Solis se tenait prêt, dissimulé par un bosquet. Il attendait que la lune se lève. Alors seulement, le sceau qui sauvegardait les secrets de l'apocryphe s'annulerait, permettant de lire l'ouvrage, et d'en apprendre plus sur les Bannis des anciens temps. Avec la découverte de la magie sombre du pomander, Solis commençait à douter que ce ne soit qu'un recueil de fables. Entre les réponses positives de sa magie aux injonctions, et le fait qu'il existe d'exactes reliques correspondant aux pouvoirs des êtres décrits, il semblait que les Bannis aient bien existé. Pourtant, aucun recueil n'en avait fait part, et aucun livre d'histoire n'en parlait. D'où venaient ils, et qui les avait bannis? Etait ce vraiment des divinités anciennes qui chassèrent ces êtres du monde? Zentopia ne faisait pas non plus mention de ce passage là...

La clé de la vérité se trouverait dans le livre. Cependant, celui ci était capricieux. Il ne se laissait pas lire dans n'importe quel ordre. Si on essayait d'aller trop vite, les phrases se brouillaient en comparaisons douteuses, et en jargon incompréhensible. Et les conditions d'ouverture du livre étaient pas idéales pour avancer. Seule la pleine lune pouvait révéler les écrits à l'intérieur. Aucune forme de magie ne fonctionnait, et le livre n'était pas magique d'après Pyxis. Autrement dit, pas moyen de comprendre. C'était plus comme si le livre avait sa propre volonté. Maudit bouquin...

La lune finit par éclairer l'ouvrage. Les pages se mirent à refléter la lueur lunaire. Les mots commencèrent alors à s'inscrire sur les pages, dans une belle et soigneuse écriture. Solis avait déjà appris pas mal de chose sur l'un des apôtres, celui du scorpion, appelé l'Impur. Suite à la découverte du pomander, il avait tenté d'en savoir plus, mais la suite de son histoire faisait partie des passages incompréhensibles du livre. Visiblement, il n'aurait pas le droit au fin mot de l'histoire tout de suite. Il laissa les pages courir sous ses doigts. Même si une bonne partie du texte était une version moderne de chimpanzé, l'ouvrage était ponctué d'images, de gravures, de reliefs. Des anges, des monstres, des bêtes difformes, des reliques d'un autre âge. Un chapitre s'arrêta naturellement devant lui. C'était comme pour l'Impur et le pomander, on avait l'impression que le livre avait été ouvert des centaines de fois à cette page précisément, et qu'il ne faisait que reprendre sa forme habituelle. Encore cette impression que le livre savait ce qu'il voulait.

Solis sursauta en entendant un bruissement dans les arbres derrière. Cela devait être un banal écureuil. Ses lectures nocturnes avec un livre luminescent avaient tendance à le rendre nerveux. La page ouverte était un nouveau chapitre. On y voyait une femme, drapée de rouge, dont le visage était caché par une semi pénombre. Seuls ses yeux, éclairés par une intense lumière turquoise, étaient visibles.

Sagittaire la Murmurante

La Murmurante avait été une jeune femme serviable et dévouée, régnant sur les âmes de toutes choses. Sa douceur et son sens de l'écoute en ont fait la confidente des dieux. Elle écoutait chacun d'entre eux, lisant dans leurs âmes leurs plaies et peines, et tâchait de les réconforter, de soigner leurs afflictions. Touchant au plus près au mal absolu qui sévit dans les coeurs, elle perdit lentement son humanité. Lorsque la Séraphine lança son assaut contre les dieux, la Murmurante se tenait à ses côtés, et lui chuchota les faiblesses des dieux qu'ils combattaient. Une fois que ceci fut fait, elle descendit sur terre. Puisque les mortels avaient une âme aussi chargée d'ombre, elle les aida à les assumer. Elle leur appris la guerre et la mort. Elle leur appris la luxure et la débauche, l'ivresse et la tourmente. Lorsque les dieux eurent écrasé la rébellion, ils s'en prirent à l'apôtre, la bannissant dans les abysses à son tour, où elle devra attendre et expier ses crimes.

Solis laissa ses pensées voguer sur cette histoire. Elle n'avait pas mauvais fond en fait. Elle s'était juste... Perdue en route. L'amour des autres l'avait mené à sa perte. Certes, elle avait répandu bien du mal en leur apprenant la guerre et la passion. Mais elle n'était qu'une victime parmi les autres en fait. Tout comme l'Impur. Consumés par le mal du monde. Solis s'attarda un peu sur l'image initiale. A vouloir sauver les âmes des autres, c'était sa propre âme qui s'était brisée. Cependant, peut être y aurait il une rédemption. Car elle n'était enfermée que jusqu'à ce qu'elle ait pu expier ses crimes. Cependant, même si elle arrivait à récupérer les fragments brisés de ce qu'elle avait été, pourrait elle jamais les ré-assembler? Une âme si bonne et pure pourrait elle supporter le désespoir qu'elle a provoqué dans un instant de faiblesse? Cela semblait difficile... Aussi peut être valait il mieux rester dans les ombres, seule et isolée, plutôt que de voir le reflet de ce qu'elle était devenue?

Le jeune homme s'interrogea sur son héritage. Une telle créature pouvait elle vraiment laisser de la magie noire? C'était son contrôle sur l'âme qui l'avait perdue d'un autre côté. Toucher à son pouvoir ne risquait il pas de corrompre, telle une maladie? La page suivante montrait le symbole, et se perdait encore une fois en descriptions et calculs magiques incompréhensibles. Pourtant, Solis savait qu'il y avait des sorts dissimulés dedans. Il suffisait de trouver quels mots détonaient avec le texte. Ce sort ci consommait sept étoiles d'après le dessin. Moins que l'Impur donc, mais une gêne quand même. Il se leva pour tenter. Après tout, la Murmurante touchait aux âmes, et il était seul ici. Si jamais le sort tournait mal, il pouvait toujours l'annuler sans craintes. Et encore, il n'était sûr de devoir la craindre.

Il appela à lui la lumière qui résonnait dans son coeur. Les étoiles vinrent paresseusement s'enrouler autour de lui, tournoyant lentement. Il les déplaça une à une, fixant le schéma du livre. Le symbole du sagittaire. Les étoiles se lièrent lentement, formant un symbole lumineux en l'air. Il ne lui restait plus qu'à libérer la magie.

Celestial Starsign, Sagittarius: Starlight

La lumière éclata, et un glyphe s'inscrivit au creux de son poignet gauche, montrant l'activation du sort. Puis ce fut comme si on versait de l'eau dans ses yeux. Le monde s'inscrivit en nuances de doré, se brouillant brusquement. Il se frotta les yeux plusieurs fois. Zut, quelle idée aussi de rendre les sorts non compréhensibles avant de les lancer... Cela faisait bigrement bizarre quand on ne s'y attendait pas. Les couleurs et les formes revinrent peu à peu, même si un voile jaune restait. Bon, premier détail qu'il nota sur une de ses lames posées à terre, c'était qu'il avait les iris jaune. M'enfin c'était un détail. Le second point, c'est qu'il voyait parfaitement. Même si la lune éclairait fort à son zénith, elle ne perçait normalement pas à travers les frondaisons. Or, là il voyait parfaitement. En jaune. Mais il voyait. En somme, il ne trébucherait plus en revenant. Le coût ne semblait pas excessif. Mais il se méfiait.
En tournant sur lui même, il nota un troisième effet. C'était une grosse... masse? cachée dans les buissons. Une sorte de "flamme" qui dansait et dont le coeur sombre délimitait quelque chose. La chose ressemblait à une... silhouette humaine?

Qui est là?

La silhouette tressaillit, et se leva. C'était bien un homme. Encapuchonné, mais Solis voyait tout de même son visage avec ses jolis nouveaux yeux. La chose qu'il voyait autour devait être son aura alors. Les yeux de la Murmurante, qui voient au coeur des choses. L'aura était noire et mouvante, mélange de ténèbres et de... feuilles...? Ou de quelque chose qui y ressemblait.

Jolies lentilles. Je suis pas fan. Par contre, ton bouquin m'intéresse, donc je vais te demander de gentiment me le faire passer...

Solis haussa un sourcil. C'était un vulgaire voleur? Solis jeta un regard au livre posé sur la souche, qui rayonnait doucement sous l'appel de la lune. Il crut distinguer un instant quelque chose autour, mais ce fut trop bref pour qu'il puisse vraiment saisir ce que c'était.

Ce livre est ma propriété

Rigoureusement faux, il l'avait piqué à la bibliothèque magique, mais c'était un détail.

Oh... On veut mordre?

L'homme projeta une salve d'ombre. Solis roula à terre. L'ombre de son aura. Mais alors si il avait l'ombre, cela voulait il dire que les feuilles...?
D'épaisses racines jaillirent du sol, cherchant à l'agripper. Solis recula à quatre pattes. Il prit appuis sur ses bras pour se projeter plus loin. Il tendit une clé.

Ouvre toi, porte du bélier, Aries!


Je suis désolée pour le retard...

Mais non, mais non, t'es à l'heure....

Deux racines jaillirent du sol et les chargèrent.

Wool wall!

Un épais mur violet cotonneux se dressa entre eux et les racines, les piégeant dans sa masse.

Désolée...

Rah, mais non, ça a marché! Tu t'excuseras quand ça ratera

Désolée...

Oh, c'est doux, c'est bon...

L'homme se tortillait au fur et à mesure que ses racines s'enfonçaient dans la laine. Visiblement ça lui faisait de l'effet.

Allons y Aries!

Wool bomb

L'homme fut submergé dans la laine mauve.

Oh... C'est tellement bon... Encore...

Aries devint rose vif, et se sauva en pleurnichant et en frissonnant. Solis appela les deux étoiles encore disponibles. Il les projeta vers l'homme. Considérant leur faible nombre, il ne les laissa pas éclater, mais les durcit pour les maintenir. Il entama un ballet avec les deux orbes pour frapper aussi rapidement que possible l'homme. Celui ci se laissa faire quelque temps, encore sous le charme de la laine d'Aries, avant de reprendre ses esprits. Il fit éclater la laine dans une explosion d'ombre, emportant les deux étoiles par la même occasion. Il conjura deux traits d'ombre. Aries les bloqua avec des Wool Shot. Visiblement, la laine ne suffirait plus à le duper.

Ouvre toi, porte de l'aigle, Aquila!


Je suis toujours votre obligé Milord.

A l'attaque, tous ensemble.

Aries s'élança au sol, pillant régulièrement quand l'homme la regardait. Bon, enfin elle avançait. Le pire, c'est qu'elle en était capable, mais il fallait la motiver à des degrés colossaux pour qu'elle se lance... Aquila lui partit par les airs.

Eagle Judgment!

Sa lance fila au pieds du voleur, et se planta dans le sol.

Woll Wall!

Un mur de laine entoura l'homme, coupant toute issue. Puis la lance éclata en une puissante explosion d'énergie. L'homme se releva en grognant au milieu de la laine soufflée par l'explosion. Solis projeta deux étoiles sur lui. Sans les durcir cette fois. l'explosion résultante projeta l'assaillant contre un arbre, où il s'écroula dans un dernier grognement.

Solis expira lentement. Il n'était seul. Certes, il avait tenté de se prouver avec Nywell qu'il pouvait combattre seul. Quelqu'un part il avait raison de vouloir devenir fort et pouvoir protéger sa famille. Mais quelque part, il y avait tout aussi tort. Car ce n'est pas en mettant sa famille qu'il la protégerait.

Merci Aries, Aquila. Je vais avoir besoin d'aide pour le ramener en ville.

Je m'en charge Milord.

De rien Solis. Appelle aussitôt qu'il le faudra.

Aries disparut avec sa laine dans un dernier petit désolé. Solis dissipa le symbole du sagittaire après avoir jeté un regard curieux à Aquila. Il le voyait aussi avec une aura. Mais elle était très différente de celle de l'homme. Pas que sur la forme, mais aussi sur la nature profonde. Ces deux auras n'appartenaient de toute évidence pas au même univers.

Une fois ses yeux revenus à la normale, il se demanda un instant comment les hommes faisaient pour vivre la nuit, tant cela lui paraissait sombre et imprécis avec des yeux normaux. Il créa une étoile pour s'éclairer. Même avec ça, ça ne faisait quand même pas pareil... D'un autre côté, utiliser la magie des Bannis pour simplement pas se casser la figure en allant boire la nuit avait quelque chose de malsain...