Aucun être vivant, qu’il soit homme, femme, chien, chat, touriste ou bien habitant permanent, ne prêtait attention au jeune homme blond. Tous étaient bien trop occupés dans leurs activités respectives ; Les touristes étaient bruyants et nombreux, les marchands étaient bruyants et nombreux. Era était une grande ville, qui par conséquent, drainait tous les touristes. Une chose en entrainant une autre, les touristes drainaient tous les marchands. Le fameux « action-réaction » que les scientifiques tentaient de prôner dans ce siècle florissant. Et pourtant la magie n’avait rien à voir la dedans. Toujours est-il que le garçon avait pris place dans la rue marchande d’Era (Exploit car les rues marchandes, sont comme tout le monde le sait, Marchande.), ses cheveux blonds dissimulant son visage sous un épais rideau paille. Il s’était assis en tailleurs, et avait disposé devant lui un rectangle de tissu rouge orné d’arabesques colorées. Lentement, en pendant aux actions précipitées de la masse humaine, il sortit d’un étui, rouge lui aussi, une flûte en une matière étrange, curieusement lumineuse, sculptée avec soin. Il la porta à ses lèvres, ferma les yeux et souffla à peine.
Le Temps s’arrêta.

Le son était extraordinaire. Amplifié par les structures de la rue et rebondissant sur les murs, il s’infiltrait partout et atteignait toutes les oreilles. En quelques minutes, une foule de curieux se forma autour du musicien. La musique leur disaient à tous vaguement quelques choses, mais aucun ne réussissait à mettre un nom dessus. La plupart battait la mesure avec leurs doigts ou leurs orteils. Certains étaient même au bord des larmes. Le flûtiste finit son morceau sur une longue note d’une pureté cristalline. La foule applaudit à tout rompre avant de se dissiper. La plupart jetèrent de l’argent sur le carré de tissu, et plusieurs lui demandèrent même si il vendait un CD. Le jeune joueur de Flûte les remercia de leur intérêt et leur expliqua que non il ne vendait pas de CD car chaque performance était unique. Il rangea la flûte dans son étui, ainsi que le tissu.

Yäwé Filia Libri n’avait jamais été très économe. Le principe de « prévoir » n’avait jamais été compris par lui et de la sorte que bien qu’étant un mage, à la solde d’un conseil qui plus était, il se retrouvait souvent sans le sou. Il jouait ainsi de la flûte aux gens qui en retour lui permettait de subsister jusqu’à la prochaine mission que ses supérieurs lui assignerait. Voilà le départ de l’histoire car, pour ceux qui n’auraient pas encore compris, le joueur de flûte mendiant et Yäwé était la même personne.

Il se leva. Une personne était restée et le fixait. La lumière du soleil éclairait son visage et empêchait le F.Libri de voir son interlocuteur. Qui était-ce ? Et Que lui voulait-il ?

Le soleil laissa entrevoir au mage le visage de son interlocuteur. Des yeux pareils à deux petits lacs noirs encadraient un visage fin, empreint d’une certaine timidité et prompte à sourire. Les cheveux roux clairs du jeune homme obscurcissait son visage, et cachait son front. Yäwé acheva son inspection en constatant qu’il n’avait pas l’air violent ni dangereux, seulement plus au moins légèrement naïf. Dans tous les cas, il avait l’air avenant et dégageait un aura de bonne humeur, de « positive attitude » qui lui valait sûrement de se faire des amis facilement. Même sa timidité paraissait calculée pour qu’un éventuel interlocuteur lui fasse confiance. Seulement, le F.Libri ignorait le sens du mot « AMI » ; il n’en avait jamais eu. Son enfance avait été solitaire, et il avait été privé par la force des choses de ce que l’on pourrait nommer « la Fraternité de l’Amitié ». Un titre un peu pompeux.

Si Yäwé n’avait jamais eu d’ami, cela ne voulait pas nécessairement dire qu’il n’en voulait pas. Il était arrivé depuis quelques temps déjà à Era, et s’il commençait effectivement à lier une certaine sympathie avec les commerçants (Notamment avec le vendeur d’instruments avec qui Yäwé avait grand plaisir à parler.), il ne connaissait pour autant personnes qui pourraient porter le nom d’ami. Ce jeune homme paraissait, nouveau à Era, ses grands yeux ouverts par la diversité culturelle qui y régnait en maître ici, l’indiquait au jeune musicien. Autres pièces de l’échiquier, la curiosité était une maladie chez le F.Libri et dans le meilleur des cas, l’inconnue pourrait même le conduire à une Partitions ! La reine prenait le fou, et Yäwé se sentit obliger à son tour de non seulement répondre au jeune homme, qui pouvait d’ailleurs être lui-même un mage, et d’engager une conversation amicale. Il lui répondit donc avec enthousiasme bien dosé, de son timbre de voix légèrement chantant, une spécialité typiquement « Made in F.Libri ».

Le F.Libri était très joueur, un peu comme un chat. Et le voilà qui disparait entre les étales colorées des vendeurs réapparaissant par quelques moments, mais aussitôt submergé par la houle des acheteurs. Les rues marchandes étaient à Era de véritables Océans économiques, et l’on pouvait y faire naufrage très facilement. Mieux valait avoir alors un bon guide. Ces dernières semaines avaient permis au flûtiste d’apprivoiser les vagues et de ne plus se perdre dans le repli de la Capitale. Restait à espérer que son interlocuteur le suive car, s’il celui-ci avait su trouver le mage du Conseil grâce aux sons de sa flûte, retrouverait-il son chemin dans ses dédales colorées ? Voilà qui promettait d’être distrayant. Et puis, Yäwé prenait cela comme un test. Si le « éventuellement » mage arrivait à tenir la cadence et à le suivre, alors il était digne d’être une personne intéressante aux yeux du musicien.

Yäwé finit par sortir du labyrinthe commerçant, pour entrer dans un nouveau genre d’enfer, celui des auberges. Là le Roi Alcool régnait en Maître avec la Reine Nourriture, là où toute la société se confondait. Car après que la boisson eut fait effet tous, qu’il soit pauvres ou hauts dignitaires, tous devenaient égaux. Même à Era, il y avait certaines adresses à éviter, et Yäwé prit soin de ne pas y mener son interlocuteur. Au contraire, il rentra dans une petite auberge, d’apparence miteuse mais qui avait une excellente réputation auprès de Yäwé. Le barman salua de la tête le musicien, car celui-ci avait joué plusieurs fois dans la salle afin de rembourser un verre non payé. Le F.Libri s’assis à une table attendant que son interlocuteur entre. Le test allait-il être concluant ?

[Note pour Lenn. Le « Roi Alcool», c’est une métaphore, (Une personnification pour être précis) en gros, dans ce quartier où l’alcool est partout, un pourrait dire que l’alcool « règne » donc = Roi. Désolé de t’induire en erreur avec mes comparaisons étranges xDD]

Que Yäwé se rassure, son « compagnon » ne s’était pas perdu. En revanche pour la discrétion, cela n’était pas encore une victoire. Le rouquin venait d’entrer avec délicatesse dans l’auberge : « Bouuum ! » « Fhooooou ! » et divers autres formes d’halètements sont les exemples d’une longue liste. Le barman jeta un regard suspicieux à son nouveau client, bien trop bruyant à son goût. Il se prépara à le jeter dehors lorsque le jeune homme fut sauvé par le F.Libri qui fit un geste au tenancier pour lui faire comprendre qu’il était avec lui et que ce bruit était en parti sa faute. Le patron de l’auberge lui jeta un coup d’œil qui se voulait profond, mais ne s’opposa pas lorsque le rouquin fit quelques pas hésitants dans le bar. Il vint s’asseoir lourdement à la table du joueur de flûte, sous l’œil pétillant de celui-ci. Le personnage avait réussi, malgré son évidente ignorance de la cartographie d’Era à le suivre et à tenir la cadence même si son souffle trop audible pour être naturelle indiquait que cela n’avait pas été de tout repos.

Yäwé sourit. Et répondit, un brin provocateur.

Lenn, car s’était son nom, poursuivit.

Le flûtiste, poli ouvrit la bouche pour répondre mais il fut interrompus par des bruits de rire. Le vacarme se rapprochait pour finalement s’immobiliser devant la porte de l’auberge, sous l’œil attentif du patron. Un groupe d’homme à l’air louche entra. Le Patron habitué à se genre de personnes pris son air le plus ferme et parla d’une voix lourde.

Celui qui semblait être le chef du groupe s’avança, arrogant. Une flamme verte s’alluma dans sa main, tandis qu’il dirigeait cette même main vers l’aubergiste. Il était magicien. Yäwé se leva et parla d’une voix forte.

Il fixa les cinq hommes.