[ ... Précédemment ... ]




Sans même prendre le temps de profiter du paysage, Seiren se positionna face à plusieurs murets de pierre qui bordent le lac, dagues en main. Il fallait déjà faire simple et réussir à rattraper ces "boomerang" du premier coup. Ne pas craindre la coupure, ne pas craindre la coupure… Un dernier regard perplexe sur les armes, puis premier lancé ! La vitesse de retour était si impressionnante qu’elle dû se forcer plus que d’habitude à aller à l’encontre de ses peurs. Main positionnée, prête à la réception… Mais l’à-coup est brutal et elle ne garde pas la dague en main bien longtemps… La laissant s’échouer au sol. Pas le temps de la ramasser, l’autre dague revient à son tour. Même vitesse, même surprise… Même résultat. S’habituer à les rattraper n’allait pas être une mince affaire. Isaya reserra les poings plusieurs fois de suite comme pour se mettre dans le mouvement, puis reprit l’exercice.

Pour une fois que l’entêtement de la fée pouvait passer pour une qualité… Au bout d’une heure, elle était parvenue à maîtriser les objets dans leur course circulaire. Elle arrivait même à jouer en leur donnant plus ou moins de vitesse, plus ou moins d’effet selon l’angle de départ. Dans les dernières minutes de cette heure infernale, elle avait même pu approfondir cette pratique en la couplant avec sa technique de déplacement. Mais au final, ses mains étaient parsemées de coupures en tout genre, rougies par ces actes répétés sans cesse et engourdies par une douleur lancinante. Seiren commençait même à avoir des crampes. Une pause s’avérait nécessaire. En s’approchant de l’étendue d’eau, elle remarque les stigmates que son entrainement laissait sur les pierres. Des cicatrices comme ce que la plupart des gens portent… Elle plongea ses mains dans l’eau et enfouit immédiatement sa tête dans son manteau. Surprise par la température si froide, mais aussi par une nouvelle douleur, plus perforante, la jeune femme dissimulait les traits tirés de son visage… Préférant laisser l’effet glaçon agir en serrant les dents. Les quelques promeneurs qui étaient là bien avant elle en profitèrent pour venir échanger quelques mots. Il n’était pas rare de voir des mages s’entraîner dans les environs puisque Fairy Tail avait son QG non loin. Donc aucune surprise n’était perceptible chez ces étrangers. Ils avaient juste été curieux de savoir qui elle était. Ils prodiguèrent de surprenants encouragements à son égard, puis la plupart d’entre eux reprirent leur ballade, tandis que d’autres s’installèrent au bord du lac pour se détendre. Gênée qu’elle puisse avoir un public, Seiren essaya de s’éloigner un peu, mais la tâche était vaine. Dès qu’elle activait sa magie, d’autres curieux se postaient en spectateurs. Finalement, elle décida de les ignorer et que, plus tard, elle ne remettrait pas les pieds ici pour s’entraîner.

Encore un peu étrangement endolorie, sa main gauche agrippa les dagues et elle les observa longuement… D’abord les charger en magie. Les yeux clos, la concentration se fit beaucoup plus facilement puisque cette fois, elle savait concrètement où diriger son énergie. Tout était dans ses mains. Puis elle se mit en position, prête à lancer ses armes. La main droite accompagna le mouvement, mais en réalité, Seiren y glissait une infime onde électromagnétique. Et tandis que les doigts de sa main gauche pinçaient cette onde contre les dagues, celles-ci se chargeaient un peu plus en puissance et Seiren en profitait pour donner une nouvelle impulsion. À cette vitesse, les "boomerangs" n’étaient plus visibles, seul le bruit de leur course fendant l’air se faisait entendre. À l’impact contre un tronc d’arbre, une explosion survint. La déflagration surprit même Isaya. Le résultat : l’écorce renfoncée sur une bonne dizaine de centimètres et les dagues étaient en miettes… Jusqu’à ce que d’un seul coup, elles se reforment et repartent directement vers la lanceuse qui manqua de peu de ne pas les rattraper convenablement. Non seulement, ces armes retrouvaient leur forme physique, mais elles reprenaient également leur trajectoire comme si de rien n’était. Comme si c’était préenregistré ou bien comme une empreinte indélébile qui s’adapterait à chaque fois.

Seiren réessaya immédiatement, mais loupa lamentablement son coup en glissant mal l’onde électromagnétique… Ce qui eut pour effet de faire partir les dagues dans des directions opposées et bien évidemment, vers les curieux. Petit mouvement de panique suivi d’excuses de la part de la jeune femme avant de reprendre […] La première fois avait été un coup de chance, car là, cela ne fonctionnait plus. Énervement, impatience… Son niveau de concentration baissait et le maniement subtile des ondes le devenait de moins en moins… Subtile. De colère, elle jeta les dagues au sol qui rebondirent immédiatement et le retour ne passa pas très loin de son visage… Elle y laissa même une mèche de cheveux. Après quelques rires dans l’assistance, de nouveaux encouragements s’exprimèrent au grand damne d’Isaya. Elle n’était pas à son aise et cela restait très surprenant pour elle qu’on l’encourage. Cela n’était encore jamais arrivé. Mais au moins, ça calma la demoiselle. Et quelques secondes plus tard, elle était comme recentrée, vigilante.

▬ « Denji-na juuden ! »

Les mots vinrent comme dans un murmure ou plutôt comme un souffle. Et après les avoir prononcés, elle répéta les mêmes mouvements précis que la première fois et la technique aboutit enfin avec succès. Seiren ne prit pas la peine de faire attention aux exclamations que l’on pouvait percevoir chez les spectateurs. Elle recommença de plus belle. Trois, quatre, cinq, six fois. Elle continua en changeant de cible, de position et en réactivant sa technique de déplacement. Elle remarqua qu’elle pouvait influer sur la concentration, plus ou moins importante, l’impulsion de l’onde électromagnétique. Et ainsi, l’impact et donc de l’explosion se faisaient proportionnellement plus puissants. Au bout d’un quart d’heure à ce rythme, le dernier lancé failli déraper dans la mauvaise direction, mais Seiren se déplaça en un éclair et intercepta les dagues.

Mais elle ne pouvait décemment pas terminer sur une fausse note. Épaules détendues, respiration contrôlée, la même incantation, la même danse et un résultat parfait, un peu trop peut-être… Le rocher sur lequel elle avait jeté son dévolu -préférant épargner l’arbre- avait été comme… Remodelé. Récupération des "boomerangs" tout aussi réussie. Seiren pouvait souffler, malgré la douleur tenace dans ses mains, le mal de tête qui pointait le bout de son nez et le sang séché de ses coupures qui la gênait. Elle allait devoir arborer de disgracieux bandages pendant un certains temps.
Ce sont des applaudissements qui la sortirent de ses « pensées médicales ». Et, comme si de rien n’était, Seiren osa se montrer étonnamment complice. Peut-être la fatigue qui lui faisait baisser sa garde, mais bon, il n’y avait personne qu’elle connaissait dans les parages, alors…