Il était complètement déconnecté de l’extérieur. La musique agissait pour lui comme une bulle isolante. Il était dans son monde et seul lui possédait la clé, qu’il protégerait avec ferveur. Personne ne pouvait pénétrer dans sa bulle sans son autorisation. Il se sentait libre. Tranquille. Et apaisé.

Les yeux fermés, Yäwé Filia Libri rêvait, laissant la mélodie l’envahir. Il se trouvait alors dans une des nombreuses salles d’entrainement que possédait le magnifique quartier d’Era. Le Conseil de la magie, cette instance chargé de la lourde tâche d’assurer la justice, y siégeait. Era était une ville bruyante, et animé ce qui avait immédiatement ébahi, voir « choqué » le jeune mage lorsqu’il était arrivé. Son enfance s’étant déroulé dans un paisible village en bordure de forêt, c’était la première fois pour le Filia Libri qu’il mettait les pieds dans une grande ville. Et Era pour être grande, elle l’était ! Yäwé était certains que des milliers et plus encore de rue, ruelles et chemin caché transformait la ville en un véritable dédale, dont on avait bien vite fait de ce perdre. Heureusement pour lui, Brumen lui avait donné un peu d’argent lors de son départ et il avait donc pu s’acheter une carte de la ville. Une carte pour une ville… Je vous demande un peu. Le flûtiste avait un bon sens de l’orientation : cela faisait maintenant deux semaines qu’il séjournait à Era et il n’avait besoin de nul carte désormais. Mais pourquoi Yäwé se trouvait-il à Era ? Il avait décidé de rejoindre le Conseil, qui pensait-il, serait en mesure de l’aider dans sa quête des Partitions. Il s’était présenté dès son arrivée à Era et avait été reçu. Il patientait depuis, attendant que l’on le charge d’une mission. Pour passer le temps, Il avait d’abord exploré la ville, fait connaissance avec les commerçants et consulté les imposantes bibliothèques d’Era qui surpassant en taille la collection déjà imposante que Brumen possédait. Il y a peu, le Filia Libri avait découvert qu’il possédait un accès au salle d’entrainement du Conseil. D’où la raison à sa présence ici.

Yäwé s’était levé tôt afin d’être sûr qu’il serait seul et que personne ne viendrait le déranger : Il aimait jouer de son instrument seul. La présence des autres, quand elle n’était pas souhaitée, le dérangeait. Les seuls témoins de la scène étaient de jeunes grives, qui devait habiter l’arbre qui était accolé à la fenêtre, et que la musique de Yäwé devait avoir « Réveillées ». Pour l’instant, perché sur le rebord de cette même fenêtre ouverte, elle observait cet étrange personnage, assis en tailleur au sol, qui tirait des sons agréables de son étrange instrument métallique. Les dernières notes disparurent dans l’aube. Les grives comprenant que le spectacle était terminé, s’envolèrent et quittèrent les lieux. Le mage ouvrit les yeux. Des bruits de pas indiquaient que quelqu’un approchait.

Les yeux bleus du musicien détaillèrent l’arrivant et en tirèrent rapidement une conclusion : un messager venait d’ouvrir la porte. Celui-ci parla rapidement au mage : Le Conseil avait décidé de lui confier une Mission. Les choses intéressantes allaient-elles donc enfin commencer ?

♣ 2 heures plus tard~ Quartiers Militaires d’Era. ♣

Sa mission lui avait été énoncée rapidement. Le Conseil suspectait l’un des membres du corps militaire de traitrise. Apparemment, des informations classées « Secrète » avaient été divulguées. Le coupable serait un certain « John ». Un nom banal pour une personne banal pensa Yäwé. Celui-ci n’avait en grande considération les personnes trahissant la chose qu’il avait pourtant juré de protéger. Il trouverait le traitre. Et mettrait fin à son trafic. Yäwé sourit. Si « John » résistait, il se pourrait bien que la fin soit « Définitement définitive ». Il regarda autour de lui. Il se trouvait sur un des grands toits plats que possédaient les immeubles émergents les militaires de haute classe. On se demandait comment John avait pu monter aussi haut dans l’armée. Sûrement grâce à une aide extérieur, le « John » que l’on avait décrit à Yäwé n’avait pas l’air d’une personne très intelligente et ne possédait apparemment aucun talent particulier. Yäwé savait que ses appartements se trouvaient juste en dessous. Il s’installa en tailleurs et porta la flûte à ses lèvres.

Yäwé brida sa magie afin d’économiser de l’énergie. Pour ce qu’il voulait entreprendre, seul un oiseau était nécessaire. Ce fut donc un petit rouge-gorge qui se posa devant le Filia Libri, sautillant en mesure avec la mélodie que produisait la flûte. Yäwé changea légèrement les notes pour donner ses ordres. Le rouge-gorge sautilla une dernière fois et plongea dans le vide.

Pour s’arrêter devant la fenêtre des appartements de John. Il entra et sortit du champ de vision de Yäwé qui jouait toujours. Quelques secondes passèrent avant que l’oiseau ne réapparaîsse et ne reviennent vers son « maitre ». Il chantonna alors quelques notes avant d’attendre la suite. L’instrumentaliste cessa de jouer et suivit des yeux, la boule rouge que formait le rouge-gorge dans le ciel bleu tandis que celui-ci, libre du sort, fuyait. Il avait appris ce qu’il devait savoir. Il n’y avait personne à l’intérieur de l’appartement. Le mage soupira. Il trouvait cela ahurissant que l’on parte de chez soi sans prendre soin de fermer la fenêtre. Cela n’étonnerait même pas le Filia Libri si la porte d’entrée de John n’était pas fermée à clé… Yäwé se leva et s’approcha prudemment du vide. Il se retourna et laissant pendre ses jambes dans le vide, entreprit d’escalader vers le « bas » l’immeuble pour pouvoir entrer dans l’appartement de John par la fenêtre. Il y réussit finalement au prix d’un bleu sur le genou et d’une grosse frayeur lorsque son pied glissa de l’appui qui le maintenait en équilibre.

Yäwé regarda autour de lui. Un mot définissait ce qu’il voyait. Le Bordel. Un véritable capharnaüm régnait ici. On aurait pu croire qu’un ouragan venait de passer dans la pièce. Bref. Yäwé entreprit de rechercher des documents qui prouverait au Conseil la traitrise de John et qui permettrait son arrestation. Celle-ci n’avait, jusqu’alors, pas pu se faire, faute de preuves. Au bout de trente minutes, le Filia Libri commença à songer à une éventuelle innocence… Lorsqu’il fut interrompu dans ses pensées par des bruits de pas. John arrivait. Il manquait de temps pour trouver une cachette. Il leva la tête. D’imposantes poutres empêchaient le plafond de tomber et de réduire en poussière les habitants de l’immeuble. La solution s’imposa à lui naturellement. Lorsque John entra chez lui, nul présence d’un quelconque individu et d’une quelconque fouille de son domicile. Le pauvre garçon fut donc surpris d’entendre une mélodie douce s’élever de sa demeure. Il perdit un temps précieux à chercher d’où provenait le son et ne comprit que lorsqu’il leva les yeux et vit le jeune homme assis sur l’une des poutres, jouant de la flûte. Ce fut sa dernière vision avant que ses yeux ne se ferment et qu’il tombe de sommeil.

La voix de Yäwé, légèrement moqueuse s’éleva du plafond. Il sauta à terre et pris les papiers qui se trouvaient dans la main du dormeur. Tout cela parlait de code et d’information. Dans son autre main, le musicien trouva une bourse bien remplie. Il ne lui en fallait pas plus pour prouver la culpabilité de « John ». Il se réveillerait probablement en prison, peu importait à Yäwé. Celui-ci sortit par la porte en remettant sa flûte dans son étui. Il lui restait un rapport à rédiger.