La nuit, tous les chats sont gris. C’est ce que lui avait dit une vieille dame dans le salon de thé de Magnoria, juste avant que l’on apprenne pour le meurtre du Harceleur, et juste avant que son aînée le lui afflige une défaite cuisante aux échecs. Il avait bu son thé sans rien dire, se contentant de regarder l’ancêtre quitté la table avec le sourire de celui qui comprend des choses qui vous échapperont toujours, en laissant à Lund le soin de payer la note. Et vu ce qu’avait consommé la mamie, le mage avait de quoi être inquiété. Mais le meurtre du mauvais homme lui avait permis de gagner de l’argent. (L’argent ne manque pas aux morts, et Lund s’était payé lui-même après avoir libéré la ville d’un monstre potentiel.), et il put donc heureusement payer le patron du salon. En empochant l’argent, celui-ci lui fit savoir avec un grand sourire qu’il serait toujours le bienvenu dans sa modeste boutique. Lund lui répondit avec un sourire mystérieux qu’effet, il comptait revenir très bientôt. L’air quasi-apeuré du commerçant arracha un sourire au visage du magicien origamien, et le mit d’une telle bonne humeur, qu’il décida de rentrer à pied en passant par les montagnes.

C’était donc à cause de tous ces faits que Lund méditait maintenant sur un maxime bien connu, qu’il tournait et retournait dans sa tête, comme on le ferait avec une phrase contenant un mot caché. Mais en suivant la logique Lundienne, le seul mot que l’on pouvait révéler avec cette phrase était le couleur : Violet. Il se trompait sûrement donc. Lassé, et surtout avide de s’amuser, le Saleight stoppa ses réflexions imaginatives pour s’intéresser à son environnement. Nul trace, dans la nuit noir de ce soir d’automne, d’une quelquonque drôlerie ? Lund allait soupirer lorsqu’il entendit du bruit. Utilisant sa magie pour la première fois depuis plusieurs semaines, son corps se dispersa en fragment de papier qui disparurent dans la pénombre. De la sorte, il put ainsi observer la jeune demoiselle, rapière à la main qui installa son campement non loin de celui d’un jeune homme, possédant deux katanas qui semblait la suivre à son insu. Enfin << à son insu >> c’était à voir. Si la jeune fille, comme il pensait s’avérait être la prochaine recrue de Eagle dont Tsukiyo n’arrêtait pas de lui rabâcher les oreilles, elle pourrait sûrement le surprendre. La Ogawa n’acceptait que les plus forts au sien de sa guilde. Il n’y avait pas la place pour ceux qui pouvait se faire prendre en filature.

Malgré tout, elle ne le surpris que bien après, le lendemain en faites. Entre temps, Lund avait repris forme humaine et les suivait depuis les hauteurs rocailleuses de la montagne, là où il faisait le pitre avec la corniche. Lorsqu’on avait l’esprit de Lund, et que l’on avait passé des presque vacances sur le soleil, on n’avait pas peur d’une petite chute. Le mage sourit intérieurement à la pensée de Sofia. L’épisode du Festival n’était le plus « Fraternel » de sa vie, justement, la brûlure qui courait encore le long de son dos pouvait en témoigner. Il s’installa confortablement sur la corniche, s’allongeant carrément afin d’observer le combat entre les deux mages qui s’improvisait alors. La fille semblait en avoir marre de se faire suivre, avait surpris la garçon, lui avait même piquer un katana afin de le menacer pour de faux et maintenant les deux se toisaient. Les yeux du garçon ne faisaient aucun doute quant à ses attentions.

Lund en eut alors marre de juste observer. Il décida d’intervenir dans une histoire qui aurait pu ne pas être la sienne, mais qui par la force de l’ennui le serait. Il plongea sa bras dans le vide, le fit grandir grâce au papier, jusqu’à avoir une allonge assez longue pour qu’il puisse surprendre les deux combattants par une attaque éclaire. Sa main grandit, vola de la main de la fille le précieux Katana et remonta comme le ferait une grue avec son précieux chargement, l’arme à Lund. Il salua artistiquement les deux mages stupéfaits, leur tira la langue, et disparût de la corniche en laissant derrière lui un vent de folie douce. Une seule direction était à prôner pour récupérer l’arme : Eagle’s Claw, la guilde des aigles joueurs.

[Voilà mon intrusion x3]

La lame était fine, et le manche, stylisé par un foulard qui devait sans doute appartenir à quelqu’un de cher aux yeux du propriétaire. Lund admirait l’arme sous toutes ses coutures, en même temps qu’il fredonnait un air populaire et marchait sur l’étroite corniche. Au début, il se perdait tous le temps mais depuis plusieurs temps déjà, il arrivait plus ou moins à trouver des repères qui le menait jusqu’à la guilde. Ce gros rocher par exemple, qui évoquait le buste d’un cheval au galop, indiquait que la guilde était proche. Cela faisait un bout de temps qu’il n’y était pas allé, c’était d’ailleurs sûrement pour ça qu’il ne connaissait pas les nouvelles têtes. Par contre, elles, il était probable qu’elles le connaissaient car si la Ogawa était sans pitié, elle était également très bavarde, et prompt à vanter les bienfaits de sa guilde. Zut. Dommage. La chef de guilde lui avait enlevé une occasion de s’amuser, mais en y réfléchissant, le garçon ne lui en voulait pas. Pour le moment, il tourna le katana entre ses mains dissimulé sous ses longues manches amples, il s’amusait déjà suffisement.

Quelques minutes plus tard, c’est un ange de papier qui se posa devant la lourde porte de bois qui permettrait d’entrer dans le nid des aigles. Le Saleight fit disparaitre les ailes immaculées qui lui avait parmi d’accéder au sommet de la montagne, et avec un sourire typiquement Lundien, entra à l’intérieur du bâtiment imposant, et surtout très silencieux. Il espérait qu’il restait encore un peu de feuille de thé pour remplir une tasse car il n’avait pas eu le temps d’aller menac… voir les habitants du village au pied des Montagnes de Jura. Fort heureusement, il restait quelques pousses dans le genre de bar qui permettait aux aigles de se restaurer, quand il était là. Mais aux dernières nouvelles, Crysis était en mission, et il ne sentait pas la présence de Tsuki au sein de la guilde. Restait les autres : Apomachin,, mais il ne l’avait vu qu’une fois et encore, celui-ci ne savait pas qu’il était observé, Jio, un genre de personnage dont Lund ignorait tout et Misto, qui devait être probablement la demoiselle aux cheveux noirs à laquelle il avait volé le katana.

Tout en consultant une horloge, il se servit de l’eau chaude dans une tasse, et y mit les feuilles de thé précédemment sauvées. Il grimpa agilement sur une des lourdes poutres et s’y installa confortablement : Si les deux oiseaux avaient pris le bon chemin, alors il ne devrait plus tarder à pénétrer dans la gueule du loup. Lund sourit, en l’occurrence, ce serait plus tôt dans le bec de l’aigle…

Lund s’amusait comme un petit fou. Le carré de sucre de sa tasse était en effet remonté à la surface, et comme le ferait un bateau face à un iceberg, tentait de fuir la mort métallique par la noyade que lui provoquerait inévitablement la cuillère avec laquelle le garçon mélangeait son précieux breuvage. Après avoir créé un cyclone ambré à l’intérieur du récipient, il porta la tasse bleue nacrée à ses lèvres et s’abandonna au plaisir que lui procurait le thé lorsqu’il était consommé dans une tasse. Il se souvenait avoir eu une conversation à ce sujet avec un marchand itinérant de Oak. Le thé pouvait être conservé dans une gourde mais, le marchand avait d’ailleurs approuvé lourdement le Saleight, il était toujours bien meilleurs quand on le consommait comme le voulait la tradition. Bref, pour ceux qui ne l’auraient pas encore compris Lund avait déjà quasiment oublié le Sabre, le tueur volé et la demoiselle glaciale.

Ce qui ne l’empêcha pas d’entendre l’irruption de Misto au sein de la guilde. Comme savait-il que c’était elle ? Plusieurs raisons : elle connaissait le chemin, elle avait l’air bien plus subtil que l’autre homme et le pas qu’entendait le mage était bien trop léger pour être celui d’un homme. Toujours était-il qu’il ne releva pas même pas la tête de sa tasse lorsqu’elle entra. Il avait raison, et la porte ouverte n’était plus fermé à cause de la jeune femme. Il est vrai qu’il lui lança un œil vaguement curieux, mais il se replongea immédiatement dans ses pensées après cette action. Pensé que nous ne dévoilerons pas ici, pour ne pas choquer les plus jeunes lecteurs. Et puis avouons-le une nouvelle fois, les pensées de quelqu’un comme Lund sont incompréhensible pour une personne normale. Après un petit moment, il releva tout de même la tête pour la fixer avec ce regard synthétique, qui pouvait lapider d’un simple coup bleu océan l’esprit d’une personne. La folie du jeune homme se manifesta de nouveau, mais il la retint, en rompant le contact oculaire, et en se réfugiant une nouvelle fois dans la boisson fumante.

Il la regarda, songeur, sortir. Elle était amusante. Ils l’étaient tous d’ailleurs. Il sauta à terre, se saisit du sabre, et sortit, laissant derrière lui un vent de bizarrerie douce. Il resta à la porte, se contentant de regarder avec neutralité le combat qui se déroulait sous ses yeux. Ainsi donc, Misto pensait qu’il ferait une bonne recrue. S’il semblait être impulsif, un peu à l’image de Crysis, il avait la force, c’était indéniable. Peut-être aurait-il pu vaincre Misto, s’il avait été plus expérimenté avec la magie. Cette fois, le mage blond se laissa emporter par la mer qu’il contenait d’habitude. Son visage ne fut plus qu’un rictus grimaçant et tirant la langue, il montra sa main droite. Dans celle-ci se trouvait un foulard, le katana était dans la main gauche du doux-amer. Lorsqu’on était un aigle, il fallait supporter Lund.

Cela n’était pas vraiment donné.