, le fatiguait réellement. Tout ceci n'était tellement pas adapté à lui.

Curieusement, j'aurais tendance à privilégier le menteur plutôt que le prince et son cheval blanc. J'aime hésiter. La preuve ? Je ne sais pas moi-même ce que je devrais faire.

Et oui, elle avouait sa faiblesse sans crainte. Reconnaissait sa fragilité sous ses airs de poupée de porcelaine blonde à l’émotion ingérable. Elle lui offrait l’honnêté que les autres ne pouvaient pas avoir. Parce qu’ils s’en serviraient. Parce qu’ils ne pourraient pas s’empêcher de lui planter dans le dos. Elle agit à son tour sous les yeux d’Atios, en délaissant ses dernières pensées.

Elle lui attrapa de nouveau les mains en rosissant avant de changer de prise pour l'attirer à elle. Atios se laissa faire, patraque. Elle allait prendre le relais ? Cela le rassurait, quelque part. Cela l'arrangeait d'autant plus. Soupirant, dans un dernier élan de rébellion, il laissa échapper alors, faiblement, plein de dédain envers lui-même :

Bien piètre Dieu que je fais, n'est-ce pas? Détournant le regard, un sourire en coin, coupant comme le verre, pour lui-même.
Tu n'es pas piètre. Tu es mon charmant Dieu. Sourit-elle en lui baisant timidement le front.
Hélas, je ne saurais être uniquement tien ... Tôt ou tard, je serais appelé à servir les autres et à devenir leur rempart. Et je serais condamné à sacrifier des gens pour le bien d'autres.

Combien de temps allait-il être en paix ? Est-ce qu'elle accepterait de ne jamais l'abandonner, malgré le fait qu'il soit le héros de tous et de beaucoup d'autres ? Ou alors, devrait-il l'enlever et la garder pour lui tout en assumant ses responsabilités ? Il n'en savait rien. Mais l'avenir allait se complexifier. Beaucoup trop pour lui.
Karito laissait ses sens la guider. Jamais elle ne partirait de son plein gré. Jamais elle ne laisserait les autres atteindre ce bonheur qu’elle ressentait. Elle resterait la petite assassin libre qui n’avait d’yeux que pour lui et qui disait merde à son propre maitre en se foutant des conséquences.

Mais ça ne changera pas ce que je ressens.

Il espérait que ça ne changerait jamais. Il l'espérait de tout son cœur. Il voulait voir l'éternité et la fin des temps avec elle. Sans jamais douter du fait que ses bras seraient là pour lui permettre de fermer ses yeux.

Elle se jura de ne pas changer de voie. Pas maintenant qu’elle avait trouvé un sens tangible. Il lui avait bien dit un jour que si elle trouvait quelque chose de plus fort que sa propre autorité, elle mettrait sa lame au service de celle-ci. Elle ferait ce qu’elle croyait juste. Elle subirait sans rien dire les foudres de Bastian parce qu’elle savait que la véritable force se trouvait dans le fait d’avoir quelque chose à protéger. A faire évoluer. Même si c’était absolument dangereux et douloureux.

Même si je suis un être qui a servi à tuer des milliers de nos semblables, j'imagine que ça ne t'intéresse pas ..
Quelques soit tes actes, je ne te jugerais pas. Je ne le peux pas et je ne me le permettrais pas.
Tu devrais pourtant ..
On m'a élevé pour remplir des contrats d'assassinats. Mon jugement ne vaut rien du tout.

Belle erreur, Shizuka. Ton jugement vaut tout l'or du monde, aux yeux du jeune homme, à présent. Mais tu n'en as pas encore la capacité de t'en rendre compte. Et lui, se rends compte de son boulot. La morale. La vertu. Il en était le promoteur, le défenseur et le guerrier. Et le meurtre n'était pas quelque chose qu'il pouvait accepter.

Horrible vérité, Atios. Quelques soit les actes de la jeune femme, elle n’avait jusqu’à présent fait qu’obéir. Le sang. Le vice. Elle n’était que la face d’une illégalité que le monde voulait refouler. Et la bonté n’était pas vraiment quelque chose qu’elle savait donner.

Justement ... Si tu t'approches de moi .. Je voudrais te changer. Même si je n'en ai pas le droit ... Quelque part, mon nouveau rôle et de sauver tous les êtres que je le peux.. Et tu t'apprêtes à être proche d'un être qui se devra de remettre en question toute ta vie ...
▬ Je n'ai vu qu'un côté du chemin. Je serais prête à explorer le versant opposé tant que je peux toujours faire ce qu'il me plait. Etre proche de toi ne m'effraies pas. Bien au contraire.
Mais n'est-ce pas un peu rapide ?
Après tout ... Nous sommes relativement inconnu, l'un par rapport à l'autre ... Je ne voudrais pas que tu regrettes...

Oui ... Même s'il voulait être avec elle, même s'il voulait la garder pour elle ... Il ne voulait pas la faire souffrir au passage. Parce que même si ses sentiments s'étaient brisés, même s'il aimait beaucoup de gens... Il était tombé amoureux de Shizuka. Et plus la situation se prolongeait, plus il savait qu'une partie de son coeur serait à jamais attaché à cette jeune demoiselle.

Non. Quoi qu’il se passe, elle serait toujours à ses côtés. Parce qu’elle refusait de le laisser seul à nouveau. Car, même si elle n’avait aucunement le droit d’avoir ce genre de sentiment, elle ne pourrait pas le voir souffrir que ce soit de sa propre main ou de celle d’un autre.

Je ne regretterais pas.

Elle baissa les yeux un instant en devenant franchement écarlate avant de murmurer, devant le jeune homme, qui sentait qu'une puissante attaque allait lui être portée :

Parce que ...

Je t'aime.
   
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